Mladen Kasic n’a que l’âge du retraité. Dans les faits, à 66 ans, l’entraîneur croate s’astreint encore à des séances de musculation quotidiennes dans une salle de sport de Saint-Laurent-du-Var, ville où il réside. L’homme reste actif, soucieux d’entretenir son corps longiligne et sec. Après plusieurs mois passés dans son pays, où il s’est régénéré après une dernière expérience sur le banc de Kamnic en Slovénie (2023-24), l’ex-coach du Nice VB* a repris ses quartiers dans le département en janvier. Heureux dans une vie solitaire, pêcheur paisible dans son pays, l’odeur du taraflex et le bruit des ballons qui claquent ont fini par lui manquer.
Ces dernières années, il a pensé plusieurs fois en avoir fini avec le volley, mais sa passion le rattrape toujours. En lui, la flamme ne s’éteint pas, elle s’atténue puis se ravive. Sa passion le porte dans des montagnes russes où l’usure et l’envie se suivent au gré de ses expériences.
Des touches en France et à l’étranger
"Je ne suis pas très cohérent", s’amuse le natif de Sisak, qui a retrouvé de la fraîcheur et cherche une nouvelle aventure sur un banc la saison prochaine. Il s’explique: "En Slovénie, j’ai ressenti de la fatigue dans ma relation avec les joueurs et les dirigeants. Il y avait aussi de nombreux déplacements quand on joue le championnat Mevza qui regroupe des équipes de Slovénie, de Croatie, de Slovaquie et d’Autriche. J’étais dans le bus deux fois par semaine. Après ça, mon rêve était de retourner dans une maison en bord de mer en Croatie. Mais sept mois plus tard, isolé dans un petit village où je ne parlais à personne, pêcher 10h par jour ne m’excitait plus. J’avais pris dix ans, mais je me suis rendu compte que j’avais encore de la force et l’envie d’entraîner. J’ai peur de m’ennuyer à la retraite."
C’est la raison pour laquelle il compte replonger. Filles ou garçons, l’ancien passeur s’en fiche. Avec les unes ou les autres, il a la recette, a déjà gagné des titres. Des contacts sont établis avec des clubs français et étrangers et il aspire à trouver le projet à même d’étancher sa soif. Le double demi-finaliste de Ligue A avec le NVB (2017, 2019), le club de sa vie, aime toujours transmettre et de préférence à des jeunes qu’il pourra développer. "J’ai fait ça pendant 19 ans au NVB. Ma force était d’avoir des mecs pour peu d’argent, de bien travailler avec eux et de les voir partir. Je vais faire quoi avec des trentenaires habitués au très haut niveau? J’aurais l’impression d’entraîner à la place de Guardiola alors que je ne suis pas Guardiola."
Un homme nouveau
Le technicien a toujours ce sens aiguisé de la formule. Son caractère impétueux? Il le gardera "jusqu’à (sa) mort." Sa franchise? Il en a fait sa carte de visite parce qu’il ne "supporte pas le mot faux-cul". Son moteur? "Ce ne sont pas les titres mais ce n’est peut-être pas la vérité", lance-t-il, conscient du bonheur procuré par les cinq trophées qu’il a remportés depuis 2022 avec ses équipes.
Il le dit lui-même, ses cinq dernières saisons ont été ses meilleures. Depuis qu’il place le curseur de l’exigence au bon endroit. "C’est la vieillesse, philosophe-t-il. J’ai mûri et je suis devenu plus calme et diplomate. Pendant des années, je me suis fait mal. J’étais dans le rapport de force et le conflit, psychorigide. Je suis devenu un bon entraîneur quand j’ai perdu ce que je pensais être ma force."
L’ex-international yougoslave, 5e aux Jeux de Moscou en 1980, porte un regard critique sur son sport. Il s’accommode de son évolution même si tout ne l’enchante pas. "Je ne comprends pas que l’on ne cherche pas à faire quelque chose pour que ça aille plus vite et qu’il y ait plus de jeu, lâche-t-il. Quand je vois qu’il y a parfois trois minutes d’arrêt pour un challenge, c’est terrible. S’il y a des Mondiaux de hand et de volley, je choisis de regarder le hand parce que ça va à 2000 à l’heure."
Aujourd’hui, à ses yeux, entraîner demande de composer avec des joueurs plus forts physiquement et moins techniques qu’à son époque. Même s’il concède "être un rigolo" quand il regarde de vieilles cassettes de ses matchs. Kasic n’a plus 20 ans mais sa verve reste intacte. Impossible d’en douter.
