Incendies: malgré un bilan correct dans le Var cet été, "on aura de gros feux comme ceux de l’Aude, dans le futur"
Sur le front des incendies, le Var dresse un bilan plus que correct pour les deux mois d’été. En revanche, les pompiers savent que le futur sera rude.
Sonia BonninPublié le 06/09/2025 à 10:22, mis à jour le 06/09/2025 à 10:22
Le chef des pompiers du Var, Eric Grohin, devant le plan de situation du feu de Pontevès, le plus gros que le Var a connu en juillet et août 2025 (130 hectares).Photo Florian Escoffier
Les pompiers ont réussi à les stopper avant qu’ils ne dégénèrent. Dans le Var, malgré un nombre de départs assez élevé, les incendies n’ont pas gagné la partie.
"On peut dire que c’était vraiment des mois à risque, introduit Éric Grohin, à la tête des pompiers du Var. L’été a commencé par un épisode de canicule en juin, ce qui a bouleversé la saison. Ça a séché la végétation."
De cause à effet, la vulnérabilité s’est aggravée et les départs de feu se sont vite multipliés, "comme si l’été avait quinze jours d’avance". Au final, sur juillet et août, les pompiers du Var ont éteint 199 incendies, soit presque 20% de plus qu’en 2024 sur la même période. "C’est un haut niveau de risque, poursuit-il, même si nous n’avons pas eu beaucoup d’hectares brûlés."
Avec moins de 200 hectares, la période est même historiquement basse. Mais il ne faut pas se leurrer, prévient le chef du Service d’incendie et de secours du Var, le Sdis 83. "Ça veut dire que nous sommes restés dans nos 95% de feu éteints, avant qu’ils ne dépassent 5 hectares."
"Sensiblement les mêmes"
Pourtant, le Var a connu "des conditions qui étaient sensiblement les mêmes que dans l’Aude". Il ne faut pas regarder loin en arrière, pour trouver une situation comparable.
Le 16 août 2021, éclatait un incendie inarrêtable, malgré les moyens de lutte pré-positionnés au bon endroit au bon moment.
En quelques heures et une nuit, le feu de Gonfaron a bondi sur le massif des Maures, provoqué deux décès dans une bergerie isolée à Grimaud. Bilan définitif, 6.832 hectares.
"Dans le Var, en deux décennies, la moitié de la surface brûlée est le résultat de seulement trois feux, Gonfaron (2021), Vidauban I et Vidauban II (2003)." Soit presque 20.000 hectares.
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Quel enseignement en tirer, pour nous préparer aux feux du futur? "La stratégie de lutte à la française marche bien, l’attaque massive des feux naissants par des moyens aériens et terrestres est efficace", répond le contrôleur général.
En France, la priorité est systématiquement donnée au feu naissant. Même si un grand incendie fait rage, une partie des forces ira éteindre le feu qui éclot.
Par contre, "quand les conditions de sécheresse, températures et vent sont trop sévères, c’est le cas dans l’Aude, c’est le cas de Gonfaron et de Vidauban, la lutte ne suffit plus. C’est là qu’on aborde la résilience du territoire." (Lire par ailleurs)
Le 28 août dernier, l’incendie des Corbières a été déclaré éteint au bout de 23 jours de combat acharné et 16.000ha brûlés.
Dans l’Aude en août 2025, l’incendie avance avec une multitude de sautes de feu. Image prise depuis un avion de coordination. Photo DRPhoto DR.
Pourquoi les sautes de feu s’aggravent
L’augmentation des températures estivales ne fait aucun doute et ce seul paramètre aggrave la virulence des incendies. "Il y a un lien avec le réchauffement climatique, abonde Éric Grohin, à la tête des pompiers du Var. Nous avons déjà les températures extrêmes qui mènent à des événements extrêmes."
