"Pourquoi tu souris?": une comédie autour de deux losers magnifiques avec Emmanuelle Devos, Jean-Pascal Zadi et Raphaël Quenard

Emmanuelle Devos et Jean-Pascal Zadi se donnent la réplique dans "Pourquoi tu souris?", une comédie sociale sur deux laissés-pour-compte débrouillards recueillis par une femme au grand cœur.

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Cédric Coppola Publié le 03/07/2024 à 13:00, mis à jour le 03/07/2024 à 14:44
Raphaël Quenard, Emmanuelle Devos et Jean-Pascal Zadi. Photo TS Productions/Michael Crotto

L’histoire et le propos sont différents, mais à l’image de ‘‘Un p’tit truc en plus’’, ‘‘Pourquoi tu souris?’’ parle de tolérance, met en avant la bienveillance et les outsiders. Comment expliquez-vous que dans la France d’aujourd’hui, ce type de comédies qui prônent la tolérance rencontrent un véritable succès, alors que l’extrême droite monte en flèche ?

Jean-Pascal Zadi: Cela est beaucoup lié à un manque de communication. Nous vivons à une époque où les moyens de communication sont nombreux: Internet, réseaux sociaux, téléphone portable… Pourtant, paradoxalement, on semble plus refermés. On ne se parle plus vraiment, il n’y a plus de vraies rencontres et les gens restent dans leur cercle. Cela mène à des situations politiques comme celle d’aujourd’hui.

Emmanuelle Devos: Les réseaux sociaux ont eu un impact négatif, et on a aussi beaucoup communautarisé la France. Historiquement, la France n’a jamais été un pays de communautés comme les États-Unis ou l’Allemagne. C’est censé être un pays de citoyenneté française, où peu importe d’où vous venez, l’important est d’être citoyen français. C’était bien au début de reconnaître l’existence de ces groupes, mais ils sont devenus des entités séparées au lieu de se fondre dans la société. Cela crée des divisions inutiles.

Vous avez tous les deux des parcours inattendus. Vous, Jean-Pascal, on ne vous attendait pas forcément aux côtés de Michel Houellebecq dans le film de Guillaume Nicloux et vous, Emmanuelle Devos, dans le registre comique. Un désir de toujours surprendre?

J.-P. Z.: Il s’agit d’une question d’épanouissement personnel. Je ne veux pas faire la même chose tout le temps. C’est pour cela que je cherche des rôles différents et inattendus. Cela me permet de ne pas m’ennuyer et d’éprouver du plaisir lorsque je tourne.

E. D.: C’est aussi une envie d’aller vers des choses qui nous intéressent vraiment. C’est plus personnel que politique. On cherche à profiter de notre métier au maximum. Le film de Jean-Pascal ‘‘Tout simplement noir’’ a aussi changé la donne. Depuis, même dans les publicités, il y a plus de gens de couleurs et personne n’est laissé de côté. Cela reflète la France, celle que je vois lorsque je prends le métro ou le RER.

À l’image de ‘‘Marche à l’ombre’’, le film s’appuie sur un duo d’outsiders. Une référence qui vous parle?

J.-P. Z.: Oui, mais au-delà de ça, ‘‘Pourquoi tu souris?’’ est ancré dans l’époque, dans la réalité et met la lumière sur quelque chose que l’on n’a pas l’habitude de voir au cinéma. En l’occurrence, des personnages un peu marginaux, avec des liens fraternels qui se créent entre eux et cette femme qui n’a de cesse de donner, sans rien attendre en retour. Si on pouvait changer le regard porté sur ces gens, ce serait positif.

On découvre aussi qu’ils essaient de s’en sortir et qu’ils n’hésitent pas à communiquer. C’est-à-dire qu’ils essaient de trouver des terrains d’entente et d’avancer ensemble.

Le genre de la comédie participe à cet épanouissement que vous citez?

