Mal-logement en France: ce qu'il faut retenir de l'état des lieux dressé par la Fondation Abbé Pierre

Dans son nouveau rapport annuel sur le mal-logement, la Fondation Abbé Pierre dresse un tableau accablant pour Emmanuel Macron et son second quinquennat, en matière de logement.

Amandine Rebourg Publié le 31/01/2023 à 22:01, mis à jour le 31/01/2023 à 17:22
La Fondation dresse un constat sévère, sur la politique d'Emmanuel Macron, en matière de logement. Photo DR

Pour la Fondation Abbé Pierre, le constat est sans appel: "manque d'ambition", "pas de programme établi", "budget insuffisant"... En gros, la politique d'Emmanuel Macron en matière de logement s'oriente vers un zéro pointé, selon la Fondation qui publie chaque année, un état des lieux du mal-logement.

Dans son rapport annuel version 2023, la Fondation chiffre à 4.1 millions le nombre de personnes qui sont mal logées en France. Parmi celles-ci, près d'1.1 million de personnes sont privées de logement personnel. Quant aux personnes sans domicile, elles seraient au nombre de 330.000. 

Plus largement, ce serait 12.1 millions de personnes qui sont touchées, "à des degrés divers" par la crise du logement. Des chiffres qui montrent une "dégradation de la situation" du mal-logement en France. En effet, selon la Fondation, de plus en plus de ménages seraient touchés par la crise du logement, avec des répercussions sur la vie de famille, la santé, le confort, l'environnement quotidien ou les fins de mois. 

Qui sont les personnes victimes du mal-logements? Comment les ménages modestes font face à cette crise? Que penser des aides à la rénovation énergétique? Voici ce qu'il faut retenir de ce rapport. 

Les femmes, premières victimes du mal-logement

Pour la Fondation Abbé-¨Pierre, le mal-logement est genré... au féminin. D'une manière générale, les femmes célibataires, qui bénéficient de moins bonnes conditions d’emplois et de revenus, sont moins bien logées. Plus souvent en situation de précarité, par rapport aux hommes, les "risques d'habiter dans un logement indigne ou suroccupé, sont plus élevées pour les mères célibataires". 

La Fondation souligne à ce titre que les familles monoparentales, constituées à 83 % de femmes seules avec enfants sont surreprésentées parmi les familles en difficulté économique. Même constat pour les victimes de violences conjugales. Ces violences sont un facteur aggravant car la victime est souvent obligée de quitter son propre logement ce qui la place régulièrement dans une situation de grande précarité. 

D’après la Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF), 80 % des femmes victimes de violence sont hébergées dans des dispositifs qui ne sont pas adaptés à leur situation et près de 40 % des femmes victimes de violences en demande d’hébergement seraient sans solution. 

Des prix toujours plus insoutenables pour les ménages modestes 

Autre constat effectué par la Fondation, celui, amer, de la régulation du marché immobilier. Les loyers, en augmentation, sont "trop peu encadrés". Etendue à plusieurs villes volontaires, cette mesure commence à montrer ses effets: à Paris, on est passé de 35% des annonces non-conformes à 31%. Mais les "amendes et recours sont beaucoup trop faibles", estime la Fondation. Sur ce point, les locations saisonnières de meublés touristiques font monter les prix des logements et "évincent les habitants à l'année des zones touristiques". La faute, selon à la Fondation Abbé Pierre, à la "fiscalité très favorable" de ces logements qui permettent "des abattements fiscaux allant jusqu'à 71%". 

Conséquence de quoi, les logements se font de moins en moins abordables, pour les ménages modestes, dans certains territoires: "le recours à Airbnb réduit l'offre de logement permanent en résidence principale". De fait, estime les experts, "aujourd’hui, toutes les zones littorales ouest et sud du pays présentent des prix élevés comme la quasi-totalité des métropoles et des secteurs à proximité de l’Allemagne, de la Suisse et du Luxembourg". 

Aussi, le parc locatif privé apparaît inaccessible à la majorité des ménages-types que la Fondation a étudiée. Avec un parc locatif privé qui ne peut offrir un logement adapté aux familles monoparentales et seules avec des revenus inférieurs à 900 euros par mois, celles-ci sont obligées de s'éloigner des centres-villes, "ou contraintes d'habiter dans des logements aux conditions dégradées"

Les locations saisonnières se font souvent au détriment des habitants à l'année Photo C. D. .

