Mutation KCNB1: un projet de recherche d'envergure lancé grâce à la mobilisation des familles et à la réactivité des scientifiques
L’histoire de Lilas, de Nathan et d’autres enfants porteurs de la mutation KCNB1 est celle d’un combat à la fois médical, humain et collectif. Grâce à la mobilisation des familles et à la réactivité des scientifiques, la recherche progresse, porteuse de réels espoirs.
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Nancy CattanPublié le 07/07/2025 à 14:00, mis à jour le 07/07/2025 à 18:49
Lilas et sa maman Lilya. Photo DR
Lilas, nous vous la présentions il y a un an (nos éditions du 9 juin 2024). Vous découvriez alors son sourire lumineux, sa famille aimante, et aussi, malheureusement, sa maladie extrêmement rare, liée à une mutation du gène KCNB1, qui perturbe les canaux potassiques et le fonctionnement des neurones.
Autour de cette pathologie orpheline, parents, chercheurs et médecins ont bâti un écosystème unique, mêlant mobilisation scientifique et solidarité, ayant abouti au lancement d’un projet de recherche d’envergure.
Retour sur une aventure hors du commun, à la croisée de la recherche biomédicale et de l’engagement humain.
À l’origine: Mélissa et Paul Cassard, confrontés aux symptômes sévères de leur fille Maïa — retard de développement, troubles autistiques, puis crises d’épilepsie (jusqu’à 50 par jour).
Lorsqu’ils apprennent que Maïa est porteuse d’une mutation très rare du gène KCNB1, le choc est immense. Mais les parents refusent l’inaction.
Ils convainquent la professeure Rima Nabbout, neuropédiatre spécialiste de l’épilepsie à l’hôpital Necker (Paris), qui a établi le diagnostic, de s’investir dans l’étude de cette mutation. Pour avancer, la chercheuse a besoin du soutien des familles afin de recenser les cas.
En quelques mois, grâce aux réseaux sociaux et aux forums spécialisés, Mélissa entre en contact avec 15 familles françaises. L’association KCNB1 France - qu’elle dirige aujourd’hui- voit le jour.
Ce réseau marque le début d’une dynamique collective autour de la maladie. "Ce point de départ a permis l’émergence d’une mobilisation autour de la pathologie", témoignent Laurent et Lilya, les parents de Lilas, aujourd’hui membres conseil d’administration de l’association.
Depuis la publication de leur témoignage, ils ont été mis en relation avec une autre famille des Alpes-Maritimes, celle de Nathan, porteur de la même mutation que Lilas.
Ensemble, elles ont participé à l’organisation de la seconde édition, en juin, de la tombola KCNB1. "On a récolté 18.435 euros, destinés en grande partie au fonds d’aide aux familles. Il permet de financer des équipements essentiels qui restent souvent à leur charge", expliquent-ils.
Un soutien crucial, car les coûts liés au handicap sont très élevés. "Le devis pour la tablette de communication avec commande oculaire de Lilas s’élève à plus de 9.000 euros", illustre Lilya.
Un projet de recherche à 10 millions d’euros
Côté recherche, un tournant vient d’être franchi avec le lancement du programme RHU (recherches hospitalo-universitaires), doté de 10 millions d’euros, coordonné par l’Institut Imagine et la Pr Nabbout, en collaboration notamment avec l’équipe du Pr Massimo Mantegazza à l’IPMC de Sophia-Antipolis (CNRS).
"Grâce à l’implication des familles et de l’association, le projet a pris une ampleur remarquable", explique Laurent. Le Pr Mantegazza et son équipe de data scientists modélisent les effets des mutations KCNB1 sur les canaux ioniques à l’aide de supercalculateurs européens.
Parallèlement, des travaux sont menés sur des modèles biologiques, dont des souris transgéniques et des poissons-zèbres. L’objectif: comprendre précisément comment la mutation génère des troubles neurologiques, en particulier l’épilepsie sévère.
Une grande partie des enfants identifiés, dont Lilas et Nathan, ont fait l’objet de prélèvements biologiques, alimentant les recherches sur la modélisation ADN, dans l’espoir de découvrir une molécule thérapeutique.
"Les chercheurs restent prudents, mais ils évoquent la possibilité, d’ici cinq ans, de développer un traitement capable de stabiliser ou stopper les crises d’épilepsie (elles sont un des symptômes majeurs de cette maladie génétique, N.D.L.R.). Des essais menés à l’étranger sur d’autres mutations donnent déjà des résultats prometteurs: certains enfants commencent à marcher ou parler. Cela nourrit l’espoir, même si les mutations en question diffèrent."
