Thriller psychologique, chasse à l’homme, reconstruction: Niels Schneider et Ramzy Bedia proies d’une traque dans "Les Tourmentés" de Lucas Belvaux

Lucas Belvaux a fait dernièrement étape à Hyères pour présenter "Les Tourmentés", une chasse à l’homme avec Niels Schneider et Ramzy Bedia. Le cinéaste revient sur la genèse du film, adapté de son roman éponyme.

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Cloé Calame Publié le 16/09/2025 à 21:45, mis à jour le 16/09/2025 à 21:45
Lucas Belvaux, de passage à Hyères en août. Photo Luc Boutria

Quel est le prix d’une vie? C’est la question que nous pose le nouveau film de Lucas Belvaux. On suit l’itinéraire cabossé de Skender (Niels Schneider), un ancien légionnaire à la rue. Coupé de ses enfants et de sa femme Manon (Déborah François), il saisit la chance de sortir de la pauvreté et de renouer avec sa famille. Max (Ramzy Bedia), un ancien camarade de l’armée devenu majordome, lui présente sa patronne (Linh-Dan Pham), une veuve richissime et passionnée par la chasse.

Pour échapper à l’ennui, elle souhaite se lancer dans la traque d’un nouveau gibier: l’homme. Moyennant un juteux salaire, Skender devient la proie d’une chasse où la mise à mort de l’adversaire est une issue convenue, mais réciproque.

Lucas Belvaux avait envisagé cette histoire comme un remake de La Chasse du comte Zaroff (1932), pionnier du genre de la chasse humaine au cinéma, réalisé par Irving Pichel et Ernest Schoedsack. Mais Les Tourmentés a pris une direction autre, et ce dès l’écriture du livre paru en 2022 (éditions Alma), son premier roman, qu’il adapte au cinéma cette année.

L’effet psychologique du contrat

"L’idée était d’écrire un thriller un peu tendu, mais plus j’avançais, plus je me rendais compte du fait que la chasse à l’homme a beaucoup été racontée, explique le cinéaste. Je n’avais pas grand-chose de plus à dire, ça devenait un exercice de style. Plus l’histoire progressait, plus je me suis intéressé aux personnages. J’ai eu envie de les approfondir. Je savais que dès que la chasse commencerait, je n’aurais plus beaucoup d’espace pour les raconter, eux."

Les Tourmentés est ainsi devenu un roman, puis un film d’apprentissage, qui s’intéresse plutôt à l’effet psychologique du contrat passé entre les personnages qu’à la chasse elle-même. "C’est l’histoire d’un renoncement à la violence, d’individus qui changent."

Du roman au scénario

D’abord acteur, Lucas Belvaux est progressivement passé derrière la caméra. "J’ai écrit des scénarios pendant 30 ans avant d’écrire un roman. La question était plutôt: suis-je capable d’écrire un roman? Finalement, je me suis permis tout ce que je m’interdis quand j’écris des scénarios. C’était une écriture d’une liberté absolue, au fil de la plume. Il n’y avait pas de plan. La singularité du roman, c’est qu’il est narré à la première personne et qu’à chaque chapitre, on est avec l’un des personnages qui raconte ses pensées et sa vision de l’histoire, celle qu’il a des autres personnages et de lui-même. Ça donne un effet de profondeur. J’ai pris plaisir à m’installer dans cette forme-là, sans savoir où j’allais. C’est pour ça que j’ai pu changer de direction, en cours d’écriture."

Cette légèreté lui a redonné du plaisir dans l’écriture du scénario, qu’il n’a pas conçu en essayant d’adapter stricto sensu le roman. "L’adaptation, c’est un autre objet. Il faut renoncer à des aspects du livre qu’on a aimés mais ce n’est pas grave, puisqu’on va gagner autre chose: l’incarnation, tout ce que l’image et le son apportent."

Un récit de la reconstruction

La photographie du film, tout comme le son et la musique composée par Frédéric Vercheval, sont envisagés dans l’épure.

Pour le son par exemple, "j’aurais tendance à aller vers le plus minimaliste possible, observe le cinéaste. À l’intérieur du silence, dès qu’on place un événement, on l’entend et il devient signifiant. On peut tout à fait noyer un film dans le son, c’est une tendance qui existe aujourd’hui dans le montage son [qui se conçoit en postproduction et ne relève pas du son direct, ndlr] parce que la technique le permet. On charge souvent la bande sonore d’événements et de couches successives pour lui donner de l’ampleur mais, finalement, ça peut l’affadir plus que la dynamiser."

Les acteurs sont au centre du dispositif filmique. Ils émergent par touches, notamment lors de courts flash-back ou de visions fantasmatiques qui exposent une violence à la fois viscérale et systémique, que déjoue finalement le film.

Plutôt que de s’écharper, les protagonistes se reconstruisent peu à peu, comme Madame, la patronne. Ce personnage clé, acheté à sa famille au Vietnam par un riche occidental, qui l’a élevée avant de l’épouser, a vécu la violence jusque dans sa chair.

L’argent, qu’il s’agisse du présent ou du passé des personnages, mais aussi de la manière dont ils se projettent dans leur existence et leurs relations aux autres, est toujours une chape de plomb. "Je suis marxiste au sens où je crois à la lutte des classes, pas comme à une idéologie mais comme à un fait, avec la divergence de leurs intérêts, leurs tensions, leurs contradictions et leurs rapports d’exploitation. Le film nous parle de ça: qu’est-ce que l’argent, comment vit-on quand on en manque? Il n’arrange pas tout - la patronne jouée par Linh-Dan Pham est riche, mais elle n’est pas heureuse pour autant. Or, on peut manquer d’argent à tel point que la vie n’est plus possible. C’est la vie de Skender, au début du film, ça illustre aussi un monde où on peut acheter d’autres humains. Avec ce récit, nous sommes au stade ultime du libéralisme ou du capitalisme."


De Lucas Belvaux (France), avec Niels Schneider, Ramzy Bedia, Linh-Dan Pham... Drame. 1h55.

Notre avis: 3/5.

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