Festival de Cannes: comment le réalisateur iranien Mohammad Rasoulof a-t-il tourné son film clandestinement?

Tourné clandestinement mais impeccablement réalisé, "Les graines du figuier sauvage", en lice pour la Palme d'or à Cannes, est né dans l'esprit de Rasoulof alors qu'il était en prison. Le film fait écho au large mouvement de contestation du régime fin 2022, après la mort de la jeune Mahsa Amini.

La rédaction (avec AFP) Publié le 25/05/2024 à 18:18, mis à jour le 25/05/2024 à 18:25
interview
Mohammad Rasoulof a brandi les photos de deux de ses acteurs principaux, Missagh Zareh et Soheila Golestani. Photo Patrice Lapoirie.

"Il faut vingt ans de formation pour apprendre" à faire un bon film clandestin, a déclaré dans une interview avec l'AFP le réalisateur iranien Mohammad Rasoulof, rencontré à Cannes où il a fait sa première apparition publique depuis qu'il a fui l'Iran.

Tourné clandestinement, mais impeccablement réalisé, Les graines du figuier sauvage, en lice pour la Palme d'or, est né dans l'esprit de Rasoulof alors qu'il était en prison et fait écho au large mouvement de contestation du régime fin 2022, après la mort de la jeune Mahsa Amini.

Que signifie tourner clandestinement en Iran?

Il faut vingt ans de formation pour apprendre ça. Sinon n'importe qui pourrait faire un bon film clandestin! Plus sérieusement, plus vous fréquentez les interrogatoires, les services secrets, et plus vous apprenez comment les déjouer. Parce qu'ils vous montrent vos e-mails, vous comprenez comment il faut les écrire (pour ne pas être repéré). Ils vous montrent vos relevés bancaires. Vous comprenez que vous n'auriez pas dû utiliser votre carte bleue.

A chaque fois, en les fréquentant, en passant du temps avec eux, vous comprenez comment ils vous ont trouvé. Et comment faire pour qu'ils ne vous trouvent pas la prochaine fois. Je reconnais que ça a un peu un côté gangster, mon affaire. Mais la prison est un bon endroit pour apprendre ces choses-là.

Vous avez brandi à Cannes les photos de deux de vos acteurs...

Toute l'équipe restée en Iran est menacée, inquiétée, que ce soit mon chef opérateur, mon décorateur, costumier, maquillage, tout le monde. Tous ceux qui ont travaillé dans cette équipe et pour ce film sont en ce moment la cible de ces intimidations. J'ai choisi ces deux acteurs comme le symbole de cette équipe parce que je n'ai que deux mains.

Qu'est-ce qui peut protéger ceux qui sont restés en Iran?

Je pense qu'il faut exercer une pression politique sur le régime iranien pour qu'il cesse la répression et la censure à l'égard des artistes. Simplement, le fait de décrire leur situation, de dire quelles sont les pressions qu'ils subissent, c'est déjà un bon début. C'est peut-être un peu idéaliste de penser que cette pression politique viendra, mais je suis persuadé que c'est le seul moyen d'obtenir un changement.

Vous avez dit espérer que la dictature disparaisse. Qu'est-ce qui fonde votre espoir?

Il y a environ deux ans, quand la campagne pour la libération des femmes ("Femme, vie, liberté") a commencé, personne ne pensait que, après la mort de Mahsa Amini, les gens allaient manifester comme ils faisaient. Donc je pense que le peuple d'Iran est très en colère, mais qu'il attend une opportunité de le montrer.

La mort du président Raïssi ouvre une période d'incertitude. Pensez-vous que le système puisse changer de l'intérieur?

Il y a toujours un espoir, mais il est difficile de prédire les événements politiques. Moi, j'en suis incapable. Tout ce que j'espère, c'est que ce changement arrivera et que le peuple iranien puisse respirer.

Quelles sont vos perspectives maintenant que vous avez quitté l'Iran? 

Je n'ai pas de projet de retour immédiat en Iran, et je vais travailler, je vais faire des films, je vais très vite me mettre dans un autre projet. Peut-être un projet d'animation, faire du stop-motion avec des personnages en pâte à modeler, ou autre chose. C'est certain que je vais très vite m'inspirer à nouveau de mon expérience en prison.

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