Tribune libre. Corinne Lepage: "Les collectivités locales et la protection des océans"
Dans notre tribune libre du dimanche, Corinne Lepage, avocate et ancienne ministre de l'Environnement, estime "qu'il est essentiel, en matière de lutte contre les pollutions marines, de renforcer les moyens et les compétences des collectivités territoriales pour défendre leur milieu et leurs ressources".
La rédactionPublié le 08/06/2025 à 10:00, mis à jour le 08/06/2025 à 10:00
tribune
Corinne LepagePhoto DR
Alors que débute la conférence des océans à Nice, au cours de laquelle les États sont censés prendre de nouveaux engagements, il n’est pas inintéressant de s’arrêter sur le rôle majeur que les collectivités territoriales ont joué dans la lutte contre la pollution marine pour s’interroger sur leur place future.
À titre préliminaire, il ne faut pas oublier que c’est grâce aux collectivités territoriales, notamment françaises, que la lutte contre les pollutions marines d’origine pétrolière a pu connaître les développements les plus intéressants et une réelle effectivité. Si en effet l’Europe n’a, heureusement, pas connu de pollution majeure par hydrocarbure depuis le début du XXIe siècle, c’est bien grâce aux effets conjugués des procès Amoco Cadiz et Erika qui l’un comme l’autre ont été conduits par les collectivités territoriales.
C’est à ces procès que l’on doit, en particulier, toute la législation européenne Erika 1, 2 et 3 qui a conduit à transformer profondément le système de protection non seulement contre les navires poubelles, mais également contre le risque d’accident des hydrocarbures en général.
C’est encore grâce à une commune, celle de Mesquer, que la Cour de justice de l’Union européenne a eu l’occasion de qualifier de déchets les boulettes retrouvées en mer à la suite du naufrage de pétroliers et de permettre une indemnisation complémentaire au FIPOL.
Elles ont donc joué un rôle déterminant dans l’effectivité des textes et des principes de réparation, le coût élevé d’une pollution étant toujours la meilleure prévention.
Aujourd’hui, avec l’évolution de la convention MARPOL, avec les évolutions de la convention de Montego Bay, les États ont repris en quelque sorte l’ascendant.
Dans ces conditions, qu’en est-il aujourd’hui du rôle et des compétences des collectivités territoriales dans la prévention, voire dans la répression des pollutions marines ?
Tout d’abord, si les grands textes internationaux sont conclus entre les États, les collectivités territoriales ne sont néanmoins pas absentes. Ainsi, la convention de Barcelone adoptée en 1976, modifiée à plusieurs reprises et destinée à protéger la Méditerranée contre la pollution, reconnaît l’importance des collectivités locales dans la gestion de la protection de l’environnement marin, grâce à la coopération, la politique de gestion intégrée des zones côtières, la gestion environnementale. Le même genre de disposition existe dans la convention sur le droit de la mer et dans les directives Erika 1, 2 et 3 avec en sus les contrôles et surveillance des navires ce qui donne évidemment des compétences aux autorités portuaires.
L’expérience prouve que ce sont elles qui sont le mieux placées et les plus efficaces pour agir
Comment mieux asseoir le rôle des collectivités locales? Il faut distinguer les politiques de prévention et les politiques de réparation en cas d’accident?
S’agissant des politiques de prévention, l’entrée en vigueur depuis le 1er mai 2025 de la zone de contrôle des émissions d’oxyde de soufre et de particules en Méditerranée (SECA Mediterranean) ouvre de nouvelles perspectives qui pourraient s’étendre à l’Atlantique puisque le principe de la création d’une zone comparable a été actée. Si les collectivités locales ne peuvent pas directement intervenir dans la négociation des conventions, elles peuvent en revanche intervenir pour veiller à leur application.
Ainsi, différents outils préexistants peuvent être utilisés: outils de surveillance de la qualité de l’air et pouvoirs de police y afférents, compétences des ports pour contrôler les navires ou encore pouvoirs de police générale du maire si d’aventure des questions de santé ou de sécurité publique étaient posées.
En application des dispositions du code de l’environnement sur la protection de l’air, en cas de pollution présentant un risque grave, c’est l’autorité de police portuaire qui prend les mesures adéquates, tiers ou préfet.
En l’état actuel des dispositions du Code des transports (article L.5332- 8), ce ne sont que les raisons de sûreté qui sont évoquées. Il faudrait donc modifier ces dispositions pour prévoir la compétence des collectivités locales pour interdire certaines escales de navires ou limiter l’accès aux ports pour des raisons écologiques et sanitaires.
Sur le plan de la réparation, rien n’empêcherait des collectivités locales d’agir à l’encontre de navires qui ne respecteraient pas ces règles et qui donc auraient pu polluer le territoire de la collectivité. L’expérience prouve que ce sont elles qui sont le mieux placées et les plus efficaces pour agir. La Cour de cassation a reconnu la validité du droit des collectivités locales à obtenir réparation du préjudice écologique lié à la pollution de l’estran.
De la même manière, pourrait leur être reconnu le droit d’agir contre la pollution atmosphérique liée aux navires et, de manière plus générale, contre l’atteinte portée au milieu marin.
Nous savons tous que le droit ne vaut que pour autant qu’il est appliqué. En matière de lutte contre les pollutions marines, à un moment où l’océan n’a jamais eu autant d’importance, il est essentiel de renforcer les moyens et les compétences des collectivités territoriales côtières pour défendre leur milieu et leurs ressources. C’est à cette condition que le droit sera effectif.
> Les propos, remarques et commentaires exprimés, publiés dans les "Tribunes libres" n’engagent que leurs auteurs.
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