Menaçant de s’effondrer, le pylône est dangereusement penché, grotesque silhouette comme figée dans sa chute. Surplombant le secteur de la Vanade, dans le maquis de Villeneuve-Loubet, le support de la ligne à haute tension desservant l’ouest du département a été saboté, comme d’autres infrastructures électriques (1), samedi.
Depuis, le courant est coupé pour laisser la voie libre à une équipe du Réseau de transport d’électricité (RTE) chargée de sécuriser l’ouvrage. En plein cagnard et entre deux rotations d’hélicoptère, le directeur du groupe maintenance réseau Côte-d’Azur, Hugues Martinez, raconte l’opération hors-norme, en cours jusqu’à ce soir.
Trois pieds sur quatre sciés
"En France, nous entretenons près de 300.000 pylônes. Être confronté à un tel sabotage, c’est exceptionnel. Des bouts de cornières de ferraille ont été sciés. Nous ne savons pas pourquoi les saboteurs n’ont pas entamé le dernier pied. Conséquence directe: le pylône a tangué. Quand les premières équipes sont arrivées, elles craignaient de le voir tomber. Depuis, une vingtaine d’ingénieurs sont sur le pied de guerre pour sécuriser la zone: Nous allons tout faire pour stabiliser le support."
Stabiliser grâce à des haubans et des contrepoids
"Dans un impressionnant exercice de précision, un hélicoptère de RTE a fait une soixante de rotations lundi, transportant une à une des galettes de bétons pesant 630kg. Fixées au sol, ces gueuses seront reliées au pylône par quatre grands filons. Au total, le contrepoids pèsera 40 tonnes, ce qui permettra de stabiliser le support. C’est ce qu’on appelle un haubanage. Les haubans maintenus en tension, soutiennent le mat, comme pour un navire."
Le pylône va rester penché…
"Étant donné que le support n’est pas complètement tombé au sol, nous n’avons pas besoin de le redresser pour le remettre en service de manière provisoire. Les distances de sécurité avec les câbles à haute tension sont respectées."
Avant d’être remplacé dans les prochains mois
"En l’état, nous ne pouvons pas réparer le pylône. Un nouveau support a été commandé et devrait être installé d’ici deux ou trois mois. Ça va être un chantier d’une grande complexité. Nous ne souhaitons pas encore communiquer sur le coût de l’opération."
Pas d’impact pour les foyers
"Les 160.000 foyers impactés ont progressivement retrouvé l’électricité, samedi après-midi. C’est la force de notre réseau qui repose sur un large maillage, en étroite coopération avec Enedis, chargé de la distribution aux particuliers (via des lignes à moyenne et basse tension). À partir de (ce) soir, nous espérons que la ligne haute tension endommagée pourra reprendre le relais."
L’une des lignes les plus importantes de la région
"Si cette ligne a été stratégiquement visée? Je ne sais pas répondre à cette question. Je peux simplement dire que cet axe dessert une grande partie de l’ouest du département." Parmi les communes touchées: Cannes, Antibes, Grasse, Vallauris, Mandelieu - la Napoule, Saint-Cézaire-sur-Siagne ainsi que le canton de Fayence.
Un chantier sous haute surveillance
"Le chantier est gardienné avec. S’il y a aussi des agents privés? Je ne peux pas donner tous les éléments."
Deux clubs interdits d’accès durant les travaux
Les belles berlines se heurtent une à une au large portail fermé. La vitre se baisse, y pointe une casquette à visière: "Le golf n’est pas ouvert aujourd’hui?" Les habitués du club de la Vanade, à Villeneuve-Loubet, n’ont manifestement pas tous été informés du sabotage. "C’est si dangereux que ça pour qu’on nous empêche de venir?", interroge même un joueur. Peut-être ne fait-il plus attention à ces grands câbles à haute tension, suspendus juste au-dessus des greens. "Si ça nous tombe dessus, on est mal", finit quand même par réaliser une licenciée.
Des centaines de personnes évacuées
C’est précisément pour éviter un drame que la mairie de Villeneuve-Loubet a pris un arrêté, dès samedi matin, pour interdire l’accès à la zone. Une mesure qui concerne aussi les courts de tennis et de padel du groupe UrbanSoccer.
Encore abasourdi, son gérant, Mathieu Kuschta, raconte l’évacuation du site: "Quand on a ouvert, samedi matin, on n’avait même pas réalisé que le pylône avait été saboté. On n’a pas été impactés par les coupures d’électricité. On tournait normalement: l’école de foot était en plein match, tous les terrains de padel étaient pris. Vers 10 heures, il a donc fallu évacuer entre 150 et 200 personnes. Puis ce sont toutes les réservations du week-end qu’il a fallu annuler. Ça va nous faire du manque à gagner. On espère faire jouer nos assurances." Les activités devraient pouvoir reprendre à partir de ce mercredi, une fois le pylône sécurisé par l’équipe du Réseau de transport d’électricité.
(1) Deux autres sabotages ont eu lieu. Vendredi soir: un poste a été incendié sur le site de l’usine RTE de Saint-Cassien, à Tanneron (Var). Dans la nuit de samedi à dimanche: un transformateur a été détruit par un incendie à Nice-Ouest.
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