Florian*, un résident de Cagnes-sur-Mer âgé de 24 ans, était loin de s’imaginer que son été 2025 allait être assombri par l'immobilisation de sa Citroën C3 lorsqu’il a réalisé, il y a désormais six mois, qu’il devait faire changer les airbags défectueux de son véhicule.
En découvrant par hasard, en début d’année, que les désormais fameux airbags Takata de sa voiture devaient être remplacés, il imaginait que le problème serait réglé en quelques semaines.
Toutefois, ne faisant pas partie, lors de notre premier entretien, des récipiendaires du fameux courrier l'informant du danger imminent, il n’était pas prioritaire… et ne l’est toujours pas.
C'est en consultant le site de Citroën, en janvier 2025, que le jeune homme a découvert que sa voiture était techniquement immobilisée par un "arrêté ministériel", nous explique-t-il par téléphone.
"Le souci, c’est que je n’ai même pas de traces d’un quelconque e-mail, je ne sais pas du tout quand je vais être pris en charge", déplore-t-il. “On m’a dit que si j’avais reçu le courrier, j'aurais été pris en charge plus rapidement.”
“D’ici trois à quatre mois…”
Depuis sa découverte, la réponse est invariablement: “Nous vous tiendrons au courant d’ici trois à quatre mois pour une prise en charge.” Mais cette immobilisation forcée a des conséquences directes sur la vie de Florian.
D’ores et déjà dépendant de ses collègues pour des déplacements professionnels qui le conduisent vers Nice chaque matin, il a été contraint de renoncer à ses projets personnels: "Sans même parler de mes vacances annulées, je comptais au moins partir voir mes parents cet été à Orléans. Mais j’ai trop peur d’utiliser ma voiture”, clame-t-il.
Citroën a refusé de lui louer un véhicule de remplacement, et son assurance lui a uniquement proposé d’entamer une "démarche juridique".
Face à cette inertie, Florian a finalement eu recours à une solution coûteuse, mais qui ne l’emmènera pas bien loin en cas de gros bagages à transporter: “J'ai très récemment acheté une moto pour pallier ce problème, mais je suis conscient que tout le monde ne peut pas se permettre ce genre d’alternative.”
Il insiste aussitôt: “De toute façon, se procurer un autre véhicule pour pouvoir remédier à un défaut de constructeur, ce n'est pas normal.”
La colère gronde chez les victimes du scandale Takata
Comme Florian, des milliers d’automobilistes français découvrent avec amertume que leur été est confisqué, sans qu’aucune issue ne leur soit clairement proposée.
“Je n’ai pas choisi d’être privé de ma liberté de bouger pendant des mois à cause d’un défaut constructeur. Acheter une deuxième voiture juste pour ça, ce n’est pas juste”, répète-t-il.
Le jour où nous réalisions cette interview en deux temps, le 18 juillet, est arrivé entre deux appels un courrier recommandé de Citroën, confirmant cette fois l’ordre, sans appel: voiture à l’arrêt… mais toujours pas de calendrier fiable.
“J’ai bien reçu la lettre, mais sans solution, c’est comme si on me disait: ‘Débrouillez-vous’. On m’a encore répondu au téléphone: ‘Ce sera peut-être demain, comme dans six mois’”
La situation se tend, à mesure que les “stop drive” et les récits de galères se multiplient. Après un accident mortel à Reims en juin, le gouvernement a exigé l’immobilisation immédiate de 800.000 véhicules supplémentaires, portant à 1,7 million le parc concerné.
Devant la lenteur des constructeurs, les actions collectives grossissent: “Un avocat m’a confirmé qu’ils étaient déjà 2.800 inscrits dans le Var. Je réfléchis à les rejoindre. Seul, je n’ai aucun poids”, confie Florian.
“Anarchie” et “gestion déraisonnée”
Les organisations de consommateurs, elles, passent à l’offensive. L’UFC-Que Choisir a lancé ce mardi 22 juillet la première action de groupe nationale contre Stellantis et Citroën pour réclamer une indemnisation “pour chaque jour d’immobilisation et pour préjudice moral, car on a transporté des familles dans des voitures piégées”.
L’association dénonce “l’anarchie” et la “gestion déraisonnée” des rappels imposés sans alternative sérieuse.
En attendant, la vie de Florian reste en suspens, entre angoisse d’utiliser sa voiture même pour aller au travail, et sentiment d’injustice. “Je ne demande pas grand-chose: juste rouler en sécurité et qu’on reconnaisse le préjudice qu’on subit tous les jours.”
*Le prénom a été changé
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