"On ne m’empêchera pas de travailler le 1er mai": malgré le risque des contrôles, les fleuristes et boulangers ouvriront leur boutique
Les boulangers et fleuristes demandent une dérogation pour pouvoir travailler comme les autres jours fériés. En face, certains syndicats freinent des quatre fers.
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Margot DasquePublié le 29/04/2025 à 07:15, mis à jour le 29/04/2025 à 07:15
Les boulangers et fleuristes demandent une dérogation pour pouvoir travailler comme les autres jours fériés. En face, certains syndicats freinent des quatre fers.Photo Justine Meddah
Tout sauf du repos! Voici ce que réclament certains artisans pour le 1er mai. Et pour cause: la journée internationale des travailleurs peut s’avérer particulièrement lucrative. "C’est là où on travaille le mieux. Les dimanches, les jours fériés… C’est normal, les gens ont davantage le temps, ils se font plaisir", analyse Nicușor dans la chaleur des poulets dorés de La Rôtisserie à Cagnes-sur-Mer.
Pourtant, l’autorisation d’ouvrir avec des salariés ne semble pas être d’actualité pour les boulangers et les fleuristes. Pour rappel, la loi les autorise à œuvrer seul, en tant que patron, sans faire appel à un employé. En cas de contrôle de l’inspection du travail, ils risquent une amende de 750 euros par collaborateur. Sauf que voilà, cette épée de Damoclès semble épargner quelques métiers… De quoi créer de la confusion comme l’explique Brigitte Pratensi qui tient AB coiffure depuis 25 ans. Seule dans son salon, elle ne fera ni coupe ni brushing le 1er mai. Mais elle s’interroge sur le traitement réservé à ses confrères artisans: "Je ne vois pas pourquoi on autoriserait le restaurateur à ouvrir et on sanctionnerait la boulangerie…"
"Nous boulangers, on n’est plus essentiels?"
Frédéric Roy non plus. Au 78 rue de France à Nice, il critique la suppression de la dérogation permettant à son équipe d’enfourner les croissants au lendemain du 30 avril. Et mettre la main à la pâte en solo, oui, c’est possible…: "Mais je n’aurai que 25% de la marchandise habituelle en rayon." Alors, il sera bel et bien sur le pont avec son épouse et son salarié - volontaire - histoire d’offrir une belle vitrine aux gourmands. Et en même temps, il vaut mieux si vous voulez profiter d’un peu de pain avec votre déjeuner… "Les restaurateurs seront ouverts, ils vont servir les clients. Nous fournissons une vingtaine d’établissements alors oui, nous ferons marcher notre four. Comme tous les jours", promet-on du côté du Fournil du Cros à Cagnes-sur-Mer. Même son de cloche dans la pâtisserie Au Rex, en face de la cité marchande. "Il y a des gens qui ont bien besoin de travailler, s’ils veulent le faire, pourquoi on les en empêche?", lance Sandrine Adenot derrière le comptoir bien garni. "On n’est plus essentiels maintenant?", ironise-t-elle en faisant référence à la période de la Covid, lorsque les boulangers ont été autorisés à ouvrir.
Deux sénateurs centristes ont déposé ce vendredi une proposition de loi visant à permettre aux salariés de certains établissements et services de travailler le 1er mai parmi lesquels les boulangers et les fleuristes. Le même jour, le tribunal de police de La Roche-sur-Yon a relaxé cinq boulangers qui avaient été verbalisés après avoir ouvert le 1er mai de l’année dernière. Interrogée sur la gronde nationale des professionnels de la baguette, la ministre Catherine Vautrin a déclaré sur France 2s’engager à "soutenir les initiatives parlementaires qui feront évoluer la loi". Sauf que voilà: elle ne peut pas interdire les contrôles, comme elle l’a rappelé au micro de Jean-Jacques Bourdin, sur Sud Radio.
"On nous pousse à vendre le muguet à la sauvette!"
La pâtisserie Au Rex à Cagnes-sur-Mer prépare le 1er mai: et ils comptent bien vous servir avec le sourire.Photo Justine Meddah.
