"Une série noire", "Un mauvais concours de circonstances"...
Voilà comment Franck Graciano, lieutenant sapeur-pompier affecté au service communication du Service départemental d’incendie et de secours du Var (Sdis 83), résume les récents incendies déclenchés sur les autoroutes de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur avant de se propager à la végétation environnante et parfois aux habitations.
Point commun: tous ont été accidentellement causés par un véhicule. Le dernier en date? Celui l’autoroute A8 entre Cannes et Nice ce vendredi, jour de grand départ en vacances. À l’origine: un camping-car a pris feu sur la commune d’Antibes, brûlant 500m2 de forêt avant d’être maîtrisé. En tout, onze engins dont des camions feux de forêts, deux hélicoptères bombardiers d’eau, 36 sapeurs pompiers ont été mobilisés, en plus des services autoroutiers. "On met tout de suite des moyens importants, souligne Franck Graciano. La doctrine nationale veut que tout départ de feu soit éteint dans l’œuf. On parle d’attaque massive."
La veille en fin de journée, c’est l’éclatement d’un pneu d’un camion qui a provoqué un incendie aux abords de cette même autoroute A8, dans le sens Nice-Aix, à la hauteur de Fréjus. "Ce n’est pas l’éclatement en soi mais les étincelles de la jante sur 500mètres qui ont provoqué deux départs avant de se rejoindre ensuite", précise Franck Graciano, en nous montrant une impressionnante image aérienne des dégâts. Ce soir-là, 350 pompiers et 100 véhicules dont cinq Canadair, deux Dash, six hélicoptères bombardiers d’eau ont redoublé d’efforts pour fixer le feu en quelques heures. Des sapeurs-pompiers des Alpes-Maritimes sont également venus en renfort de leurs collègues varois. "Ça fait beaucoup, en peu de temps", déplore Philippe Laureri, président de l’association départementale des Comités communaux feux de forêt du Var.
Des véhicules pas toujours bien entretenus
Début juillet, un feu de fourgon sur l’A8s’est transformé en feu de forêt emportant 5,6 hectares dans le secteur de Brignoles. Deux jours plus tard, un autre drame s’est joué à la sortie du tunnel de l’autoroute A552, sur la commune des Pennes-Mirabeau, au nord-ouest de Marseille. Tout est parti d’une Peugeot 107, arrêtée sur le bas-côté. En surchauffe, le véhicule a pris feu avant que la situation ne tourne au brasier XXL, attisé par un fort mistral. Au total, l’incendie a parcouru 750 hectares, dont plusieurs secteurs urbains. Environ 15.000 habitants du 16e arrondissement de Marseille et des Pennes-Mirabeau ont dû rester confinés ou ont été évacués, 400 personnes ont été relogées, dont 71 résidents d’un Ehpad. Bilan: près de 100 blessés légers, y compris six pompiers et policiers qui ont été hospitalisés. Rapidement, l’enquête a permis de savoir que la voiture à l’origine de l’embrasement n’était pas à jour de son contrôle technique.
Un élément qui fait particulièrement bondir Bertrand Wipf-Scheibel, directeur de la communication du réseau Escota, appartenant à Vinci Autoroutes. "Un véhicule mal entretenu, c’est un véhicule qui peut potentiellement chauffer et s’enflammer", s’insurge-t-il. Pour Jacky Gérard, président de l’entente Valabre, établissement public spécialisé dans la gestion des risques naturels majeurs, il faut encore pousser plus loin le contrôle technique: "Ils devraient aussi vérifier le coffrage du radiateur, d’où partent essentiellement les problèmes".
La question de l’obligation pour les conducteurs d’avoir un extincteur à bord de leur véhicule revient dans la discussion. Avec quelques bémols. "Attention, ça peut aussi être dangereux d’intervenir soi-même, en ouvrant le capot, on peut créer un appel d’air", nuance Luc Langeron, directeur du département "Information et prévention" de l’entente Valabre.
Mais pour Bertrand Wipf-Scheibel, qui coorganise des journées de prévention Stop Mégots, le combat est ailleurs. "On se trompe de message", glisse-t-il. Ce dernier a un chiffre en tête: 18% des conducteurs qui fument de cigarettes jettent encore leur mégot par la fenêtre, sans avoir conscience des conséquences qui peuvent être dramatiques, surtout ici en période de sécheresse. "On peut agir sur une grande partie de ces usagers-là. À nous de leur faire comprendre l’impact de leur mauvais geste, ajoute-t-il. Maintenant, on est sur du comportement, c’est ce qu’il y a de plus dur à changer."
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