"Le multiculturalisme a toujours fait partie de nos métiers": en tension, l’hôtellerie-restauration souhaiterait faciliter l'embauche de main-d’œuvre étrangère
Malgré une politique d’immigration restrictive, l’embauche d’une main-d’œuvre étrangère devrait être facilitée dans l’hôtellerie et la restauration.
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Julie Baudin et Virginie RabissePublié le 05/03/2025 à 08:07, mis à jour le 05/03/2025 à 12:32
C’est un sujet sensible. Mais qui reste pragmatique pour tout une profession.
Confronté depuis quelques années à une pénurie de main-d’œuvre sur certains métiers, le secteur de l’hôtellerie et de la restauration souhaite voir faciliter l’embauche de la main-d’œuvre étrangère déjà présente sur le territoire et désireuse de travailler.
Alors même que le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a demandé aux préfets de serrer la vis en matière d’octrois de titres de séjour, c’est le combat que mène depuis quelque temps l’Umih (Union des Métiers de l’Hôtellerie-Restauration).
Son président, le chef Thierry Marx, ainsi que son vice-président, le Niçois Eric Abihssira, ne cessent de plaider pour que leur secteur soit épargné par la politique plus restrictive en matière d’immigration.
Retailleau veut donner "une impulsion politique"
Et l’idée semble faire son chemin. Il y a quelques jours, Eric Abihssira a été saisi par courrier par Bruno Retailleau pour plancher sur le sujet en relation avec les services de la préfecture.
"Dans cette lettre, le ministre explique vouloir donner une impulsion politique. Il doit adresser dans les prochaines semaines une circulaire aux préfets de région afin qu'ils mobilisent localement des acteurs de l'emploi et de la formation."
"Une belle avancée, mais insuffisante"
Il y a une dizaine de jours, un premier pas avait déjà été franchi: le secteur de l’hôtellerie-restauration est désormais inscrit sur la liste des 80 métiers en tension où figurent aussi le BTP et les services à la personne. Il ne l’était pas dans la précédente mouture datée de 2021.
Pour les employeurs, c’est crucial. Le ministère de l’Intérieur ayant recentré les régularisations par le travail sur les seuls métiers en tension.
Pour l’Umih, c’est une belle avancée, mais elle reste insuffisante. "Car il y a des trous dans la raquette, explique Eric Abihssira qui est aussi, outre ses fonctions nationales, le président de l’Umih Nice Azur et Haut Pays. Il s’agit seulement de certains types de métiers de la filière, en fonction des régions. Comme le secteur agricole, nous demandons un arrêté ministériel spécifique pour que tous les métiers essentiels de l’hôtellerie et de la restauration soient systématiquement reconnus en tension et partout en France métropolitaine".
Un élément indispensable pour la profession afin de simplifier les démarches administratives et garantir ainsi une politique de recrutement et de formation plus cohérente et efficace dans le secteur. Et retrouver des bras sur le long terme.
Emmeline Noël, DRH du Crowne Plaza à Nice, confirme: "Nous avons du mal à recruter sur tous les postes opérationnels, en restauration surtout. Commis de cuisine, serveurs, c’est compliqué de trouver et quand on a des CV, on fait face à des personnes qui sont peu investies… Alors la main-d’œuvre qu’on ne trouve pas ici, il faut bien aller la chercher ailleurs. Ce sont souvent des profils motivés. Administrativement il faut faciliter les choses pour pouvoir les recruter."
"Il faut faciliter les choses"
"Sur 175 collaborateurs, 30% sont d’origine étrangère complète Bruno Mercadal du Royal Riviera Hôtel à Saint-Jean-Cap-Ferrat. Le multiculturalisme a toujours fait partie de nos métiers. Ce sont des gens investis et motivés, prêts à travailler. Il faut faciliter les choses."
Même son de cloche chez ce restaurateur niçois: "Quand on passe une annonce, on n’a pas beaucoup de candidats. Ceux qui se présentent, il arrive parfois qu’ils n’aient pas les bons papiers. Quelqu’un qui est motivé et qui donne satisfaction, ce n’est pas tous les jours qu’on en a. Je ne vois pas où est le problème quand on donne l’autorisation de rester en France à un étranger qui travaille. Ou qui vient d’arriver et qui veut travailler."
Eric Abihssira, vice-président de l’Umih national et président de l’Umih Nice.
photo J. M.Photo NM.
"Les préfets vont réunir les professionnels"
Entretien avec Eric Abihssira, président de l’Umih Nice Azur et Haut Pays.
Quelle est la situation en matière de pénurie de main-d'œuvre?
Après la Covid, beaucoup de nos collaborateurs ont choisi de quitter nos métiers. On sent à nouveau, depuis l’année dernière, un engouement pour ces professions, de la part des jeunes comme des seniors. Il n’y a qu’à voir la fréquentation de notre 4e forum pour l’emploi dans notre branche. Ce mardi à Nice, nous avons eu plus de 1.700 visiteurs en une matinée. Mais ces métiers restent en tension: chaque année, au niveau national, il nous manque 200.000 collaborateurs, tous métiers confondus.
Ça change quoi d’être reconnu "métier en tension"?
Nous avons œuvré pour cela avec Thierry Marx. Toutefois, la déclinaison par métier et par région ne nous donne pas satisfaction. Pour notre région, il manque notamment, dans cette liste, l’inscription des métiers de serveurs, chefs cuisiniers et de maîtres d’hôtel. Nous demandons donc que tous les métiers de la branche soient visés, et dans l’ensemble des régions. Nos propos ne sont pas de s’immiscer dans la politique migratoire de notre pays, mais de permettre à des ressortissants étrangers, déjà présents sur le sol français en toute légalité, d’embrasser nos métiers.
Comment faciliter l’embauche de cette main-d’œuvre étrangère?
Notre rôle n’est pas de jouer les facilitateurs. Nous allons avoir deux missions: une proposition d’emploi pérenne mais aussi de la formation sur un cycle court que nous allons mener avec les équipes de France Travail.
Est-ce le moyen de trouver de la main-d’œuvre à bas coût?
C’est souvent le reproche sous-entendu qu’on nous fait. C’est non. Nous avons une convention collective nationale avec une grille de salaires et nos salariés étrangers sont payés dans les mêmes conditions que les salariés français.
Vous alertez aussi sur le problème des travailleurs étrangers en situation régulière dont le titre de séjour arrive à terme.
On a parfois du mal à obtenir le renouvellement de leurs papiers et nous devons donc licencier ces personnes. Nous les avons pourtant formées, elles donnent satisfaction à nos entreprises, elles paient des impôts, travaillent dans la légalité, et se retrouvent sur le bord de la route, parfois avec des familles à charge. C’est un problème économique mais aussi humain. Nous réclamons donc également un processus de simplification pour les détenteurs de titres de séjour en fin de droits.
Les prochaines étapes?
Le ministre de l’Intérieur a demandé que les préfets réunissent dans les semaines qui viennent les professionnels du secteur autour d’une table pour pouvoir accélérer les recrutements. Le processus de discussion va s’engager et nous en saurons plus dans les semaines qui viennent. Il faudra être efficace. Nous ne voulons pas nous retrouver devant un effet d’annonce et faire face à des difficultés administratives quand nous voudrons recruter.
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