TDAH: à 10 ans, Lou lance l’idée d’une association pour favoriser l’entraide dans les vallées des Alpes-Maritimes

À Guillaumes, Lou refuse de rester dans l’ombre de son TDAH (trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité). Avec ses parents, il a fondé "Loubarut", pour favoriser l’entraide.

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Stéphanie Wiélé Publié le 15/09/2025 à 12:00, mis à jour le 15/09/2025 à 12:00
Une partie de l’équipe de l’association Loubarut. Photo DR

Lou déborde d’énergie depuis toujours. Son tee-shirt le résume à lui seul: " TDAH, c’est mon superpouvoir ".

Élève en classe de CM2, il enchaîne les idées, comme un tourbillon qui ne s’arrête jamais, et semble percevoir le monde à sa propre cadence. Lou vit avec un TDAH – trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (1).

Ce problème neurologique fréquent rend la concentration de Lou difficile et intensifie ses réactions. "Dans ma tête, c’est comme une Formule 1 ", décrit-il, un mélange de malice et de franchise dans le regard.

Mais derrière cette énergie, se cache aussi un sentiment de solitude. Dans les vallées reculées de l’arrière-pays niçois, les ressources spécialisées sont rares et l’accompagnement limité.

C’est ce constat qui a incité Lou à imaginer sa propre solution: créer une association. "Je me sentais seul face à mon trouble, alors j’ai dit à mes parents: “J’aimerais avoir ma propre association, pour rencontrer d’autres enfants comme moi" ».

De longues années d’errance et de souffrance

Car malgré toute son énergie et sa détermination, Lou ne fait pas exception à la difficulté du parcours, comme en témoignent ses parents, Nathalie et Stéphane Bruiant.

"Depuis la maternelle, Lou bouge tout le temps, il coupe la parole, il a du mal à se concentrer. À l’école, on nous dit qu’il ne tient pas en place", raconte Nathalie.

Et, au-delà des difficultés scolaires, il y a le regard des autres. "J’ai souvent dû faire face à des reproches. On m’a fait comprendre que Lou était mal élevé, qu’on ne savait pas le gérer. C’est très blessant et culpabilisant pour nous, parents ".

À l’école, les moqueries sont fréquentes. Lou retient ses larmes pendant nos échanges. "C’est très dur pour lui d’en parler... ", confie sa maman.

Un diagnostic… et après?

Lou avec sa maman, Nathalie Bruiant. Photo DR.

Il y a un an, le diagnostic est finalement posé à Nice, à la Plateforme de Coordination et d’Orientation (PCO) de Lenval, puis confirmée par un neuropsychologue après un long parcours.

"C’est un soulagement de mettre enfin un mot sur son fonctionnement, mais c’est aussi un point de départ flou. On nous dit qu’il est TDAH, mais après?", regrette Nathalie.

Trouver un pédopsychiatre, relève presque de la mission impossible. "Beaucoup ne prennent plus de patients, sans compter que la très grande majorité d’entre eux est bien trop loin pour un suivi régulier."

Un manque de moyens

Actuellement, Lou est suivi par une ergothérapeute, qui l’aide à mieux gérer son quotidien en adaptant son environnement et en développant des stratégies pour renforcer son attention, son organisation et son autonomie, ainsi que par une kinésithérapeute et une orthophoniste.

L’an dernier, il bénéficiait du soutien d’une accompagnante d’élèves en situation de handicap (AESH) deux jours par semaine. Cette année, la famille est dans l’attente de savoir s’il pourra à nouveau avoir accès à cette aide.

Sa maîtresse, de son côté, s’efforce de s’adapter : elle inscrit elle-même les devoirs dans le cahier de texte et prend le temps de réexpliquer les consignes si nécessaire.

"Ces soutiens sont précieux, mais y accéder relève du parcours du combattant. Lou aurait besoin d’un médecin qui joue le rôle de tour de contrôle de sa prise en charge. Il est crucial de sensibiliser davantage la population et les institutions à ce trouble, encore trop méconnu, afin de développer des environnements adaptés et inclusifs pour tous les enfants TDAH, qu’ils vivent sur le littoral ou dans les vallées."

