"Je veux être le plus grand tueur de masse du monde dans un établissement scolaire": les confessions glaçantes du suspect, bien avant l’attaque au couteau au lycée horticole d’Antibes
Un an et demi avant de blesser une enseignante et un lycéen à coups de couteau à Antibes, Rodi A. avait proféré en garde à vue des propos aux accents prémonitoires. Les extraits que nous rapportons traduisent sa dangerosité.
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Christophe CironePublié le 11/09/2025 à 18:05, mis à jour le 11/09/2025 à 19:30
Face aux limiers de la police judiciaire, Rodi A. ne se démonte pas. L’adolescent apparaît froid et déterminé. Il ne cache ni sa fascination pour les tueries de masse, ni sa volonté d’en commettre une à son tour.
"Quel est l’intérêt?", lui demandent les enquêteurs. Avec un sang-froid glaçant, le jeune gardé à vue plante son regard dans le leur, et répond: "Je veux être le plus grand tueur de masse dans un établissement scolaire du monde".
Il y est entré à 13h30, armé d’un couteau de cuisine. Il a blessé un élève âgé de 16 ans et, plus grièvement, une enseignante de 52 ans. La courageuse intervention du proviseur aura permis de stopper son projet criminel. Un projet qu’il aurait fomenté de longue date.
Rodi A., quant à lui, est entendu par le service interdépartemental de police judiciaire (SIPJ 06), à Nice. Nouvelle garde à vue. Nouveaux faits. Des faits gravissimes.
Forcément, les enquêteurs ont à l’esprit l’audition aux accents prémonitoires d’avril 2024, dont Nice-Matin reproduit des extraits - et ce qu’ils ont découvert ensuite.
Le cri d’alarme des services sociaux
Un message de soutien a été accroché au petit matin aux grilles du lycée.Photo Sébastien Botella.
À cette époque déjà, les propos de Rodi A. ont semé le trouble. Alors âgé de 16 ans, ce jeune Turc est confié à la protection de l’enfance du Département des Alpes-Maritimes.
Ses parents sont des réfugiés en situation régulière, précise Le Figaro. Selon nos informations, il aurait tenu des propos virulents dans le cadre d’une action éducative en milieu ouvert, ciblant notamment son lycée.
Le 23 février 2024, le Département alerte le parquet de Grasse. "La situation, déjà inquiétante, devient extrêmement préoccupante, tant par les agissements du jeune que du positionnement des parents", indiquent les services sociaux dans une note portée à notre connaissance.
Selon eux, Rodi A. brandit des images de meurtres de masse, décore sa chambre avec des croix gammées, commande une machette et un gilet pare-balles. Il aurait même mis en vente son ordinateur pour s’acheter des armes.
Rodi A. est interpellé et placé en unité psychiatrique. Il en sort courant avril. Il est rattrapé dans la foulée par la police judiciaire. Une action violente imminente est alors redoutée. Ses déclarations vont laisser les enquêteurs, qui en ont pourtant vu d’autres, pantois.
Le précédent Tocqueville
En garde à vue, Rodi A. manifeste son admiration pour Anders Behring Breivik, le terroriste qui a tué 77 personnes et fait 320 blessés, en Norvège, en 2011.
Il clame son admiration pour Eric Harris et Dylan Klebold, les tueurs du lycée de Columbine (13 morts dont 12 enfants, 24 blessés), qui secoua les États-Unis et le monde entier en 1999. "Ce sont les meilleurs. Je veux faire mieux qu’eux!"
Il évoque une autre fusillade, plus proche, dans le temps et l’espace: celle du lycée Tocqueville de Grasse, le 16 mars 2017. Un élève y avait pénétré lourdement armé. Il avait blessé cinq personnes, dont le proviseur, lors de la seule fusillade dans une école qu’a connue la France. "À Tocqueville, il a fait plein d’erreurs. Il est bidon", ironise Rodi A.
"Tous les tuer et me faire tuer"
Les autorités sont venues manifester leur soutien aux personnels et élèves sous le choc, mercredi soir, autour de la ministre de l’Agriculture Annie Gennevard.Photo Sébastien Botella.
Un assaillant de 16 ans armé, fasciné par les tueurs de masse, confronté à un proviseur qui s’interpose... Les deux drames présentent des similitudes troublantes.
L’élève antibois n’est pas parvenu à ses funestes fins. Du moins si l’on se réfère à son audition d’avril 2024. "Je veux tous les tuer et me faire tuer", aurait-il alors déclaré. Façon, à ses yeux, de partir en "héros".
Les perquisitions à son domicile sont éloquentes. Les policiers découvrent dans sa chambre plusieurs armes blanches et un gilet pare-balles.
L’adolescent semble fasciné par la mouvance néonazie, à défaut d’être en lien avec une organisation identifiée. Il consigne dans des carnets l’ébauche d’un projet criminel. Celui-là même qu’il aurait tenté de mettre à exécution mercredi.
Entretemps, Rodi A. est incarcéré en milieu psychiatrique fermé. Il en serait sorti en décembre 2024. Les policiers eux-mêmes le découvriront, stupéfaits, après l’assaut à Antibes.
Mineur à l’époque, l’adolescent aurait obtenu sa remise en liberté à la condition de respecter un contrôle judiciaire très strict. Il s’avèrera insuffisant pour prévenir son passage à l’acte.
"On connaissait sa dangerosité. Forcément, c'est un échec", réagit le député UDR Eric Ciotti.
Interpellations en Normandie et dans le Var
Au lycée horticole, la communauté enseignante est abasourdie. Rodi A. y était connu comme "un élève effacé, qui ne posait pas de problème particulier. Pas d’impertinence, pas d’arrogance. Il avait des difficultés qui se ressentaient au niveau des résultats scolaires. Mais aucun événement ne laissait présager quoi que ce soit..."
Après son interpellation, les enseignants auraient néanmoins alerté leur hiérarchie sur la nécessaire sécurisation du lycée, trop ouvert à leur goût. Rodi A. aurait dû y être scolarisé en classe de seconde. Mais il ne le fréquentait déjà plus. Il y est revenu armé.
Un lycéen a reçu deux coups de couteau, l’un entre les yeux, l’autre à la mâchoire. L’enseignante a été blessée à l’abdomen, au dos et à la hanche. Son état, jugé grave mercredi soir, était stabilisé ce jeudi matin.
Deux autres suspects ont à leur tour été placés en garde à vue, comme l’a révélé Le Parisien. Sa petite amie, placée en institut psychiatrique dans le Cotentin, a été interpellée mercredi soir par l’antenne normande de la police judiciaire.
Ce jeudi matin, c’est à Saint-Maximin (Var) que le SIPJ 06 est allé chercher un adolescent de 17 ans. Tous deux étaient mis en examen dans le cadre de l’information judiciaire ouverte au printemps 2024. Comme Rodi A.
L’ont-ils inspiré ou encouragé? Et ce, dès 2024? Comment cet adolescent fiché S a-t-il pu passer à l’acte? Sa dimension terroriste est-elle vraiment exclue? C’est ce que s’attellent à établir le SIPJ, la crim’ et le groupe antiterroriste au premier chef.
Autant de questions qui attendent Eric Camous ce vendredi à 14h. Le nouveau procureur de la République de Grasse tiendra une conférence de presse, au terme de la garde à vue du suspect.
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