C’est un retour émouvant pour Jean-Honoré Fragonard. Né à Grasse en 1732, l’artiste rococo connu pour ses scènes galantes, de genre et de paysages, revient dans sa ville natale à travers Les Traits du génie, une exposition présentant 62 œuvres de l’artiste et de sa famille, dont 59 issues du musée du Louvre, à voir jusqu’en octobre, au musée international de la parfumerie, à Grasse.
"C’est une exposition un peu particulière pour nous parce qu’on ne traite pas de parfumerie, mais on fait honneur à Jean-Honoré Fragonard", indique Laure Decomble, attachée de conservation et responsable scientifique des musées de Grasse.
Le parcours de l’exposition met en lumière toute la famille de Jean-Honoré Fragonard, dont son épouse, Marie-Anne, leur fils, Alexandre-Évariste, ainsi que sa belle-sœur et élève, Marguerite Gérard.
"On a voulu montrer que le talent ne quittait jamais cette famille", explique Xavier Salmon, conservateur général du patrimoine et directeur du département des arts graphiques du musée du Louvre, devant l’arbre généalogique de la famille.
Voyages initiatiques et formation du regard
"On attribue généralement les miniatures à Jean-Honoré Fragonard, mais on s’est rendu compte que certaines étaient peintes par son épouse (...) grâce à un travail d’analyse par macrophotographie, on comprend que la technique d’exécution n’est pas la même. D’un côté, vous avez un artiste qui pose de la matière comme un peintre, et de l’autre, quand on agrandit, on voit que c’est un travail pointilliste tout à fait caractéristique de la façon de travailler des miniaturistes", éclaire Xavier Salmon.
"Jean-Honoré Fragonard a eu l’occasion de voyager en Italie, mais également dans les Flandres et dans ce qu’on appelait les Provinces-Unies, l’actuel Royaume des Pays-Bas", rappelle Laure Decomble.
Ces voyages forment le regard de l’artiste, comme en témoignent les nombreuses études présentées. Des expériences qui seront déterminantes dans l’évolution de son style, son goût et sa technique. Lors de son premier voyage, en 1756, et grâce à son statut de pensionnaire de l’Académie de France à Rome, il étudie et dessine des modèles habillés de vêtements liturgiques.
"C’est un tissu qui fait des plis assez marqués et ça permet aux jeunes artistes de comprendre comment représenter des corps sous des étoffes, renseigne Xavier Salmon avant d’ajouter, souvent ces dessins d’études se ressemblaient beaucoup d’un élève à l’autre, mais Jean-Honoré Fragonard a une puissance dans le rendu qui le distingue de ses camarades."
Lors de ses voyages, le natif de Grasse s’essaie également aux copies d’œuvres de maîtres anciens, comme Rubens ou Michel-Ange. "On commence déjà à reconnaître sa patte, avec ses petits minois un peu fragonardesques", note Xavier Salmon.
S’il est reconnu pour ses paysages ou ses sujets légers, issus du quotidien, Jean-Honoré Fragonard savait aussi faire preuve d’une grande imagination, comme le lavis Ma chemise brûle! qui représente quatre femmes légèrement vêtues dans un décor de chambre à coucher.
Un artiste aux multiples facettes
La dernière salle est consacrée aux illustrations de Jean-Honoré Fragonard. "Jusqu’au bout de sa carrière, il a illustré certains ouvrages à travers des commandes, et parfois de sa propre initiative", commente Laure Decomble. Cinq exemplaires d’une série de portraits, faits à partir de pastel, des membres de la maison de Bourbon trônent face à de nombreux dessins d’illustration de l’ouvrage d’Aristote, le Roland Furieux.
Les Traits du génie, en plus d’être un retour aux sources pour Jean-Honoré Fragonard, révèle l’intimité créative d’un artiste complet, à la fois dessinateur, observateur et conteur.
Près de trois siècles après sa naissance à Grasse, Jean-Honoré Fragonard continue de surprendre par son trait et son regard. Une exposition qui, à l’image du peintre, sait concilier profondeur historique et légèreté provençale.
À voir jusqu’au 26 octobre, au musée international de la parfumerie, à Grasse. Entre 3 et 6 euros. museesdegrasse.com
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