Une association pour briser l’isolement

Créée en juillet dernier, l’association "Loubarut" a pour objectif de soutenir les enfants TDAH et leurs familles, d’organiser des rencontres et des ateliers, et d’offrir un espace où l’on peut se sentir compris et moins isolé.

Elle prévoit également des interventions de professionnels, psychologues ou éducateurs, pour enrichir ces moments d’échange et d’accompagnement.

"Elle réunit déjà plusieurs familles des environs – Daluis, Valberg, Puget-Théniers, Entrevaux – mais nous avons encore besoin de soutien pour organiser des rencontres et des ateliers réguliers. L’idée est de créer un véritable réseau d’échange et de conseils afin que plus personne ne se sente isolé."

Pour financer les premiers projets, des tirelires ont été installées dans les villages et une cagnotte en ligne a été lancée. Lou, lui, ne manque pas d’ambition; fan inconditionnel de l’émission TV Les Douze Coups de Midi et de Jean-Luc Reichmann, le présentateur, il lui a même écrit pour lui demander de parler de l’association à l’antenne et, pourquoi pas, de devenir l’ambassadeur de Loubarut.


1. Le TDAH est un problème neurologique fréquent qui touche environ 4% des enfants d’âge scolaire et 2,5% des adultes. Il est caractérisé par trois principaux symptômes: un déficit attentionnel, souvent le pilier du syndrome, une hyperactivité motrice et une impulsivité.

Un centre ressource TDAH bientôt en Paca

Le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) concerne près de deux millions de Français, dont 640 000 jeunes de moins de 20 ans. Pourtant, le diagnostic reste souvent tardif, les délais d’attente interminables et les prises en charge très inégales, avec à la clé des répercussions scolaires, sociales et psychiatriques.

Pour remédier à cette situation, l’Agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d’Azur va labelliser un centre ressource TDAH, financé à hauteur de 198.000€.

Ce projet s’inscrit dans la stratégie nationale 2023-2027 sur les troubles du neurodéveloppement (TND), qui demande à chaque région de structurer une filière autour de centres pivots.

En Paca, les établissements ont jusqu’au 23 septembre pour déposer leur candidature. L’enjeu: mettre en place des équipes spécialisées et renforcer les partenariats.

Ce futur centre aura pour mission de coordonner l’ensemble de la filière régionale. Il s’appuiera sur les plateformes de coordination et d’orientation (PCO), aujourd’hui réservées aux enfants de 0 à 12 ans, mais élargira son action aux adolescents et aux adultes.

Objectif: offrir un parcours continu, mobilisant pédopsychiatres, psychiatres, pédiatres, neurologues, mais aussi orthophonistes, ergothérapeutes, neuropsychologues et psychologues libéraux.

Les priorités sont clairement affichées : réduire les délais diagnostiques, former les soignants et enseignants, rendre l’offre plus lisible via un annuaire régional et garantir un accès équitable, y compris en zones rurales.

Le centre devra aussi prendre en charge les situations complexes et assurer la coordination entre les différents niveaux de soins. Son ouverture est attendue d’ici fin 2025, avant une généralisation nationale prévue en 2026.

Pour le Dr Hervé Caci, pédopsychiatre à l’hôpital Lenval et président de l’association TDAH Paca, ce projet est aussi une chance de changer les mentalités.

"On réduit encore trop souvent ce trouble à de la paresse ou à un problème d’éducation, alors qu’il s’agit d’un trouble du neurodéveloppement. On pense aussi qu’il ne concerne que l’enfant, alors qu’il persiste fréquemment à l’âge adulte, avec des symptômes qui évoluent. Et non, tous les TDAH ne sont pas hyperactifs: il existe aussi des formes inattentives, plus discrètes et donc plus difficiles à repérer, notamment chez les filles."

Et de tempérer: "Ce centre ressource représentera une avancée. Mais les financements restent limités au regard de l’ampleur du chantier, et les inégalités d’accès aux soins entre littoral et vallées ne disparaîtront pas d’un coup."

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