Dans la salle du Yacht-club de Monaco, il apparaît à l’écran telle une rock star, applaudi à tout rompre par l’assistance.
Casque d’aviation sur les oreilles pour taire le bruit des vagues qui s’abattent sur son monocoque Malizia-SeaExplorer, barbe fournie et traits tirés après près de trois semaines de Vendée Globe, Boris Herrmann semble être bringuebalé dans tous les sens.
"On a l’impression que tu es dans une capsule Apollo", taquine Thierry Leret, animateur de cet entretien virtuel réalisé ce mercredi avec les jeunes de la section sportive.
"Ça fait chaud au cœur de vous voir. Il fait gris aujourd’hui. On s’approche des mers du Sud", répond l’intéressé en pointant sa caméra vers l’horizon.
"La course n’est pas finie. C’est un marathon"
En route vers le cap de Bonne-Espérance, le représentant de la team Malizia et du Yacht-club de Monaco occupe la 12e place et accuse un retard de plus de 800 milles sur le groupe de leaders. Écart qui ne cesse de se creuser au fil des jours. Lui subit un ascenseur émotionnel constant, eux filent comme des fusées.
"Il y a une belle dépression le long de l’Atlantique du Sud qui leur profite. Sébastien Simon a encore battu un record (*). C’est très impressionnant, salue-t-il, bon joueur. J’essaye de ne pas me disperser avec des futilités, comme le regret ou la jalousie. La course n’est pas finie. Le Vendée Globe est un marathon, il y aura des surprises. Il faut être patient. Dans les mers du Sud, une dorsale anticyclonique barrera un jour la route des premiers. Et quand les conditions vont devenir difficiles, j’ai un bateau qui ira vite."
Zéro pépin sur le navire
L’espoir demeure, donc, de grappiller des places et de jouer les premiers rôles comme il l’aspirait publiquement avant d’amorcer son deuxième Vendée Globe.
En attendant de meilleurs jours, Boris Herrmann se bagarre avec une partie du contingent féminin en lice – Clarisse Crémer, Justine Mettraux et Samantha Davies –, parfois en les apercevant de visu. "C’était sympa d’avoir de la compagnie", sourit-il.
Point positif: aucun pépin technique n’est à déplorer sur son navire taillé pour des conditions dantesques. "J’ai fait un check-up complet du bateau ce mardi, tout est OK. Chapeau à toute l’équipe qui l’a superbement préparé. Les voiles sont bonnes, l’énergie fonctionne, j’ai suffisamment d’eau et de nourriture", résume celui qui a emporté 150kg de provisions à bord.
Quant à la gestion du sommeil en ce milieu hostile, il est souvent laborieux de (réellement) tomber dans les bras de Morphée. "On a beaucoup de temps pour se reposer, certes, mais c’est difficile de vraiment dormir. Le bateau bouge, il y a de la tension dans les épaules. C’est stressant. Il faut faire avec. Ce sont des microsiestes", explique-t-il.
Et le moral dans tout cela? Rongé par la solitude lors de sa première édition dans cette périlleuse course en solitaire, sans escale et sans assistance, Boris Herrmann a effectué une grosse préparation mentale en amont. "Je me sens bien et heureux à bord, les jours passent vite. J’ai le support de l’équipe et davantage d’expérience. Tout cela joue pour moins ressentir la pression."
"Je suis là, englué"
Il n’empêche que les coups de mou peuvent vite (mais brièvement) reprendre l’ascendant, quand Dieu Eole se fait littérallement la malle.
Ce vendredi vers 13h, sur ses réseaux sociaux, Boris Herrmann a livré son état d’esprit du moment. "Daghe Malizia. Nous trouverons le vent. Il finira par revenir, j’en suis sûr. Quatre ans de préparation, un nouveau bateau, des rêves de fendre les vagues à 20 nœuds. Et je suis là, englué [2,7 nœuds à 19h, ndlr]. Cela me rend triste, j’aimerais pouvoir pleurer, parfois. La plupart du temps, j’arrive à gérer cela. Je vois le positif: j’ai un bon bateau, je fais ce que j’ai à faire. C’est une course, juste un jeu, en fait (...) Ce qui compte, c’est de ne pas sombrer dans la négativité mais de trouver l’émerveillement à l’instant T. Alors, envoyez-moi du vent et nous en reparlerons plus tard." Courage Boris.
*Celui de la plus grande distance parcourue sur 24 heures en monocoque en solitaire: 615,33 milles, soit 1.139,6 kilomètres.
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