"Notre vallée n’est pas la poubelle du littoral": une centaine d’habitants ont manifesté contre l’extension d’un site de stockage des déchets à Entrevaux

Une centaine de villageois de la vallée du Var a manifesté aux abords d’un site de stockage de déchets à Entrevaux, ce samedi 13 septembre 2025. L’extension sonne comme une atteinte à l’environnement pour les opposants, mais comme une nécessité pour Suez, le gestionnaire.

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Alexandre ORI Publié le 13/09/2025 à 21:52, mis à jour le 13/09/2025 à 22:10
Une centaine de membres du collectif "Non aux déchets", devant le site de stockage de Suez, à Entrevaux, ce samedi 13 septembre 2025. Photo A. O.

Masques à gaz, pancartes et slogans bariolent une foule surprise de sa propre multitude. ce samedi 13 septembre 2025, à 14 heures, le collectif Non aux déchets dans la vallée du Var, crée il y a seulement quelques jours, réussissait le coup de force de réunir plus d’une centaine d’habitants de la vallée du Var aux abords d’un site de stockage de déchets à Entrevaux. Gérée par Suez, la plateforme de compostage a été autorisée par le préfet des Alpes-de-Haute-Provence, le 29 juillet 2025, à multiplier sa superficie par 2,5. Traitant jusqu’alors des déchets verts, le centre devra accueillir des biodéchets, des déchets d’imprimerie ou des déchets de cuisine. Un changement de destination qui révolte les valléens, réclamant "l’abandon total et immédiat du projet colossal". L’adjectif n’est pas volé au vu des 66 tonnes quotidiennement annoncées, contre la trentaine actuellement transportées par quatre camions. "Jusqu’à 24.000 tonnes pourront être traitées [contre 10.000 auparavant]. Mais qui viendra réguler?", s’inquiète Carole Bolgari, l’une des responsables de l’association, estimant qu’il y aurait "la place pour accueillir jusqu’à 80 tonnes chaque jour, soit 10 rotations de camions."

"Odeur nauséabonde à des kilomètres à la ronde"

En combinaison, deux membres du collectif "Non aux déchets", devant le site de stockage de Suez, à Entrevaux, ce samedi 13 septembre 2025. Photo A. O. Photo A. O..

Une pollution qui enrage Jean-Luc Ivaldi, 69 ans. En tête de cortège avec son treillis militaire et sa canne de marcheur, il taille "les grandes collectivités des Alpes-Maritimes qui viennent tout jeter chez nous, loin du regard et du nez de leurs administrés. Pourquoi? Parce qu’il y a de la place et aucune résistance politique. L’État nous a lâchés au lieu de préserver cette terre agricole où l’on plantait, il y a encore vingt ans, des arbres fruitiers. Actuellement, il y a moins de 10.000m² imperméabilisés. À terme, il y en aura plus de 18.000." Se pensant jusqu’à présent impuissant, l’Entrevalais redouble désormais de véhémence à la vue de "cette poignée de villageois, des gens enracinés qui ne se laisseront pas faire".

En combinaison intégrale de protection chimique et brandissant un panneau tête de mort siglé "DANGER", Jean-Marc Champoussin, 54 ans, abonde vigoureusement: "Depuis des années (2006), le site dégage une odeur nauséabonde à des kilomètres à la ronde. Ça pue l’ammoniac. Dans ces moments-là, c’est impossible d’ouvrir les fenêtres de nos maisons. Comment on va faire avec des tonnes de rejets en plus? Je pense aussi aux patients de l’Ehpad ou aux clients des restaurateurs. Nous avons l’un des plus beaux villages de France, imaginez la tête des touristes quand ils sentent ça."

Quid de la nappe phréatique et des espèces protégées?

Le site de stockage des biodéchets et déchets verts, géré par Suez, à Entrevaux, ce samedi 13 septembre 2025. Photo A. O..

"Et la tête des Niçois quand ils boiront une eau polluée", présage Jeannine Blondel. Présidente de France nature environnement 06 (FNE 06), elle pointe que "le terrain est inondable, à proximité du lit du Var. Si, en cas de crue – ça serait évidemment un désastre –, une simple pluie suffit déjà à faire ruisseler ces déchets dans la nappe phréatique. Cette nappe alimente en eau de nombreuses communes!"

"Il y a toute une zone humide à côté du site", prévient Yohann Fournier, 45 ans. Revêtant un masque à gaz, le guide de pêche s’alarme – comme bon nombre de manifestants – de la présence d’espèces protégées dans ces habitats fragiles. "Il y a deux sites Natura 2000, en amont et en aval. On y trouve des sortes de salamandres, les Spélerpès de Strinati, des lézards ocellés, des crapauds bufo bufo, des libellules Agrions de Mercure, des chauves-souris Grand rhinolophe... Autant d’animaux que j’aimerais faire découvrir à mes enfants. Sauf s’ils disparaissent avant..."

Pour le projet, le conseil départemental de l’Environnement, des Risques sanitaires et Technologiques, tenu à la préfecture des Alpes-de-Haute-Provence, a rendu un avis favorable à la majorité (15 favorables, 1 abstention).

À l’issue de la manifestation, en présence du maire de Puget-Théniers, Pierre Corporandy, et d’Alexandre Mermet, premier adjoint du maire d’Entrevaux, il a été décidé avec le collectif, que trois recours respectifs seront déposés au tribunal administratif avant le 29 septembre, date butoir pour s’opposer à l’extension.

"Un besoin croissant", réplique Suez

Pour ou contre le projet de Suez, un fait doit s’imposer au débat: le site d’Entrevaux est la seule plateforme de ce type en activité sur les départements des Alpes-de-Haute-Provence, des Hautes-Alpes et des Alpes-Maritimes.

"La demande d’extension fait suite à l’augmentation du gisement de déchets verts et des biodéchets à traiter", souligne donc le gestionnaire. "Pour 2026, poursuit-il, nous estimons [les volumes] entre 10.000 et 15.000 tonnes. Ainsi le site montera progressivement en puissance." Inévitable expansion en raison d’une loi sur les biodéchets. Depuis le 1er janvier 2024, conformément au droit européen et à la loi anti-gaspillage de 2020, le tri des biodéchets a été généralisé et concerne tous les professionnels et particuliers, rappelle Suez. Ainsi, les collectivités doivent désormais proposer des solutions de tri des biodéchets aux habitants. Dans ce cadre, de plus en plus de biodéchets de qualité vont être collectés et devront être traités. »

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