Elle arrive sous le chapiteau éphémère de France Télévisions, dans un ensemble pantalon-gilet ultraléger, après un passage express par la case maquillage. La robe de gala et les talons perchés, ce sera sans doute ce mardi soir pour ouvrir ce 77e Festival du film, qui fait déjà tant parler. Là, il est à peine l’heure du déjeuner, mais sous l’effet du stress, de la fatigue, de la chaleur (cocher la case au choix), Camille Cottin nous dit : "Bonsoir, euh pardon, bonjour !" Pas de décalage horaire, mais sans doute l’anticipation d’une soirée aussi exaltante que frissonnante, dont elle a déjà éprouvé les répétitions.
Agent artistique dans la série "Dix pour cent", c’est elle (Andrea Martel) qui accompagnait Juliette Binoche en maîtresse de cérémonie sur la Croisette. La réalité a finalement rejoint la fiction, et Camille doit désormais être à 100 % dans ce rôle d’un soir au royaume du 7e art. Crucial, même lorsqu’il peut paraître accessoire.
Le Festival, la comédienne en connaît déjà les ors, puisqu’elle a eu l’honneur d’accompagner des films en sélection avec Christophe Honoré ("Chambre 112") en 2019, ou au bras de Matt Damon pour "Stillwater", en 2020. En tant qu’actrice, elle doit aussi à la Côte d’Azur l’une de ses plus belles prestations, en maman débordée et débordante (d’émotions) dans "Toni en famille", de notre chouchou grassois Nathan Ambrosioni.
Mais présenter les cérémonies d’ouverture et clôture, c’est presque grimper une marche supplémentaire. Avec interdiction absolue de se prendre les pieds dans le tapis rouge ! Même quand on a été révélée dans la peau d’une super Connasse qui ose tout, à la télé comme au ciné. Pas question non plus de siroter un café avec George Clooney et Jean Dujardin au stand Nespresso du Palais, comme dans la pub. Confessions d’avant-scène…
Monter sur la scène du Grand Auditorium du Palais pour présenter les cérémonies d’ouverture et de clôture, c’est un peu comme renouer avec vos débuts au théâtre ?
Oui, ça relève un peu du théâtre, mais je n’étais jamais montée seule sur scène auparavant. Remarquez, là non plus, je ne serai pas seule… Avec les répétitions, ça fait déjà du bien d’y être, physiquement. Ça fait déjà moins peur que lorsque je regardais Virginie Efira ou Chiara Mastroianni [qui l’ont précédée dans la fonction, ndlr] à la télévision.
Comment se préparer à une telle cérémonie ?
Moi, je suis une véritable traqueuse. Alors plus je me prépare, et plus je garde mon sang-froid, même si là, je ne suis pas sûr d’arriver à le garder ! (rire) Il faut de la concentration, il faut une réflexion en amont, mais depuis que je sais que je vais être maîtresse de cérémonie à Cannes, j’y pense !
Ce fameux trac, il est encore plus fort que pour embrasser Matt Damon dans une scène de ‘‘Stillwater’’ ?
Ah, c’est une autre forme de stress ! Il y avait aussi celui de Matt Damon, lorsqu’il craignait de perdre son postiche en m’embrassant ! (rire) à chacun le sien… Mais Virginie Efira a donné un petit truc à Chiara Mastroianni, qui me l’a transmis à son tour. C’est pour continuer à avoir une belle diction, malgré ce trac fou qui pourrait tout emporter sur son passage. Je ne le révélerai pas, car je trouve ça joli de se le passer comme ça, de maîtresse à maîtresse…
Maîtresse de cérémonie à Cannes, comme un rôle à part ?
On se demande toujours que dire, que faire dans le cadre d’une telle cérémonie. Mais j’ai aimé que les maîtresses qui m’ont précédée aient montré quelque chose qui leur ressemble, avec ce qu’elles avaient envie de faire de ce moment, avec leur personnalité, alors je me suis un peu interrogée sur la mienne. Mais c’est aussi un rôle d’accueil, afin que tout le monde se sente bien, tant les spectateurs dans la salle que les invités sur scène.
Y a-t-il un message à faire passer ?
On se pose forcément la question de ce que représente ce moment, et comment on dit les choses. Le Festival se veut festif, mais il ne peut pas fermer les yeux sur certaines choses. Après, mon speech ne dure que quatre minutes, il y a aussi les prises de parole de personnalités fortes, de femmes puissantes qui vont aussi porter un message, il faut garder un équilibre entre tout ça.
Quel regard portez-vous déjà sur ce Festival 2024 ?
Je n’ai pas vécu beaucoup de festivals. J’en avais connu deux comme simple festivalière avant de revenir deux fois en sélection. Là, on est lundi [l’entretien a eu lieu hier, ndlr], Cannes est encore calme donc j’en ai une perception assez amusante et touchante. Comme le disent Thierry Frémaux et Iris Knobloch [le délégué général et la présidente du Festival, ndlr], on partage aussi l’inquiétude des cinéastes sur la façon dont les films vont être accueillis, mais il plane une espèce d’excitation.
Est-ce que la magie de Cannes opère déjà, en dépit du contexte ?
Effectivement…(elle prend sa respiration, comme pour bien trouver ses mots). Il y a quand même un mouvement social qui réclame davantage de protection, lié à la nature même du travail durant un festival [allusion à la menace de grève des salariés précaires du collectif Sous les écrans, la dèche, ndlr]. Il y a encore tout ce qui se passe autour : Judith Godrèche a ouvert la voie jusqu’au Sénat, provoquant une profonde remise en question structurelle et la diffusion de son court-métrage ici. En réalité, le Festival de Cannes marche de pair avec ces mouvements, il les accompagne sur toutes ces questions qui fracturent la société.
Pour votre séjour sur la Croisette, vous avez réservé la chambre 112 ?
Oh, c’est mignon ça, mais non…
La cérémonie d’ouverture, c’est aussi de l’élégance, de l’humour, vous n’avez pas demandé conseil à Camilla la connasse ?
(Sourire) Ah non, elle, je ne l’ai pas invitée !
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