Une enfant solaire et résiliente
Au-delà de la science, il y a Lilas. Malgré ses handicaps, elle rayonne par sa joie de vivre. Elle chante, sourit, interagit. Ses parents l’accompagnent avec une énergie admirable, en étroite collaboration avec la crèche, les thérapeutes et l’équipe médicale.
Des pictogrammes ont été installés pour l’aider à mieux communiquer. Chaque geste, même minime, contribue à son bien-être et à ses progrès.
Nathan et son grand frère Axel, avec lequel il entretient une relation privilégiée.Photo DR.
"Nous comprenons que plus rien ne sera pareil"
"J’avais remarqué des sursauts très tôt chez Nathan, témoigne la maman du petit garçon dans un courrier bouleversant qu’elle nous a adressé, Je le signalais à chaque visite chez la pédiatre. Elle me répondait qu’il s’agissait de réflexes archaïques, que ça allait partir tout seul (il s’agissait bien en réalité de crises d’épilepsie)".
Mais, avec le temps, Charlotte va remarquer d’autres symptômes: retard de développement, plagiocéphalie (syndrome de la "tête plate", N.D.L.R.) persistante. Et puis à 8 mois, le nourrisson est victime d’une première crise d’épilepsie généralisée.
Hospitalisé à Lenval, il subit "plusieurs ponctions lombaires, IRM, EEG…""Les médecins cherchaient, mais ne trouvaient pas ce qu’il avait. Ils ont d’abord évoqué un syndrome de West (forme rare d’épilepsie du nourrisson) mais les tests génétiques ont contredit ce diagnostic." Après un an d’errance, le verdict tombe: Nathan est porteur d’une mutation KCNB1.
"La généticienne nous dit que seulement 60 cas ont été recensés dans le monde. Les médecins ont peu de recul. À ce moment-là, nous comprenons que c’est très grave, et que plus rien ne sera jamais comme avant."
En dépit du choc violent qu’ils viennent de subir les parent de Nathan n’ont d’autres choix que réagir rapidement. "Nous devions trouver un traitement qui le soulagerait, une structure d’accueil adaptée, mettre en place une rééducation pluridisciplinaire et équiper Nathan d’appareillages adaptés: un corset siège, un verticalisateur, un motilo. Nous avons dû tout repenser et adapter pour lui. Nous avons dû changer de véhicule pour intégrer son fauteuil roulant et aujourd’hui, nous devons déménager."
Des années après le diagnostic, Charlotte rencontre Lilya, la maman de Lilas, qui la mettra en contact avec Mélissa, directrice de l’association KCNB1 France. "J’ai rejoint le conseil d’administration, car c’était pour moi enfin l’occasion de peser face à cette maladie, de pouvoir soutenir la recherche médicale mais aussi les familles."
Nathan est désormais suivi par La Timone. Son état est stable malgré des crises d’épilepsie quotidienne. "La pose d’une gastrostomie il y a deux mois a amélioré son confort. Il progresse à son rythme, grâce à une rééducation quotidienne: kiné, ergothérapie, balnéo, orthophonie… C’est notre super-héros. Nous sommes très fiers de lui et de son courage."
Un gène, des effets multiples
Essentiel au bon fonctionnement des neurones, le gène KCNB1 joue le rôle d’un véritable "interrupteur électrique" du cerveau. "Lorsqu’il est défaillant, c’est tout le réseau neuronal qui s’en trouve perturbé. Cela peut provoquer des retards moteurs, des troubles cognitifs, de l’épilepsie ou encore des comportements du spectre autistique", expliquent les parents de Lilas, devenus experts dans la maladie de leur fille.
Ce qui déroute le plus les familles comme les chercheurs, c’est l’extrême variabilité des symptômes. "Des enfants porteurs de la même mutation présentent des profils cliniques très différents. Aucun ne se ressemble." Certains sont en fauteuil roulant et subissent de nombreuses crises quotidiennes, d’autres marchent et parlent, mais rencontrent de grandes difficultés d’apprentissage ou de comportement. Même les outils de diagnostic traditionnels peinent à établir un tableau uniforme. " Cette diversité complique la recherche, mais la rend d’autant plus indispensable."
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