Décès du streamer Jean Pormanove: la mort en direct qui choque et interpelle la France entière
Le streamer, Raphaël Graven, alias Jean Pormanove sur les réseaux sociaux, est décédé à Contes, près de Nice, en direct sur le net. Une enquête est ouverte. Le gouvernement demande des comptes
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Stéphanie GasigliaPublié le 20/08/2025 à 04:00, mis à jour le 20/08/2025 à 09:19
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Pointe-de-Contes. Endroit désert. Le calme après la tempête de la matinée du 18 août, où le Samu, les pompiers et les gendarmes sont arrivés en force, avant 10 heures ce jour-là, brisant la quiétude apparente de ce coin de la vallée du Paillon, sur la commune de Contes, à quelques kilomètres de Nice.
Derrière le portail vert, un vieux bâtiment industriel se détache. C’est là, que Raphaël Graven, alias Jean Pormanove, a rendu son dernier souffle, sur le net, en plein direct, sur la plateforme vidéo plutôt confidentielle Kick.
Suivi par des centaines de milliers de personnes, "JP" était connu pour participer à des live streaming au cours desquels il subissait violences et humiliations. Il avait 46 ans. Il habitait à deux kilomètres environ de son lieu de tournage, sur la commune de Drap, quartier de La Condamine.
Selon nos informations, sa famille arrive samedi dans les Alpes-Maritimes.
Un squat décoré au sang et aux excréments
Devant la porte du local qui servait de studio de tournage au streamer et à ses acolytes, deux pots de fleurs ont été discrètement déposés. Pas d’hommage ostentatoire. À mille lieues de la notoriété sur internet.
"Gendarmerie nationale. Scellé. Ne pas ouvrir" mentionnent les rubans de signalisation rouge qui empêchent de pénétrer dans le bâtiment. Et de monter au premier étage, cadre de leurs "live" sur leur chaîne appelée LeLokalTV.
Une sorte de squat, à la belle superficie, comportant plusieurs pièces. Pièces dans un état de saleté avancée et décorées de manière aussi douteuse que le contenu des vidéos, avec des traces de sang ou d’excréments sur les murs...
Le local de Contes où JP est décédé. Photo Justine Meddah.
"Nature de l’infraction: DDC, découverte de cadavre. Affaire: Graven R.", peut-on encore lire sur les scellés apposés par les forces de l’ordre.
Le business de la violence et de l’humiliation
Lundi matin, alors que les streamers se filmaient depuis plus de 298 heures, sans discontinuer, plusieurs internautes se sont inquiétés de l’état de Jean Pormanove, inerte depuis de longues minutes, dans un lit, enroulé dans une couette blanche, où seuls son visage livide et ses cheveux colorés en rouge vif dépassaient.
L’un de ses compagnons lui jette une bouteille dessus. Aucun mouvement. Un autre se lève et le bouscule: "JP", "JP", dit-il plusieurs fois. Pas de réaction. Il s’approche ensuite de la caméra et semble couper la vidéo. Depuis, des extraits glaçants de cette mort, révélée en direct, sont devenus viraux sur les réseaux sociaux.
Un divertissement glauque, visionné par des milliers de personnes. Et financé par des milliers de personnes. Sur les images, outre le compteur de temps passé en "live", un autre compteur s’affiche: celui de l’argent engrangé depuis le début du défi qui durait donc depuis plus de 12 jours: plus de 36.000 euros. Des dons des internautes.
Le collectif de vidéastes avait monté un vrai business dont "JP" était, semble-t-il, le souffre-douleur. À la limite entre le consentement et l’abus de faiblesse?
Créée en 2022, Kick, la plateforme sur laquelle l’équipe de LeLokalTV avait migré, offre une politique de rémunération bien plus avantageuse que ses concurrents, reversant 95% des revenus générés - dons ou abonnements - aux créateurs de contenus contre 50% ailleurs. Elle affiche également une modération beaucoup moins stricte que sur les autres plateformes.
"Il était tellement gentil", "le succès c’était comme une revanche"
"J’ai le même âge que lui", souffle Christelle. Cette Drapoise connaissait un peu "Raphaël". "Il était tellement gentil", dit-elle, encore sous le choc de la triste nouvelle. Parfois, elle jouait aux boules avec lui, sur le terrain de pétanque de La Condamine.
"C’était quelqu’un d’introverti, de réservé mais de très sociable. Il était content de sa notoriété, il me disait qu’il était aimé ça et qu’il vivait sa plus belle vie", se souvient la quadragénaire. "Je lui ai demandé un jour pourquoi il faisait ces vidéos". Elle n’a pas vraiment eu de réponse... Selon elle, le créateur de contenu brûlait sa vie par les deux bouts. Il fumait. Beaucoup. Et buvait une quantité astronomique de boissons énergisantes "pour tenir sans dormir", selon une autre source qui a requis l’anonymat.
"Ça ne fait pas bon ménage", chuchote Christelle. Et puis, la Drapoise est en colère contre ceux qui ont téléchargé les images. "Ils les repostent sur les réseaux et se font de l’argent dessus, c’est très choquant". Par respect pour lui, elle a même essayé d’avertir TikTok afin que la terrible vidéo ne soit pas monétisée.
Karim (1) connaissait aussi "JP". Lui aussi est un enfant "du quartier". "Il me faisait de la peine. Je sais pas s’il était vraiment content de tout ça", ajoute le jeune homme.
Souvent, il parlait avec la victime. "Une fois il m’a dit que finalement c’était pas cher payé pour être reconnu dans la rue et pour gagner des ronds. Il se faisait 6000 euros par mois en moyenne, il me disait que c’était comme une revanche", jure-t-il. "Il n’avait pas eu une vie facile, là il avait enfin l’impression de profiter", enchaîne Karim. "Il allait en boîte, il allait boire des coups dans le Vieux Nice", conclut son voisin.
1. Le prénom a été modifié
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