Cela se traduit par la rapidité de déplacement des flammes: "Dans l’Aude, ils ont connu des vitesses de feu de plus de 4,5km/h", restitue-t-il. à Gonfaron (2021), pendant la première nuit (la plus dangereuse), les pompiers ont lutté contre un feu qui se déplaçait "à 7km/h". Dans un épais massif forestier, vallonné et peu accessible.
Une ligne incandescente
Participant à la propagation, les sautes aussi deviennent hors norme. Des braises sont poussées par le vent, notamment des pignes de pin qui éclatent. Les distances parcourues sont affolantes.
Vues depuis un avion de coordination, les sautes de feu dans l’Aude sont saisissantes (voir photo ci-dessus). On distingue, sous les fumées, une sorte de ligne incandescente qui traverse des champs, et fait avancer le feu en dehors du brasier.
Pendant l’incendie de Gonfaron toujours, le vent était si violent, que des sautes longues de 2km ont été mesurées. Un danger absolu pour tous les soldats du feu, qui risquent alors d’être pris à revers. Quand la forêt brûle comme de l’hydrocarbure
Le panache du feu de Fréjus est une image marquante de cet été 2025 dans le Var. "Nous sommes dans la première quinzaine de juillet et nous voyons que les fumées sont très noires, retracent les pompiers. Cela veut dire qu’on est dans un état de sécheresse déjà très avancée et que la végétation distille beaucoup." (Voir photo ci-dessus)
à Fréjus, en juillet 2025, la forêt était si sèche que les végétaux ont " distillé ", en dégageant une fumée noire. Photo Sdis 83Photo Sdis 83.
Cet état se produit lorsque l’eau contenue dans les arbres et arbustes s’est déjà évaporée, au cours de journées de fortes chaleurs.
Des gaz commencent à s’extraire des végétaux, des composés volatils souvent très odorants comparables à des huiles essentielles.
"C’est pour cela que vous voyez cette fumée noire, c’est comme un hydrocarbure. Et cela brûle très fort." De l’incendie à l’inondation, les risques se chevauchent
Fin août, les pompiers du Var "mettaient encore des groupes feux de forêt prépositionnés dans les massifs forestiers". Le 1er septembre, changement de configuration, l’alerte orange inondation tombe.
"C’est toute la complication de ce département, tranche Éric Grohin. Une semaine plus tôt, on était en forêt et là, on entre dans une phase de risque d’épisodes méditerranéens. Mais attention, la saison des feux n’est pas terminée."
Si les pluies ont desserré l’étau de la sécheresse, "l’Est du département, dont le massif de l’Estérel, a été peu arrosé, 7 ou 8 mm d’eau, ce n’est pas assez. La saison n’est pas finie.".
Ce chevauchement de risques n’est pas sans rappeler, de nouveau, le terrible été 2021. "A la fin de Gonfaron, les camions étaient partis directement sur des inondations à Pignans. C’est-à-dire qu’on était passé du feu de forêt, à l’épisode de grêle."
Fallait-il reporter la rentrée?
Les pompiers du Var ont été au cœur de la discussion, lorsque le préfet du Var a décidé de reporter la rentrée des classes, lundi dernier, 1er septembre. Le contrôleur général n’a aucun doute sur la pertinence du choix qui a été fait.
"À 10km de la côte toulonnaise, 177 mm de pluie sont tombés, c’est ce qu’on a vu au radar. Si autant d’eau tombe sur une ville comme Toulon, entre 7h et 10h du matin, ce sont les conditions d’inondations majeures."
L’incertitude repose sur le lieu où la pluie va s’abattre. "Ce qui nous fait peur, c’est le phénomène stationnaire. C’est l’exemple du Lavandou en mai dernier. Pourquoi cela s’est bloqué à cet endroit-là?" Localement, la pluie a atteint 256 mm en trois heures, contre 37 mm à quelques kilomètres de distance. Un tel aléa est largement considéré comme imprévisible.
Le 20 mai 2025, un orage a stagné, au-dessus du quartier balnéaire de Cavalière au Lavandou. Un couple de retraités a été emporté dans une coulée de boue.
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