Ils replantent la posidonie arrachée par les ancres des plaisanciers le long de la Côte d'Azur
Le long des côtes des Alpes-Maritimes et du Var, des centaines d'hectares de ces forêts sous-marines ont été ravagées par les ancres des bateaux. Dans les zones les plus touchées des Alpes-Maritimes, des jardiniers sous-marins de l'opération Repic, replantent ces herbiers essentiels à la Méditerranée.
Sophie CasalsPublié le 18/07/2024 à 09:10, mis à jour le 18/07/2024 à 09:10
video
A 18 mètres de profondeur, devant l'entrée du port de Beaulieu, ils tentent de réparer les dégâts causés par l'Homme. Anouk, Jo-Ann, Sébastien, Matthieu… repiquent des fragments de posidonie là où elle a été arrachée.
A la surface, en cette après-midi estivale, jet-ski, yachts, hors-bord se croisent sur l'un des plans d'eau les plus prisés de la Côte d'Azur, entre Eze-sur-mer et la pointe Sainte-Hospice du Cap Ferrat.
Sous l'eau, le spectacle est tout autre.
"Quand on plonge, c'est apocalyptique, témoigne Sébastien Personnic. Les herbiers sont ravagés, couchés par terre. Or on sait que ce qui est détruit, ça représente des dizaines d'années de pousse et de vie. Tout ça juste à cause d'une ancre jetée au fond."
Alors, depuis 5 ans maintenant, la petite équipe d'Andromède Océanologie s'est lancée dans l'opération de restauration "Repic".
Ces jardiniers de la mer se livrent à un véritable travail de fourmi. De juin à septembre, ils plongent à Beaulieu-sur-mer, Villefranche-sur-mer et Golfe Juan pour replanter. Petit à petit.
Récolter les fragments et les repiquer
"On récupère les fragments dans les zones où la pression d'ancrage est terrible. Nous les remontons dans des filets." Puis, à l'arrière du Victoria, le catamaran qui leur sert de camp de base, ils enroulent, autour des rhizomes des posidonies, de fines tiges.
"Elles sont faites dans une ferraille un peu particulière qui se désagrège au fur et à mesure et disparaît au bout de dix ans."
Des agrafes sont enroulées autour des tiges des fragments arrachés, pour qu'ils puissent se réancrer dans les fonds et repousser.Photo Franck Fernandes.
Une fois cette étape accomplie, ils plongent avec des caisses remplies de ces fragments "équipés" d'agrafes pour les replanter dans la matte morte.
"La matte morte, c'est ce qui reste quand la posidonie a été arrachée, c'est un agglomérat de racines et de sédiments qui s'est fait sur des années et stocke le carbone. On a parfois jusqu'à six mètres de profondeur.
"On aide la plante à se réancrer dans le substrat et à reprendre des racines toute seule pour avoir d'ici 60 ans, un herbier digne de ce nom." Jo-Ann Schies
Depuis qu'ils ont démarré, en 2019 à Golfe Juan, les plongeurs ont fait évoluer leurs méthodes et le rythme de plantation s'est accru. "En une campagne l'année dernière, on a planté autant que les 4 années précédentes," se réjouit Jo-Ann Schies.
Au total, ce sont plus de 2000 m² qui ont été restaurés.
Des résultats encourageants, mais...
Les plongeurs de l'opération Repic, replantent la posidonies, dans les fonds au large du port de Beaulieu-sur-mer.Photo Sébastien Personnic-Andromède Océanologie.
Ces plantations sont suivies de près. "On fait de la photo sous-marine très précise, pour voir au cm près ce qu'il se passe. On procède aussi à des comptages pour regarder d'année en année si on a toujours autant de fragments, s'il y a plus de feuilles."
Les biologistes analysent les réserves énergétiques de la plante, dans le rhizome (les tiges), pour voir si elle est capable de repousser.
"C'est là dans les branches de la plante qu'elle stocke le sucre, et tout ce qui lui permet de croître."
En cinq ans, les résultats sont encourageants.
On a un taux de survie entre 75 et 80% avec une très bonne reprise sur les zones à moins 20 mètres de profondeur.
Mais, nuance la biologiste marin, la restauration ne permettra pas de compenser les dégâts causés sur les forêts sous-marines.
Champs de posidonies replantés.Photo Sébastien Personnic-Androméde Océanologie.
L'urgence d'arrêter la destruction
"On est capable de donner un coup de pouce à la nature mais il faudra des décennies pour que les herbiers repoussent." Elle rappelle l'urgence d'arrêter de détruire. Et donc de jeter son ancre dans des herbiers.
Pour préserver le poumon de la Méditerranée, elle invite plaisanciers, pêcheurs, plongeurs à télécharger l'application gratuite Donia, créée par Andromède océanologie.
"Elle donne accès à une cartographie des herbiers et permet ainsi de mouiller en dehors des zones de posidonie."
Pour sensibiliser les plaisanciers, elle avance 2 chiffres: "Avec l'application Donia, on protège de la destruction plus de 120 hectares, et avec Repic on a replanté 2000 m2 en 5 ans."
Jo-Ann Schies, biologiste marin, chef de projets chez Andromède Océanologie.Photo Franck Fernandes.
Des herbiers valorisés à 46 milliards d'euros par an
On trouve la posidonie devant toutes les côtes de la Méditerranée, entre zéro et 40 m de profondeur. Elle représente de véritables forêts sous-marines. "Elles fixent les fonds grâce au lacis imputrescible de leurs tiges (rhizomes) rampantes ou dressées qui s'élèvent lentement : un mètre par siècle", explique Alexandre Meinesz.
Elles stockent le carbone, trois fois plus qu'une forêt tropicale ou tempérée. Et ce n'est pas le seul service rendu par cette plante.
Elle protège le littoral contre l’érosion, produit de l'oxygène, sert de nurserie pour de nombreuses espèces de poissons, purifie l'eau par filtration…
La valeur économique des services rendus par les herbiers de Posidonie en France a été estimée à plus de 46 milliards d’euros par an au minimum pour l’herbier vivant (79 852 ha) en France.
Actuellement, 7 670 ha d’herbiers à posidonie morts (ou "matte morte") ont été cartographiés le long des côtes françaises, soit une perte évaluée à 4,5 milliards d’euros chaque année.
Les herbiers sont, à l’échelle mondiale, l’un des groupes d’écosystèmes dont la valeur économique est la plus élevée: 10 fois plus que les forêts tropicales.
Vous pouvez le désactiver pour soutenir la rédaction du groupe
Nice-Matin qui travaille tous les jours pour vous délivrer une
information de qualité et vous raconter l'actualité de la Côte d'Azur
Et nous, on s'engage à réduire les formats publicitaires
ressentis comme intrusifs.
Si vous souhaitez conserver votre Adblock vous pouvez regarder une seule publicité vidéo
afin de débloquer l'accès au site lors de votre session
Nous avons besoin de vos cookies pour vous offrir une expérience de lecture optimale et vous proposer des publicités personnalisées.
Accepter les cookies, c’est permettre grâce aux revenus complémentaires de soutenir le travail de nos 180 journalistes qui veillent au quotidien à vous offrir une information de qualité et diversifiée. Ainsi, vous pourrez accéder librement au site.
Vous pouvez choisir de refuser les cookies en vous connectant ou en vous abonnant.
commentaires