E. D.: La comédie exige d’opérer une sorte de dédoublement qui consiste à ne pas juger la situation. Il faut y aller sans réfléchir. Cela rend le genre très difficile, mais gratifiant.

J.-P. Z.: Il faut que chaque pièce s’emboîte parfaitement pour que le public rie. C’est un travail très minutieux… Par exemple, lorsque j’écris, j’ai déjà le rythme de la scène en tête, savoir quand il y a un silence, un regard particulier à faire… C’est une mécanique dans laquelle toutes les pièces doivent rentrer dans l’assemblage. Si l’une est un peu de travers, ça ne marche pas!

Vous donnez la réplique à Raphaël Quenard, dont la carrière est en plein boom. Comment s’est déroulée cette collaboration?

J.-P. Z.: Raphaël ne joue pas un rôle. C’est quelqu’un de très authentique et je me reconnais là-dedans puisque je suis arrivé dans ce milieu en étant véritablement moi-même. Lors de cette rencontre, j’ai eu l’impression qu’aucun de nous deux ne faisait semblant. Il avait une voix chelou, moi, j’avais mes propres caractéristiques. On n’était pas là pour faire plaisir à untel ou untel, mais simplement pour profiter du moment présent. Moi, rien ne me prédestinait à aller vers le cinéma, je n’en avais absolument rien à foutre. Maintenant, quand je vais voir de Cannes, je vais voir des films… Mais par exemple, Ken Loach, je connais bien entendu son nom, mais je n’ai pas vu tous ces films.

E. D.: Et c’est ça qui est formidable chez Jean-Pascal. Il n’a pas de référence. Il a su imposer sa propre personnalité. Et c’est la même chose avec Raphaël qui est un ovni. Ils symbolisent une génération spontanée. Ce sont des artistes qui déboulent et que l’on ne peut comparer à aucun autre.

"Pourquoi tu souris?"

L’histoire

Wisi (Jean-Pascal Zadi) est en galère. Il débarque à Bordeaux dans l’espoir de trouver un boulot et croise la route de Marina (Emmanuelle Devos), une humanitaire au grand cœur. Pour se faire héberger chez elle, il prétend être un sans-papiers. Un soir, il rencontre Jérôme (Raphaël Quenard), lui-même à la rue après le décès de sa mère. Malgré ses propos racistes et son étrange phobie de l’effort, Wisi accepte de le cacher pour une nuit chez Marina. Mais flairant le bon plan, Jérôme est bien décidé à s’incruster. Surtout depuis qu’il a découvert la combine de Wisi pour amadouer Marina…

Notre avis

Un peu plus d’un an après avoir confié à Roschdy Zem le rôle d’un "Proviseur", soumis à un cas de conscience, Chad Chenouga revient avec un film au ton plus léger, articulé autour de deux losers magnifiques.
À défaut de marquer les esprits dans sa réalisation, qu’il cosigne avec sa fidèle collaboratrice Christine Paillard, il s’inscrit dans le sillage des films sociaux du duo Toledano/Nakache et s’appuie sur la complicité de ses interprètes.
Réunis à l’écran, Raphaël Quenard et Jean-Pascal Zadi, sans dévier de leur registre respectif, livrent des prestations solides et donnent à "Pourquoi tu souris", un côté "Marche à l’ombre" voire "Les Apprentis". Emmanuelle Devos vient compléter le casting dans un rôle d’une grande sincérité.
Agréable et émouvant, ce pur feel good movie taillé pour l’été trouve cependant ses limites dans ses situations. Voir Wisi et Jérôme jouer aux escorts boys ou tenter de faire une entourloupe à une vieille dame est amusant, mais la mécanique tourne en rond, avec des saynètes qui ont tendance à être inutilement rallongées.

De Christine Paillard et Chad Chenouga (France). Avec Jean-Pascal Zadi, Emmanuelle Devos, Raphaël Quenard... Comédie dramatique. 1 h 35.

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