Avec Alain Prost, Jacques Villeneuve, René Arnoux, David Coulthard, Mark Webber, Thierry Boutsen et Franck Montagny parmi les principales têtes d’affiche, ainsi que le voisin monégasque Charles Leclerc en "guest star", le Grand Prix de France Historique va encore enclencher la vitesse supérieure trois jours durant, les vendredi 25, samedi 26 et dimanche 27 avril, au Castellet. C’est une certitude: le record d’affluence établi l’an dernier (80.000 spectateurs) sera allègrement battu. De quoi réjouir le maître d’œuvre numéro 1: Jean Alesi. Une semaine avant de négocier - au four et au moulin! - ce virage qui lui tient tellement à cœur, le pilote devenu président plante le décor. Top départ!
Jean, si on vous demande de jeter un œil dans le rétro pour commencer, quelle image forte de l’édition 2024 refait surface instantanément?
Il y en a tant... Allez, je vais dire les voitures. Alain Prost qui reprend en main sa première F1 (la McLaren M29 de 1980, ndlr), la Renault (RS10) et la Ferrari (T4) qui se retrouvent côte à côte en piste comme le jour du mythique duel Arnoux-Villeneuve (Grand Prix de France 1979, le 1er juillet à Dijon), la Ferrari encore plus ancienne reconnaissable entre mille avec ses fameux échappements spaghettis (la sublime 312 F1 qui a couru entre 1966 et 1969)... Ce sont des monoplaces rares. Elles roulent très peu aujourd’hui. En les regardant, en les écoutant, les unes et les autres, j’ai eu des "flash-back", des souvenirs de mon enfance, de ma jeunesse. Et je me suis dit que nous, les pilotes, on a plus vieilli qu’elles! Parce qu’elles n’ont pas changé. Toujours aussi magnifiques.
Le week-end prochain, il y aura encore plus de Formule 1 d’hier et d’avant-hier, plus de grands noms de la course automobile... Comment manœuvrez-vous pour réunir tous ces hommes et ces machines?
Trouver des pilotes et les convier à remonter le temps au volant de leur voiture, c’est mon job, ma mission, mon cheval de bataille, depuis que j’ai pris la présidence du circuit Paul-Ricard (en février 2023). Attention, il ne faut pas leur demander de disputer une course car ils n’en ont plus envie. J’en sais quelque chose! Mais si vous proposez de reprendre le volant de leur F1, la première, ou l’une des plus marquantes, juste pour le plaisir, pour partager un week-end festif avec un public passionné, tout de suite, le visage s’illumine et la réponse fuse.
Alain Prost va ainsi passer la deuxième. Cette fois, il cravachera sa McLaren MP4/3 de la saison 1987. Vous lui avez fait signer un contrat à durée indéterminée?
(Il éclate de rire) Oui, un CDI! Alain, il sait qu’il ne peut jamais me dire non. Notre amitié ne date pas d’hier. C’est quelqu’un d’unique. Un bon mec. Franchement. L’image forgée par ses féroces batailles en piste, ses rivalités exacerbées, ne reflète pas le personnage. Tenez, on le constate dans le très beau documentaire en six épisodes sur sa vie, son parcours, diffusé par Canal + cet hiver. Depuis, beaucoup de gens m’ont dit avoir découvert en le visionnant un Alain Prost qu’ils ne connaissaient pas. Le vrai Alain!
Là, on verra deux Prost en piste puisque Nicolas pilotera la Renault RE40 avec laquelle son père a gagné le Grand Prix de France 1983 au Castellet. C’est votre idée?
Oui, et il ne sera pas le seul fils à l’affiche. Jacques Villeneuve (Ferrari 312 T5/saison 1980), Adrien Tambay (McLaren M26/1978) et Victor Jabouille (Renault RS10/1979) honoreront la mémoire de leur père (Gilles Villeneuve, Patrick Tambay et Jean-Pierre Jabouille). Ils piaffent d’impatience. Ils ont très envie de vivre ça, de partager ce frisson avec le public. Chouette clin d’œil.
Et Giuliano Alesi alors? Pourquoi manque-t-il à l’appel?
(Il soupire) Ah sûr qu’il adorerait les accompagner. Combien de fois m’a-t-il demandé: "Papa, je l’essaye quand ta Ferrari?" Pour l’instant, il a seulement piloté une fois ma Tyrrell de 1990, sur le circuit du Suzuka. Giuliano vient d’entamer une nouvelle saison en Super GT au Japon. Il vise le titre. Il a débuté à Okayama dimanche dernier (5e). Impossible de caler deux vols aller-retour de 16 heures en l’espace d’une semaine. Toyota lui taperait sur les doigts, normal. Donc partie remise l’an prochain, si son calendrier le permet.
En revanche, il paraît que Jean Alesi, lui, va jongler avec les volants. Vous confirmez?
En effet... Je lâcherai l’un pour prendre l’autre. Trois au total! Et pas n’importe lesquels... Initialement, je devais retrouver la Ferrari 412T2 de ma victoire au Canada (1995). Elle n’est pas prête, donc la Scuderia me confiera celle de 1992 ou celle de 1994. Elles aussi ont un moteur V12 sous le capot! Et puis Laurent Vallery-Masson (l’organisateur du GP de France Historique) m’a appelé l’autre jour pour m’annoncer que je referai un bout de chemin avec la Tyrrell de mon inoubliable baptême du feu en F1 ici, au Castellet, en 1989 (4e). Quelle surprise! Incroyable! Enfin, je rendrai hommage à mon ami Eddie Jordan (le patron d’écurie irlandais disparu le mois dernier) en pilotant sa F3000 qui me propulse en F1 quand je gagne le titre (1989). Sans Eddie, je ne réussis pas la même carrière, aucun doute.
Le samedi, vous paraderez donc sous les yeux d’un certain Charles Leclerc, l’invité d’honneur de cette 7e édition? Comment l’avez-vous convaincu de meubler de la sorte l’un de ses rares week-ends libres entre deux courses?
Il doit partir à Miami le samedi soir. Alors je lui ai juste dit: "Charles, c’est sur ta route. Entre Monaco et la Floride, il y a un petit aéroport varois et un circuit à côté où de nombreux fans vont t’accueillir super chaleureusement. Arrête-toi au Castellet, viens découvrir le Grand Prix de France Historique, tu ne le regretteras pas, crois-moi, car c’est un truc de fou!" Voilà, il a répondu OK illico. Ça ne m’étonne pas. Aujourd’hui, plusieurs jeunes pilotes de F1 tels que lui s’intéressent à l’histoire de leur sport, aux ancêtres de leurs monoplaces ultra-sophistiquées. Frédéric Vasseur (le patron français de la Scuderia Ferrari) l’accompagnera. Charles ne coiffera pas le casque, bien sûr. Mais comme chaque spectateur, je pense, il n’oubliera pas de sitôt cette journée car on lui réserve quelques surprises...
commentaires