Quand Monaco, le "Versailles de la Côte d'Azur", était sous la canicule il y a 250 ans

Il y a cent cinquante ans, lors de l’été 1875, la canicule s’installa sur la Principauté. Cela n’empêcha pas l’écrivain Charles Monselet de décrire Monte-Carlo comme "Versailles de la Côte d’Azur".

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André PEYREGNE Publié le 25/07/2025 à 08:45, mis à jour le 25/07/2025 à 09:54
Monte-Carlo dans les années 1870 Photo DR

Promenons nous une nouvelle fois dans les allées du passé monégasque. Lors de l’été de 1875, le soleil pesait sur les ombrelles, les tuniques en lin, les robes à volants et les cols amidonnés. On parlait déjà de canicule.

Cette année-là, le chroniqueur, romancier et gastronome français Charles Monselet, plume alerte et bec fin, vint visiter la Principauté et en rapporta quelques souvenirs enthousiastes. Malgré la chaleur, les Monégasques profitaient de l’été pour effectuer des travaux de voirie. Maintenant que le chemin de fer était arrivé en Principauté, les visiteurs réclamaient des routes pour les calèches, des trottoirs pour les piétons, et des jardins pour les flâneurs.

Mais, dans le passé, il y eut aussi des étés où les flâneries et l’insouciance n’étaient pas de mise. Ces étés furent ceux de la guerre. En juillet 1918 fut signé le Traité de Paris. Ce document allait avoir son importance sur l’avenir de la Principauté.
1875 "Monaco, ce monde enchanté"

Le romancier Charles Monselet. Photo DR.

L’écrivain du XIXe siècle Charles Monselet est venu en touriste à Monaco. Il en a ramené des souvenirs enthousiastes: "En entrant à Monaco, nous quittons le monde réel pour le monde enchanté. Rien de ce que nous avons vu ne ressemble à ce que nous allons voir. Nous sommes en Afrique, à en juger par la végétation qui nous environne, par ces aloès menaçants, armés comme pour un combat contre les tigres, par ces euphorbes immenses, par ces caroubiers contournés et crispés, par ces monstrueuses figues de Barbarie, tapisserie naturelle des abîmes, par ces palmiers arrogants, et surtout par cette coloration chaude et parfumée du ciel et de la mer.... Monaco est située sur le plat d’un rocher qui s’avance très au loin dans la Méditerranée. On y arrive par une série de chemins qui la contournent ou par un escalier plus raide qui conduit directement à la place du Château.... De là on aperçoit la station de Monte-Carlo où le Prince a construit un Casino. Monte-Carlo est le Versailles du littoral méditerranéen. Comme dans Versailles, des millions ont été jetés sur cette roche autrefois farouche et nue; des prodiges ont été réalisés, des miracles y ont été accomplis et s’y accomplissent. Au premier aspect ce ne sont que terrasses superposées, rampes majestueuses descendant jusqu’à la mer, larges escaliers bordés d’arbres verts et de fleurs insolentes d’épanouissement ; fontaines, vases, grottes, parterres, tout le train d’une résidence royale..."

Juillet 1875: gare à la canicule

Monaco et les jardins du casino au XIXe siècle Photo DR.

Il y a cent cinquante ans, la canicule sévissait. Le journal de Monaco s’en plaignait dans son édition du 25 juillet 1875: "La canicule qui vient a commencé début juillet et finira le 24 août prochain". Comment se protéger? Chacun a sa solution. Les cabriolets à cheval qui servent de taxis ont la leur, ainsi que signale le Journal de Monaco: "Nous avons remarqué, depuis quelque temps, une amélioration charmante: il s’agit d’une petite tente, coquettement installée au dessus des voitures découvertes. C’est original, joli à l’œil, et surtout d’une utilité incontestable. Grâce à cet immense parasol, les voyageurs sont garantis du soleil, comme dans une voiture fermée, sans être privés pour cela de l’air et de la vue du panorama. Nous avions déjà vu cette installation à Cannes, et nous nous étions demandé pourquoi, dans toutes les villes du littoral, on n’adoptait pas ce charmant système. Nous voilà exaucé à Monaco."

Juillet 1875: une nouvelle route vers la place d’Armes

Monaco était un "monde enchanté" et aussi un monde en chantier. Il fallait en effet réaliser les aménagements qui plairaient aux touristes. C’est ainsi qu’en juillet 1875 il fut décidé de créer une rue entre l’entrée ouest de Monaco et la place d’Armes. Ce faisant, la vie des agriculteurs serait également facilitée, comme le constate le Journal de Monaco du 6 juillet: "Cette route déclarée d’utilité publique par une ordonnance du 9 mars 1867 a pour le pays une importance dont on ne se rend peut-être pas bien compte. Elle est destinée, on le sait, à rejoindre la route française qui, longeant la voie ferrée, doit passer par Villefranche, Beaulieu, Eze, et est appelée à desservir toutes les propriétés situées entre ces stations. Or, sur ce parcours se trouvent les terrains les plus riches, les mieux cultivés, les plus productifs et que la proximité du chemin de fer n’a pas rapprochés suffisamment du centre où s’écoulent leurs produits. Le cultivateur, en effet, est obligé de transporter ses marchandises, à travers des chemins difficiles, jusqu’à la station du chemin de fer la plus voisine, pour de là les conduire soit à Nice, soit à Monaco. Il en résulte pour lui des embarras, un long emploi de temps et des frais dont il se décharge sur le consommateur... Ces avantages si précieux pour notre pays où la population industrielle va croissant, feront sans doute hâter la réalisation de la route projetée, de Nice à Monaco, sur le territoire Français, et qui deviendra un vaste boulevard sur le littoral de la Méditerranée."

17 juillet 1918: le Traité de Paris

Le prince Louis II. Photo DR.

Tous les étés ne se sont pas déroulés dans la légèreté et l’insouciance. Il y eut les étés de guerre. En juillet 1918, au milieu du cataclysme, un sujet inquiétait Monaco et la France : la pérennité de la dynastie Grimaldi. En effet, Louis II, fils du prince Albert 1er, héritier du trône, n’avait ni enfant légitime ni projet matrimonial. Dans l’ordre de succession au trône, le successeur de Louis était son cousin Guillaume de Wurtemberg. La France ne pouvait tolérer qu’un prince allemand accède un jour au trône monégasque. Un Traité de Paris fut donc signé le 17 juillet 1918 entre Stephen Pichon, ministre français des Affaires étrangères, et le comte Balny d’Avricourt, représentant du prince Albert 1er, stipulant que "les mesures concernant les relations internationales devraient toujours faire l’objet d’une entente préalable entre le gouvernement princier et le gouvernement français". Autrement dit, rien de ce qui pouvait avoir des conséquences internationales à Monaco ne pouvait se décider sans la France. La crise dynastique fut résolue en 1919 lorsque le prince héréditaire Louis adopta sa fille naturelle Charlotte, laquelle devint héritière du trône. On connaît la suite : une fois devenue mère, elle se désista en faveur de son fils Rainier III.

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