Vous l’aurez peut-être remarqué. Les jeux de société s’offrent une seconde vie. Qu’ils soient pratiqués entre amis, en famille ou dans des bars à jeux qui, même s’ils ne sont pas nombreux dans la région, ont le mérite d’exister depuis quelques années. Et pour preuve, on en dénombre 200 en France lorsque plus de 90 % des Français reconnaissent jouer régulièrement. 90 000 boîtes se vendent chaque jour, selon le Groupement interprofessionnel du jeu de société. Ce qui fait de la France le premier pays d’Europe en nombre de joueurs. 1 000 nouveaux jeux de société sont édités chaque année dans le pays voisin. "Les jeux de société sont à la mode, c’est une certitude", estime Thomas Fantini, fondateur de Roca Games, une association qui entend développer la pratique en Principauté.
Les sorties récentes de la série télévisée Loups-garous sur Canal + ou le film Netflix du même nom, tous deux basés sur le célèbre jeu de société, en sont une preuve irréfutable. "Il y a eu une recrudescence depuis le Covid, justifie Thomas Fantini. Depuis le confinement, les gens en ont besoin. Le fait de se retrouver en famille, de devoir chercher des activités... on ressort les vieilles boîtes. Et puis il y a l’offre proposée par les éditeurs aujourd’hui. Elle est incroyable. Il y a de tout, donc tout le monde s’y retrouve."
"Il n’y a pas cette culture jeu à Monaco"
Professeur de mathématiques au collège Charles-III, Thomas Fantini et certains de ses amis enseignants le constatent probablement mieux que quiconque à Monaco. La demande est réelle, même en Principauté. "On parle tout le temps de jeux de société. Que ce soit au collège avec les élèves, en soirée. Les gens ont des boîtes chez eux. J’ai des anciens élèves qui m’appellent pour me demander des conseils. Ils viennent à nous sans qu’on ait quoique ce soit à faire. En fin d’année, lorsqu’on sort les jeux aux élèves, ils achètent tout ce qu’on leur présente. Ils reviennent à la rentrée en nous disant qu’ils ont joué tout l’été avec leurs parents."
C’est la raison pour laquelle ce Monégasque a créé en septembre dernier Roca Games, une association qui a pour ambition de développer la pratique en Principauté. "Monaco est à la traîne entre guillemets. Il y a la ludothèque et l’association La boîte de jeux mais il n’y a pas d’offre suffisamment régulière pour les joueurs de tous types. Il n’y a pas cette culture jeu à Monaco et on veut la représenter."
Ce jeune papa s’est associé à quatre amis, eux aussi professeurs dans la cité-état, après des soirées quelque peu frustrantes. "Il y a un intérêt qui s’est généralisé. On n’arrivait plus à s’en sortir à nos soirées privées. Il y avait tellement de monde qu’on était obligés de refuser des gens. On s’est dit qu’il fallait qu’on fasse quelque chose et qu’on pouvait se retrouver. On a un groupe de 15, 20 ou 30 personnes. On pourrait se faire des triples parties de Loups-garous rien qu’avec nos connaissances, sans se faire de publicité. On voudrait faire en sorte que tous ceux qui ont envie de jouer à Monaco jouent avec nous, avec les jeux qu’on a."
Une ludothèque de près de 2 000 jeux
Avec une ludothèque personnelle d’environ 2 000 jeux qu’ils connaissent sur le bout des doigts, les jeunes professeurs sont sûrs de leur coup. Seul problème, et il est de taille, ils sont à la recherche d’un local pour s’installer. Condition sine qua non pour se lancer. "Soit Monaco arrive à nous aider pour développer les activités pour la jeunesse et on pourrait ainsi faire autant de soirées et de journées qu’on le souhaite, soit on ouvrirait un bar à jeu associatif - je ne sais pas si c’est possible - que quelqu’un ferait tourner, avec des soirées jeux et des animations qui auraient lieu régulièrement."
Et Thomas Fantini s’y voit déjà. "Nos adhérents viendraient jouer à nos soirées. On serait là pour les guider et leur expliquer les règles des jeux. On veut vraiment promouvoir le jeu et laisser personne sur le carreau parce que nombreux sont ceux qui veulent jouer et qui ne s’y retrouvent pas à Monaco et aux alentours."
Pour le moment, aucune salle à l’horizon mais le Monégasque ne désespère pas. "On va démarcher des bars. Il y a plein de lieux potentiels mais on voudrait une situation pérenne avec un local. On aimerait en faire chaque semaine, mais si on n’a pas de locaux on fera au mieux avec ce qu’on nous propose à droite et à gauche avec au minimum une soirée par mois."
Trente membres et un festival à Monaco ?
À ce jour, l’association compte une trentaine de futurs membres que l’association entend fidéliser. "On va organiser une journée portes ouvertes en week-end juste après le Festival international des jeux de Cannes [lire par ailleurs] où on procédera aux inscriptions." Et rêve déjà plus grand avec un festival des jeux en Principauté. "Lorsqu’on est un gamer, on aime les festivals où on découvre de nouveaux jeux. évidemment, on aimerait le faire ici à Monaco. C’est une ambition même si c’est compliqué parce qu’on a tous des métiers qu’on ne veut pas quitter. On aimerait remettre des prix, rencontrer des créateurs de jeux de société..."
Roca Games au festival des jeux de Cannes
Avant de se consacrer pleinement à leur association, Thomas Fantini et ses amis se sont vus confier une mission de taille. "On a passé un partenariat avec le Festival international des jeux de Cannes. On va présenter les douze jeux nommés qui vont être labellisés ‘’As d’or’’. C’est une reconnaissance mondiale pour les éditeurs. On aura un stand de 80 m2 avec les jeux qu’on présentera sur des tables. Les gens pourront venir les tester. On guidera le public vers les jeux qui leur correspondent, évidemment, mais on n’aura aucun but de vente. Le festival non plus. L’objectif est de les présenter de la meilleure des manières."
Une perspective qui enchante la bande de copains, qui ne délaisse pas son projet pour autant. "Ce sera aussi l’occasion de parler de notre association, c’est du donnant-donnant. C’est une expérience nouvelle parce que d’habitude on connaît les jeux dont on parle. Soit grâce à des vidéos ou des articles etc. Là, ce sont des jeux qu’on nous impose – même si on les connaît pour la plupart – donc on doit s’acclimater à des jeux différents, lire des notices de 30 pages qu’il faut connaître par cœur. Un jeu expert nous prend quatre ou cinq heures de préparation à bien présenter parce qu’il faut tout décortiquer. On ne peut pas dire au bout d’une heure de partie : “Attendez, je me suis trompé dans les règles on recommence tout”."
Le Festival international des jeux se tiendra du 28 février au 2 mars au Palais des festivals de Cannes.
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