Des Iraniens partagés entre la peur et l’espoir de voir tomber le régime
Anahita*, la quarantaine, habite et travaille dans un pays européen (qu’elle ne souhaite pas dévoiler pour sa sécurité) depuis une dizaine d’années. Opposée au régime des mollahs comme une grande majorité des Iraniens, elle est malgré tout partie en vacances trois mois sur place début mai, pour voir ses parents à Ispahan, une grande ville du centre du pays. Elle devait rentrer en juillet, mais tous les vols sont annulés. "Pour moi, c’est comme si ce n’était pas réel, raconte-t-elle calmement au téléphone, hier. La guerre a commencé il y a quelques jours, mais c’est comme si ça faisait déjà un mois. Personne ne se rappelle comment était la vie avant."
Pour l’instant, elle dit se sentir en sécurité à Ispahan: "Bien sûr, on entend des explosions, la maison a déjà tremblé plusieurs fois, et ces derniers jours, on pouvait voir les missiles dans le ciel. Mais à Téhéran, c’est bien pire, les gens ont très peur. Mon cousin habitait près d’une zone qui a été attaquée, ses vitres ont été brisées, et il a fui, car il n’y a aucun abri là-bas."
"J’ai des amis qui sont dans ma situation, et qui ont pris des taxis jusqu’à la frontière turque ou arménienne afin de prendre l’avion et rentrer en Europe ou aux États-Unis, poursuit-elle. J’aurais pu le faire, mais si j’avais laissé ma famille ici, j’aurais été super-stressée, donc je suis restée. On verra ce qu’il se passera…"
Selon elle, l’Iran est incapable, technologiquement, de se défendre durablement, "d’autant que la République islamique n’a aucun allié, alors qu’Israël en a plein. On ne sait pas si le régime est réellement proche d’avoir l’arme nucléaire, tout dépendra de ça."
"Donald Trump est fou, on ne sait pas jusqu’où il peut aller"
Quant à une éventuelle entrée en guerre des États-Unis? "C’est difficile de dire si c’est positif… Donald Trump est fou, on ne sait pas jusqu’où il peut aller. On ne veut pas le chaos, on veut juste un changement de régime, et la liberté. Mais quand les dictateurs sont effrayés, il peut se passer de bonnes choses. Et aujourd’hui, Khamenei a très, très peur."
Et d’ajouter: "Si le régime devient plus faible, le peuple iranien pourra peut-être faire quelque chose, mais c’est compliqué, car tout le monde a très peur. Les gens fuient Téhéran et essayent juste de survivre." Ses espoirs sont néanmoins intacts: "Il faut que ce régime, qui nous a pris en otages, tombe. Pour que le peuple iranien soit enfin libre!"
Mahyar est réfugié politique à Nice depuis 2018. Il est en lien avec ses parents, qui vivent dans le nord du pays, et ses amis installés à Téhéran. "Oui, le danger est là. Mais les Iraniens que je connais continuent de vivre. Et surtout, ils ont l’espoir de voir tomber le gouvernement islamique, qui a fait tant de morts en Iran. Israël cible en priorité les habitations des gens du gouvernement, c’est pas une guerre contre nous, même si, bien sûr, il y a des victimes civiles qu’on ne peut pas nier." À 30 ans, Mahyar a enfin l’espoir de voir l’obscurantisme tomber: "Israël nous aide, ils ont ouvert la voie. C’est au peuple iranien maintenant de continuer et de prendre en main son destin."
"Israël a quand même bombardé un hôpital"
Sonia* est plus mesurée. Née en Iran, elle vit à Nice depuis une quarantaine d’années, mais elle reste très attachée à ses origines. "Peut-être que le régime va tomber. Mais au prix de combien de civils morts? Des bombes tombent en permanence. Des immeubles entiers sont détruits à Téhéran. Je suis en contact avec des gens là-bas et tous vivent avec la peur de mourir. Les frappes d’Israël ne sont pas si chirurgicales que ça. Ils ont quand même bombardé un hôpital! Il y a des morts, et il va y avoir une nouvelle génération de jeunes Iraniens traumatisés et sacrifiés."
*Les prénoms ont été changés.
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