"Pour moi, c'est un monstre": au 78e Festival de Cannes, les festivaliers secoués par le verdict du procès de Gérard Depardieu

La condamnation de Gérard Depardieu à 18 mois de prison avec sursis pour agressions sexuelles ce mardi a jeté une ombre sur l’ouverture du Festival de Cannes, divisant festivaliers et professionnels sur l’acteur. Entre malaise, indignation et débats éthiques, l’affaire fissure l’image du monstre sacré du cinéma français, venu à maintes reprises sur la Croisette.

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Félicien Cassan Publié le 13/05/2025 à 16:38, mis à jour le 13/05/2025 à 18:48
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Comment décorréler le verdict du procès pour "agressions sexuelles" du plus grand acteur français vivant et le lancement du 78e Festival de Cannes? Mission quasiment impossible...

Malgré la timidité de Thierry Frémaux sur le sujet lors de la première conférence de presse lundi soir, le calendrier a en tout cas réuni Gérard Depardieu et le mythique festival, ce mardi 13 mai...

Celui qui a été président du jury en 1992 (et a présenté de nombreux films sur la Croisette au cours des éditions) a été condamné par le tribunal correctionnel de Paris à 18 mois de prison avec sursis, avec injonction de soins, pour avoir agressé deux femmes sur le tournage des Volets verts en 2021.

S'ajoutent à cette condamnation une inscription au fichier des auteurs d'infractions sexuelles et une peine d'inéligibilité de deux ans.

Alors que l'acteur de 76 ans n'a pas assisté au délibéré (il se trouve actuellement aux Açores pour le tournage d'un film dirigé par Fanny Ardant) et fera appel, que pensent les festivalières et les festivaliers de ce monstre du cinéma français? 

Est-il devenu à leurs yeux un monstre tout court? Depardieu, figure toujours admirée ou paria honni?

"18 mois, c'est le strict minimum"

Nice-Matin a interrogé une dizaine de personnes, anonymes locaux, touristes ou professionnels "couvrant" le festival... et les avis semblent unanimes.

Un seul homme, d'un certain âge, croisé avec un couple d'amis, ose un "Peut-être le cherchaient-elles un peu?en évoquant les deux victimes. Une provocation aussitôt reprise avec véhémence par son épouse, une septuagénaire Cannoise outrée... Pour elle, il s'agit d'une "bonne décision de justice". Même son de cloche pour leurs deux camarades, en visite du Cantal.

Enzo n'a que 24 ans, mais ce jeune homme originaire d'Aix-en-Provence connaît bien la filmographie de Depardieu. Il trouve que "18 mois avec sursis, ça reste logique", avant d'ajouter: "C'est même plutôt gentil par rapport à ce qu'il a fait".

Pour son amie Laura, également âgée de 24 ans et de passage à Cannes pour le week-end, la peine est "totalement logique". Son sentiment: ce n'est "pas parce que c'est une personnalité publique qu'il faut qu'elle soit jugée différemment". 

"Je trouve cela très décevant"

Laurence, 65 ans, Cannoise elle aussi, pense que 18 mois "ça suffit", tout en s'estimant fataliste: "Cela ne lui fera rien du tout, il ne les fera pas".

Pour beaucoup en effet, la sévérité n'est pas au rendez-vous. Richard, 73 ans, un touriste québécois possédant avec son épouse une propriété à Mougins, confie son sentiment de surprise. Et pour cause: il n'était pas encore au courant du verdict.

"C'est un choc, parce que 18 mois, ce n'est pas beaucoup." Médecin s'occupant au quotidien de violences sexistes et sexuelles, il a observé "une dérive" de l'acteur... "Je trouve cela très décevant. Pour lui, son image a été ternie et c'est très dommage."

L'émotion est forte chez Nadine, 73 ans, de Cannes, qui ne mâche pas ses mots: "C'est pas assez, 18 mois". Son jugement est sévère, elle qualifie même l'acteur de "monstre"...

Continuer à regarder ses films après le verdict, un choix éthique

Avant que cette affaire n'éclabousse sa carrière, Gérard Depardieu incarnait pour beaucoup l'excellence du cinéma français, une figure presque intouchable. Y compris au Festival de Cannes.

Certains sur la Croisette le décrivent encore comme un "grand acteur", tout en reconnaissant qu'il avait l'air d'être un "excellent bon vivant, un jouisseur". Sépareront-ils l'homme de l'artiste?

Pour certains, la réponse est tout de même oui... mais pas sans "arrière-pensées". Son image est désormais fissurée. Des spectateurs continueront à regarder ses vieux films, mais "avec un peu de retenu quand même", voyant l'acteur "d'un œil différent".

Richard, qui le suivait "depuis toujours", avoue avoir eu "beaucoup d'admiration pour l'individu" par le passé. Il compare sa réflexion du moment à celle concernant les films de Woody Allen, qu'il évite maintenant.

À l'opposé, Laurence, qui déclare "adorer cet acteur", continue "d'adorer ses films". Mais elle avoue aussitôt qu'elle le considérait déjà, avant les affaires de violences sexuelles, comme "un mec gras qui parle mal (sic)".

Pour Nadine, qui confie ne "jamais l'avoir trop aimé" et "zapper depuis toujours" ses films lorsqu'ils passent à la télé, la question ne se pose pas.

Quant au jeune Enzo, il est catégorique: "On ne peut pas séparer l'homme de l'artiste quand on sait qu'il a commis de tels méfaits."

Quid des victimes?

Laurence insiste sur la nécessité "d'avoir de la compassion" et "du respect pour des victimes". Nadine imagine qu'elles "ne doivent pas être très heureuses du résultat du procès".

L'affaire Depardieu ouvre aussi sur des réflexions sociétales plus larges. Richard, particulièrement sensible à la "protection des femmes" en tant que médecin, juge la situation "inacceptable" et espère qu'on passera à une "autre étape de l'humanité".

Il s'inquiète d'une "dérive" chez les hommes, et de l'arrivée dans notre quotidien de "masculinistes", trouvant cet aspect sociétal "problématique à l'heure actuelle".

Pour Laurence, ce qui est reproché à Gérard Depardieu n'est pas isolé: "Tellement d'artistes sont concernés." 

La commission d'enquête sur les violences dans le milieu culturel, présidée par la députée Sandrine Rousseau, qui a rendu ses conclusions finales le 7 mai et formulé 86 recommandations, ne dit pas le contraire.

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