Mais il n’y a pas que le pain qui se sent dans le pétrin…
"On nous pousse à faire de la vente à la sauvette en fait", traduit Bernadette devant son banc qu’elle occupe depuis six ans rue Jean-Raymond-Giacosa à Cagnes-sur-Mer. Alors ce 1er mai comme les autres, elle y sera pour vendre le muguet en famille. "Si on n’ouvre pas ce jour-là, c’est un comble", avance Jennifer Germain au Béal, dans sa boutique Le Jardin secret. Pendant qu’elle compose un bouquet, la fleuriste se désole: "C’est honteux. D’autant que si je me mets au bord de la route, je n’aurai pas de problème!" Une situation qu’elle juge ubuesque: "C’est comme si on nous poussait à faire du black. Alors qu’en ouvrant comme je vais le faire, je paie mes employés le double et j’assume les charges!" Double peine. D’autant que les petites clochettes ne tombent pas du ciel comme le rappelle Audrey Barelier de chez Roni Fleurs. "On commande deux mois à l’avance. Et on entend deux semaines avant le 1er mai que tout peut être remis en question ? Ce n’est pas possible. On va l’écouler, oui", siffle-t-elle. Inquiète, elle a contacté directement les représentants de sa profession. La convention collective des fleuristes encadre les huit jours fériés durant lesquels ils peuvent travailler. Alors, elle s’y référera en cas de visite d’inspecteurs du travail. "Et puis le muguet, c’est une tradition, on ne va pas la laisser se faire piétiner…"
Et ils seront nombreux à faire fi des risques d’amende jeudi. "Les clients nous en parlent, ils ne comprennent pas très bien pourquoi on serait fermés. Alors, oui, on les accueillera", promet Alizée de chez Groover & Cie au Cros-de-Cagnes. Idem pour Anaïs d’Orchidéa: "C’est bien beau, mais j’en fais quoi de mon stock? Et si on va plus loin, les producteurs aussi, ils vont devenir quoi?" La fleuriste de l’avenue de la Gare va se remonter les manches toute seule pour préparer le muguet. "Par contre il faudra que les gens se fassent à l’idée qu’il y aura de l’attente. Si tout le monde travaille tout seul, on ne va pas pouvoir faire de la magie: on n’a que deux bras!"
"Si l’artisan chôme un jour ce n’est pas très grave"
Pendant que de nombreux commerçants pointent du doigt l’attitude du gouvernement, deux syndicats patronaux sont montés au créneau. La CPME et l’U2P ont demandé à Matignon un droit de travailler le 1er mai avec une absence de sanction. Pour Nathalie Battin, responsable à la politique financière CGT de l’union départementale des Alpes-Maritimes, c’est un grand non: "Faire travailler des salariés ce n’est jamais pour les salariés. Je pense que si l’artisan chôme un jour ce n’est pas très grave. Tout ce qui n’est pas essentiel pour la population, comme les secours, etc., peut être arrêté un jour dans l’année."
Laurent Laubry, président de la CFE-CGC Alpes-Maritimes, ne compte pas laisser une marge de manœuvre: "Il n’est pas question de revenir sur ce jour férié chômé, c’est inconcevable. Même si ce n’est qu’une journée. En plus, c’est un symbole historique. Il y a des règles: pour les ouvertures dominicales aussi. Quand on estime que les dérogations sont acceptables, on émet un avis favorable. À partir du moment où l’on sort des règles, il ne sert plus à rien d’en avoir!" De son côté, le secrétaire général de Force ouvrière dans le département, Franck Hausner, résume: "Si on supprime le 1er mai, c’est le début du démantèlement des jours fériés. Le gouvernement sait qu’il doit s’attendre à une opposition terrible si le 1er mai chômé est remis en question, on rassemblerait autant si ce n’est plus de gens dans les rues!" Quoi qu’il en soit, le rendez-vous est donné: quatre rassemblements (1) sont organisés ce jeudi dans les Alpes-Maritimes pour faire entendre les revendications des étudiants, actifs et retraités. n
1. 10 heures au théâtre de verdure à Nice, 10 heures place De-Gaulle à Antibes, 10h30 parvis de la gare à Cannes, 10h30 jardin des plantes à Grasse.
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