* De 1996 à 2007 puis de 2011 à 2019.
C’est dit
Sur son lien avec le Nice VB dont il est parti fâché se sentant déconsidéré
« Je ne suis pas catholique. Je déteste l’église et je ne pardonne pas ce qu’il s’est passé sur la fin, mais je n’oublie pas que le NVB était un endroit magnifique pour travailler. J’avais un président (Alain Griguer) qui était toujours derrière moi et qui m’a donné 100 % de liberté. C’est la première chose qui fait que je suis resté. J’ai eu le choix entre Paris et Nice pour lancer ma carrière de coach, mais j’avais toujours rêvé de vivre dans cette région. J’aurais pu signer deux fois à Tours mais je ne l’ai pas fait. Ce n’était pas mon but. À Nice, il y avait mes enfants et c’est un endroit que j’aime. Je ne viens plus voir de match à Palmeira, je vais à Cannes ou au Cannet, mais je n’ai rien contre le NVB. Jamais de ma vie je ne cracherai sur le club. »
Sur l’équipe qui a marqué sa carrière
« C’est celle qui a marqué tout le monde à Nice, lors de ma dernière saison en 2019 avec les Coric, Overbeek, Ah-Kong, Cuk, Bartos et Galabov. On fait demie de Ligue A et c’était fou. Ça a été ma meilleure expérience. J’étais écouté. Tout ce que je disais était accepté et il n’y avait aucun conflit. J’avais dit à Coric de perdre 5 kg et il en avait perdu 8. On aurait pu espérer plus face à Tours en demie mais on était fatigués. Je sais que les joueurs se parlent encore sur un groupe WhatsApp. Je me souviens que je surprends une discussion entre Coric et Overbeek à la fin de la préparation. Je m’arrête et je leur dis : ‘‘écoutez les gars, vous pouvez parler de tout mais je dois être au courant. C’est moi le patron mais on peut parler’’. Alors que parfois les mecs se mettent d’accord pour ne pas bosser, ils ont compris que la porte était ouverte et elle l’est restée jusqu’au dernier jour. On a parlé pendant deux minutes et ça nous a lancés. »
Sur son échec à Sète
« J’ai eu des problèmes de santé et je n’ai pas aimé les gens. J’avais l’impression que toute la ville voulait jouer. Il y avait une énergie négative et j’ai préféré partir. Des mecs qui n’avaient rien à faire là étaient au bord du terrain. Après six journées on est premiers, puis toute la salle tombe sur Tarasov qui n’était pas très bon en réception. Il a plongé. Je me suis peut-être trompé en mettant des dinosaures sur le balcon et des ‘‘gifles’’ à des mecs qui étaient là depuis 40 ans, mais c’était la guerre. »
Les joueurs qu’il a aimé diriger et ceux avec lesquels ce fut plus compliqué
« Xavier Kapfer était venu à Nice comme remplaçant. Ce que j’ai aimé, c’est qu’il m’a demandé directement ce qu’il devait faire pour être titulaire, sans parler autour. Il est devenu titulaire et international. » « Avec Marc Schalk, on ne s’est pas serré la main pendant trente ans. On a failli se battre. Tout ce qu’il faisait était beau mais je trouvais qu’il manquait d’envie. »
Un discours marquant
« En 2018-19, on est éliminés de la Coupe à Chaumont. On est assis sur des canapés dans 3m2 et je dis au groupe : ‘‘On revient dans deux semaines en championnat et il faut qu’on les batte’’. Bartos en doutait. J’ai sorti 100 euros de ma poche et je les ai posés sur la table : ‘‘Allez boire des bières, on se voit demain.’’ Quinze jours plus tard, on massacrait Chaumont. Cette saison-là, j’avais la clé pour tout. J’étais dans une spirale positive. Tout fonctionnait. »
Bio express
Né le 8 septembre 1958 (66 ans) à Sisak (Croatie). Ancien passeur.
Parcours de coach : Nice VB (1996-2007), Le Cannet (2007-2011, féminines), Nice VB (2011-2019), Sète (2019), AS Monaco (2020-2021), ACH Ljubljana (2021-2022, Slovénie), Le Cannet (2023, féminines), Kamnik (2023-2024, Slovénie).
Palmarès : champion de France de Ligue B avec Nice en 2016, champion de France 2023 avec Le Cannet, champion de Slovénie 2022 et Coupe Mevza 2022 avec Ljubljana, Coupe de Slovénie, Coupe Mevza et finaliste du championnat avec Kamnik en 2024.
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