Forcément, son pseudo est une perche tendue aux jeux de mots divers et (a)variés. Benoît Queroix, alias L’Oiseau noir, serait-il perché? Le doute est permis, puisque l’intéressé avait tout bonnement confondu les jours et zappé notre rendez-vous, lundi dernier. En ce jour férié, il n’était pourtant pas en train de buller. Le quadra était occupé par la fresque qu’il réalise dans le cadre du festival Poésie urbaine, à Grasse. Une autre corde à son arc.
Le parapente pour s’évader
Vole-t-il de ses propres ailes? Oui, grâce à sa musique, ses ateliers d’écriture et les œuvres d’art qu’il vend dans le centre de Grasse. Il lui arrive même de planer, en parapente, du côté de Gourdon, Saint-Vallier ou Caussols.
"C’est une discipline qui demande énormément de concentration et de rigueur. Elle m’oblige à me focaliser sur ce que je fais, ça me permet de couper de plein de choses. Dans l’air, il y a peu de moments de répit. Ta vie est quand même suspendue à quelques fils... C’est comme une drogue. La semaine dernière, je suis allé dormir à la belle étoile au sommet de La Colle. Je me suis réveillé à 6h30, j’ai pris un peu d’eau, une banane et j’ai décollé. Après ça, je suis allé bosser, j’étais bien."
"Écorché vif"
En 2022, quand il a débarqué sur la Côte d’Azur, pour se rapprocher de sa sœur et de ses nièces, Benoît Queroix, Picard d’origine, arrivait directement de La Réunion. Et d’une certaine manière, il était dans une phase de sevrage. D’une femme avec laquelle il avait vécu une histoire d’amour qui venait de s’achever. Pour évacuer ses émotions, L’Oiseau noir a choisi d’écrire, puis de glisser vers la musique. Comme il l’avait fait après la disparition de son père.
"J’avais partagé un texte sur les réseaux sociaux, avec un petit piano derrière. Je disais aux gens de se réconcilier avec ceux qu’ils aimaient, avant qu’il ne soit trop tard. Avec mon père, on était en gros froid. La veille de sa mort, on s’était raccroché au nez."
S’il s’est toujours considéré comme "un écorché vif, pas comme les autres sur pas mal de points ", Benoît Queroix estime avoir réussi à mieux se comprendre, au fil du temps. "J’ai trouvé mon mode de cheminement. J’assume mieux ma sensibilité, ma vulnérabilité."
Ben Mazué l’a "beaucoup inspiré"
Tout cela, on le ressent dans ses textes, posés dans un style se rapprochant du spoken word, popularisé par des auteurs de la Beat Generation ou Gil Scott-Heron, à ne pas confondre avec le slam. L’Oiseau noir, lui, assure avoir écouté beaucoup de chanson française, notamment Benjamin Biolay ou le groupe Fauve. Dans sa manière fluide, authentique, de dérouler ses paroles, on croit aussi pouvoir établir des parallèles avec Ben Mazué. Ce jeudi, c’est d’ailleurs à lui qu’il ouvrira la voie aux Nuits Carrées, à Antibes.
Comme Ben Mazué l’avait fait avec Paradis (2020), L’Oiseau noir a fait tourner un album (Elle, sorti en avril dernier, mais initié en 2021) autour d’une rupture. Comme lui, il a arpenté les chemins de La Réunion. Et comme lui, avec une personnalité différente, il façonne des textes bien troussés, auxquels beaucoup d’auditeurs et d’auditrices s’identifient illico. Un peu comme si on reprenait le fil de leur propre histoire, qu’on leur faisait revivre des sensations très familières.
"Ben Mazué, je l’ai découvert assez tard. J’aime beaucoup ce qu’il fait, notamment sa façon de faire des albums qui sont des chapitres de sa vie", confirme L’Oiseau noir. "Il m’a vraiment beaucoup inspiré. Et je ne le savais pas, mais on a des amis en commun à La Réunion. Je ne le connais pas personnellement, mais on m’a dit que c’était un bon humain. J’espère qu’on aura l’occasion d’échanger à Antibes."
Et "elle" dans tout ça?
Sur Famille, sorti en février dernier, Ben Mazué raconte comment il a recollé les morceaux avec la mère de ses enfants. Avec Elle, qu’est-ce que ça a donné pour L’Oiseau noir, alors?
"Je n’ai jamais eu de nouvelles, je ne sais même pas si elle a écouté l’album. Au début du projet, je voulais le faire pour elle, j’avais écrit les chansons comme des lettres. Le sortir pour son anniversaire ou la Saint-Valentin. Et puis, j’ai compris que ce n’était pas la bonne direction. Il fallait que je lâche prise. Cet album, je devais le faire pour moi, mais aussi pour qu’il ait un côté universel. Et finalement, c’est mieux comme ça."
Il a aussi bossé pour les Nuits Carrées
Dès ses premiers mois dans les Alpes-Maritimes, L’Oiseau noir est vite allé voir ce qui se passait côté live. En balade à Antibes, il apprend que Disiz, l’un de ses artistes fétiches se produit aux Nuits Carrées. Il prend son billet, fait un tour et cherche à trouver le boss de l’événement, Sébastien Hamard, afin de lui demander comment faire pour monter sur scène un jour. Rien que ça. Il lui a donc fallu patienter trois ans. Entre-temps, notre homme a gardé le contact. Lors des deux dernières éditions, il a été embauché comme chauffeur des artistes, pour lesquels il s’occupait également la mise en place des loges. Le voilà de l’autre côté du miroir en 2025.
Savoir+
Festival Nuits Carrées à Antibes. Ce jeudi, vendredi 13 et samedi 14 juin. Rens. nuitscarrees.com
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