"Il ne peut plus bouger, il a trop mal": on a suivi les secouristes du peloton de gendarmerie de haute-montagne des Alpes-Maritimes
Au cœur de la saison chaude, les gendarmes du PGHM 06 nous ont convié un exercice de secours... bientôt rattrapé par une alerte bien réelle.
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Christophe CironePublié le 31/08/2025 à 04:15, mis à jour le 31/08/2025 à 04:15
A Roure, les secouristes treuillent jusqu’à eux un camarade qui remonte la " victime " sur son dos.Photo C. C
"Il ne peut plus bouger.Il a trop mal." À ces mots, les secouristes savent déjà qu’ils vont devoir s’employer. Au téléphone, l’interlocuteur leur plante le décor. "On est à Roure. On voulait équiper un site d’escalade. Mon pote a chuté de plusieurs mètres. Il a la cheville gonflée..."
Bienvenue à la gendarmerie de Saint-Sauveur-sur-Tinée, chez le peloton de gendarmerie de haute-montagne des Alpes-Maritimes (PGHM 06). En ce matin aoûtien, l’alerte qui vient de retentir est fictive. C’est un exercice qui attend ces spécialistes du secours en montagne. Ils nous ont invité à le suivre. Mais une autre alerte va les rattraper. Bien réelle, celle-là.
Randonnée, canyoning, alpinisme, parapente, VTT... La saison des sports de plein air bat son plein dans les moyen et haut pays maralpins. Et avec elle, celle des secours en montagne.
Le PGHM en a réalisé 173 en 2024. Soit environ un par jour. La CRS Alpes assure l’autre moitié des permanences, au gré d’une alternance hebdomadaire.
Gendarmes, policiers: même principe. Un binôme de secouristes se positionne chaque jour à la base hélicoptère de Cannes, prêt à embarquer à bord du Dragon 06 de la sécurité civile. Leurs camarades sont prêts à intervenir par voie terrestre, si l’hélico n’est pas dispo. C’est le cas ici.
Perché à flanc de falaise
Elisa et Alex avaient reçu l’alerte à Saint-Sauveur-sur-Tinée.Photo C. C..
"Faites en sorte qu’il ne bouge pas et ne risque pas de tomber plus bas", enjoint Alex à l’alpiniste qui a appelé à l’aide. Avec sa camarade Elisa, il est au planton, à la réception des appels. C’est le point névralgique de l’alerte. D’où l’intérêt d’être le plus précis possible. "On va savoir le nombre de personnes concernées, la nature des blessures... partir de là, on détermine combien de personnels on engage, et avec quels moyens." Tinée, Vésubie, Roya, Préalpes d’Azur, Estéron, Cians... Loin des plages bondées de la Côte, le terrain de "jeu" est vaste.
Cap sur Roure, donc. Vingt minutes de lacets plus haut, le PGHM repère l’objectif. La victime patiente à flanc de falaise, suspendue dix mètres en contrebas de son coéquipier. Casque, baudrier, cordes... Dûment équipés, les secouristes nous emmènent sur une pente à 45 degrés, avec vue imprenable sur la vallée. La priorité: éviter d’avoir d’autres victimes.
"Les principaux dangers tiennent à l’accès à la victime et aux chutes de pierres, résume le major Philippe Grosskost, adjoint au commandant du PGHM 06. C’est pour ça que l’on fait ces entraînements: pour mieux appréhender l’environnement."
Dans les vallées maralpines, l’hélicoptère intervient la plupart du temps. "Comment faire quand on n’a pas d’hélico? On s’adapte!", sourit l’adjudant Rémi Castaings, organisateur de l’exercice. éviter qu’une corde ne frotte, percer un point d’ancrage dans la roche, scier un arbuste qui gêne le passage... Toutes ces étapes minutieuses, répétées encore et encore, sont essentielles avant de pouvoir voler au secours de la victime.
La montagne dans la peau
Parvenus à Roure, ces spécialistes du secours en montagne repèrent l’objectif et jaugent la situation avant d’intervenir avec force jeux de cordes. Photo C. C..
Tandis que les militaires s’activent, Rémi Castaings distribue les consignes, cible les priorités, vérifie que rien n’est oublié. Il compte treize années d’expérience au PGHM 06. Le major Grosskost, le double. De jeunes recrues sont en formation. à l’image de "Ludo", gendarme adjoint volontaire et prometteur. Ou de Mika, gendarme mobile à Tarbes. C’est ce grand gaillard qui devra remonter la victime et ses 70kg sur son dos, en mode "cacolet".
Leurs parcours sont différents, leurs profils complémentaires. Mais la fibre montagnarde les réunit. "L’un revient des Ecrins, un autre des Pyrénées... On va à la plage, mais pas souvent", sourit Rémi Castaings. Les clés pour ce métier? "Il faut de l’expérience, de la technique, de l’aisance. Avoir le pied montagnard, être alpiniste et gendarme. Et avoir de l’humilité, de l’obéissance au chef."
Soudain, un appel. Le binôme de la base hélico s’est envolé vers La Bollène-Vésubie. Un secours en canyon, suite à une mauvaise réception lors d’un saut.. Du classique en été. Forcément, les délais d’intervention sont tout autres par la route. Pour le scénario de l’exercice du jour, compter deux à quatre heures en tout.
Mais la montagne réserve toujours des surprises, même aux plus aguerris. Ces secouristes peuvent en témoigner. Tous gardent en mémoire l’intervention du 27 novembre 2023, à Aiglun. Ils avaient évacué deux alpinistes, dont un blessé, bloqués sur une paroi à 200m de hauteur, dans des conditions épiques. "Shining": le nom de la voie d’escalade annonçait la couleur.
"Ils étaient bloqués sous un énorme surplomb rocheux, relate Rémi Castaings. Le Dragon a déposé les secouristes dessus. Ils ont percé des points d’ancrage pour atteindre les victimes. Le pilote a dû leur envoyer la corde par un mouvement de balancier." Une manœuvre ultra délicate, pour un final heureux. Si ce secours a tant marqué les troupes, c’est parce qu’"il synthétise tout ce qu’on apprend: l’engagement, la verticalité, la prise de décision..."
Les issues heureuses plutôt que douloureuses
D’autres missions mènent le PGHM à la recherche de disparus. Comme ce septuagénaire atteint d’Alzheimer, retrouvé vivant le 27 mai dernier, quatre jours après s’être volatilisé entre le Rouret et le Bar-sur-Loup. La mobilisation des randonneurs, des pompiers et des gendarmes a payé. "Quand on l’a pris en charge, le boulot avait été fait, salue Rémi Castaings. Mais quand on arrive avec l’hélico et qu’on prévient la famille, c’est hyper satisfaisant!"
Le major Grosskots confirme: en général, les secouristes se souviennent des interventions "qui finissent bien. Celles qui finissent mal, on vit avec, mais on n’a pas de plaisir à se les remémorer. De toute façon, il faut assurer la mission." évacuer un corps enveloppé d’un sac mortuaire dans un brancard, procéder aux constatations suite à un accident mortel, cela fait partie du job aussi.
Le jour de notre exercice, rien de dramatique. Mathieu et Ludovic hissent Mika et la vraie-fausse victime à l’aide d’un treuil. Mika la hisse sur son dos, puis remonte péniblement la pente abrupte. Ses camarades l’attendent avec un brancard. Mais la manœuvre n’ira pas plus loin. Nouvelle alerte. Une vraie, cette fois-ci. Une femme a lancé un SOS depuis la via ferrata de Lantosque. Cette fois, l’hélico n’est pas dispo. Il faut y aller.
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