Des locataires de plus en plus fragilisés

Pour l'accession à la propriété, là encore, le constat est sans appel. Il apparait que l'accession à la propriété pour les ménages modestes, est "nulle ou presque". Contraints de s'éloigner des centres, ils se trouvent fragilisés sur le plan financier en raison des dépenses liées à la mobilité. Ainsi, compte tenu du poids des dépenses contraintes, le "reste à vivre" de certains ménages est très faible. "D’après notre étude, un couple sans enfant mono-actif au Smic accédant à la propriété à Aubervilliers, une fois ses dépenses contraintes assumées, n’aurait plus que 92 € par personne et par mois pour vivre".

D'après elle, toutes les réformes menées au cours du premier quinquennat d'Emmanuel Macron ont été faites "au détriment des allocataires". Des allocations amputées de 4.2 milliards d'euros chaque année. A côté de cela, la Fondation souligne que les loyers impayés n'augmentent pas, pour l'instant, même si les bailleurs sociaux ont relevé au dernier trimestre 2022, une hausse de 10% des impayés de loyers, notamment en raison de la hausse des prix de l'énergie. Des prix en hausse qui ne sont pas tout à fait compensé par le bouclier tarifaire qui "protège moins bien les immeubles à chauffage collectif en copropriété ou en logement social, que les habitants bénéficiant du tarif règlementé". Et de constater que les ménages aisés profitent davantage du bouclier tarifaire que les ménages modestes. 

Des aides à la rénovation énergétique vertueuses mais insuffisantes

Toujours sur les aides, la Fondation juge celles sur la rénovation énergétiques "insuffisantes". Face à la précarité énergétique, la rénovation complète du logement apparaît comme une réelle solution sur le long terme mais elle se heurte à certains "obstacles". MaPrimeRenov' est un succès mais le "reste à charge" demeure parfois trop élevés pour les ménages modestes.

"Bien loin du 10 % de reste à charge promis, après mobilisation de toutes les aides (y compris CEE et aides locales), c’est en moyenne 33 % du montant des travaux qu’il reste à payer aux ménages très modestes".

En 2022, le reste-à-charge aurait même augmenté, en raison de la baisse des certificats d’économies d’énergie (CEE). "Dans ces conditions, ces ménages renoncent à mener des travaux ambitieux, ou pour s’attaquer à des logements énergivores et dégradés dans le cadre d’opérations de rénovation globales (pouvant afficher des devis de 70.000 euros)".

Ce que préconise la Fondation Abbé Pierre

Face à ce constat, la Fondation Abbé Pierre estiment qu'il faut "une remobilisation générale", "un changement de cap". Pour cela, elle préconise notamment de fixer de "grandes orientations", plutôt que de "complexifier la politique du logement".

Elle souhaite également, la production de 150.000 logements "vraiment sociaux" par an, la rénovation complète de 700.000 logements par an, éradiquer l'habitat indigne dans les 10 ans mais aussi, la revalorisation des APL, des minima sociaux et l'ouverture aux moins de 25 ans. Autre mesure: "le triplement du chèque énergie". Tout ceci pour permettre la mise en place d'une "sécurité sociale du logement garante du droit au logement de base, dans un contexte de fortes incertitudes".

La France compte 8,9 millions de personnes pauvres en 2020, touchant 13,9 % de la population. Et il ne faut pas oublier que selon l’Insee, 1,6 million de personnes concernées échappent aux statistiques. On compterait donc, non pas 8,9 mais 10,5 millions de personnes pauvres en France. Au lieu de s’y attaquer réellement, la politique fiscale et budgétaire conduite depuis cinq ans peine à y faire face, voire creuse les inégalités de revenus et de patrimoine, et s’en prend aux personnes les plus pauvres, au chômage ou mal-logées.

Les chiffres du mal-logement en France, selon la Fondation Abbé Pierre

  • 4.1 millions de personnes mal logées.
  • 1.098.000 personnes privées de logement personnel.
  • 2.819.000 personnes vivant dans des conditions de logement très difficiles.
  • 3.558.000 personnes modestes ayant eu froid pour des raisons liées à la précarité énergétique.
  • 1.123.000 de personnes occupent un logement dans une copropriété en difficulté.
  • 5.732.000 personnes en situation d'effort financier excessif.

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