On dit que Prosper Mérimée est mort... deux fois, à Cannes. Savez-vous pourquoi?
Annoncé mort par Le Figaro en 1869, le grand écrivain continuait à arpenter la Croisette et ne quitta ce monde que l’année suivante au moment de la débâcle française dans la guerre de 1870.
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André PeyrègnePublié le 03/05/2025 à 14:00, mis à jour le 03/05/2025 à 14:00
Le Suquet, à Cannes, peint par Mérimée.Illustration Musée d’art et d’histoire de Provence à Grasse
Chaque matin, Prosper Mérimée attendait dans son appartement de la maison Sicard, à Cannes, que ses gouvernantes anglaises, les sœurs Lagden, lui apportent Le Figaro. On était en 1869. A 65 ans, l’œil vif et l’esprit toujours en éveil, il se plongeait dans la lecture du journal. Le 28 février, il apprit avec tristesse la mort de l’écrivain Lamartine. Puis, le 9 mars, celle du compositeur Berlioz. "Mauvais temps pour les artistes, pensa-t-il! " Mais quelle ne fut pas sa stupeur, le matin suivant, de découvrir l’annonce... de sa propre mort! Il se palpa, se pinça et, constatant qu’il était toujours vivant malgré sa santé minée par l’asthme, il envoya des messages aux journaux et à ses amis: "Petit bonhomme est encore en vie!" Pourtant la rumeur persistait. Prosper Mérimée se plaignait entre deux quintes de toux: "À force de lire partout que je suis mort, je finirai par le croire!"
Victor Hugo aussi
Dans l’histoire de la littérature, d’autres écrivains ont connu pareille mésaventure. Le même Figaro annonça par erreur la mort de Victor Hugo. Et lorsque l’écrivain mourut vraiment, le journal osa écrire avec une sorte d’humour noir qui n’était pas forcément de circonstance : "Comme nous avons été les premiers à l’annoncer, Victor Hugo est mort!". Quant à Mark Twain, il envoya ce mot au journal qui avait annoncé par erreur son décès: "La nouvelle de ma mort est très exagérée".
Pour prouver qu’il était était encore en vie, Prosper Mérimée reprit ses sorties malgré la toux et la fatigue. Sous le ciel tiède de Cannes, il arpentait la Croisette et la plage, escorté de ses fidèles Anglaises. Il marchait à petits pas, respirant l’air iodé. La maison Sicard dans laquelle il habitait était à deux pas de la plage. Au 6, rue Bivouac-Napoléon (aujourd’hui 3, square Mérimée), elle était une dépendance de l’Hôtel des Princes. Il occupait un appartement avec balcon au premier étage. Auparavant, il avait habité à Nice dans la villa Massengy mais trouvant la ville trop mondaine, il avait choisi de venir s’installer à Cannes. Dabord à l’Hôtel de la Poste puis dans la villa Sicard, du nom du banquier qui en était propriétaire.
Auteur de "Carmen"
Prosper Mérimée avait découvert notre région en 1834, en tant qu’inspecteur général des Monuments historiques. Car la protection du patrimoine français était la grande affaire de sa vie. Arpenteur des vieilles pierres, il avait sillonné la France à la recherche des églises effondrées, des théâtres antiques ravinés, des monuments déchus, des ruines à la beauté blessée. Il s’intéressa particulièrement à celles de Fréjus.
Ecrivain, membre de l’Académie française, il était aussi l’auteur de Columba ou de Carmen qui, mis en musique par Bizet, devint l’opéra le plus joué au monde. Il était également l’ami de Napoléon III et de l’impératrice Eugénie. Il avait diverti la Cour avec sa fameuse dictée.
Peinture, arc et flèches
Lors de ses hivers à Cannes, Mérimée ne se contentait pas de flâner le long de la mer. Il s’aventurait dans l’Estérel, coiffé d’un chapeau de paille. Les sœurs Lagden l’accompagnaient. L’une portait son matériel de peinture, car il était également peintre. Un de ses tableaux sur le Suquet est conservé au musée de Grasse. L’autre sœur portait... son arc et ses flèches. Car, avec une malice de vieux gamin, il s’amusait à viser les pommes de pin!
Peu après l’annonce erronée de sa mort, Mérimée décida de rédiger son testament. Dans la biographie qu’il vient d’écrire sur lui (lire par ailleurs) l’écrivain varois Charles-Armand Klein en a fait l’inventaire. Mérimée léguait toute sa fortune, argent, rentes, actions, argenterie aux sœurs Lagden, les chargeant d’attribuer des rentes viagères à ses deux domestiques Sophie et Eugène, et à sa cousine Pauline. Il n’oubliait pas non plus les amis qu’il s’était fait dans le milieu des Monuments historiques, comme l’architecte Viollet-le-Duc à qui il avait confié la restauration de Notre-Dame de Paris.
Le 23 septembre 1870, la France achevait de plier devant l’Allemagne. Napoléon III avait été fait prisonnier. Mérimée était effondré de cette déroute historique. C’est ce jour-là qu’il s’éteignit, dans la lumière dorée de Cannes. Le Figaro prit soin de vérifier l’information avant de l’annoncer.
Sa vie, par le Varois Charles-Armand Klein
Charles-Armand Klein, écrivain et biographe, s’est fixé dans le Var depuis vingt ans et s’intéresse aux personnalités qui ont un lien avec le Midi de la France. Auteur d’Alphonse Karr: prince de l’esprit (1994) ou des Escales d’azur de Guy de Maupassant (2007), il vient de faire paraître Prosper Mérimée, un monument du Sud (Edition Campanile). Il y décrit l’homme de salon et d’esprit qui fréquentait artistes et gens de Lettres, dont Stendhal qui fut son ami. Il décrit aussi le peintre, l’historien, l’écrivain et l’inspecteur général des Monuments historiques. Car Prosper Mérimée fut tout cela mais également sénateur et grand voyageur. Pendant douze ans, il a suivi l’ascension de la ville de Cannes où il mourut en 1870, en même temps que s’écroulait le Second Empire. Prosper Mérimée s’est vu dédier un square, à Cannes, près de la maison qu’il habitait, et est enterré au cimetière du Grand Jas.
Photo DR.
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