Lundi
La parole est à la défense. Ce soir, Éric Dupond-Moretti signe son retour sur la pointe des pieds. Pas dans un prétoire, encore moins dans un meeting politique, mais sur les planches d’Anthea, à Antibes. Après y avoir répété ces derniers jours le spectacle qu’il jouera à partir de samedi à Paris, l’ex-ténor du barreau se lance en public. Décor minimaliste, mise en scène sobre signée Philippe Lellouche : Éric Dupond-Moretti revient durant 1 h 30 sur son expérience de ministre. Alternant humour, sérieux et autodérision, il révèle les coulisses de sa nomination, raconte ses premiers pas, fait visiter son bureau. Au fil des minutes, le ton se fait moins léger. Aux petites piques succèdent les grandes banderilles. Dupond-Moretti attaque. Les magistrats qui lui ont déclaré la guerre dès la première seconde. Ceux qui l’ont conduit devant la Cour de justice de la République, qui prononcera sa relaxe. Les coups pleuvent, les oreilles sifflent. Acquittator s’est mué en Accusator.
Mardi
Tabarot l’affranchi. Déjeuner avec Philippe Tabarot au ministère des Transports. Comme un poisson dans l’eau, l’Azuréen donne l’impression de faire partie des meubles. Incollable sur tous les projets d’infrastructures et la situation de la moindre petite ligne SNCF, l’ex-sénateur LR des Alpes-Maritimes trace sa route sans états d’âme. « Tout le monde sait que je ne suis pas un macroniste de la première heure ! Mais après cette dissolution qui a tout changé, il fallait penser au pays et empêcher le Titanic de couler. » Très à l’aise auprès de François Bayrou qui lui « fait confiance » et lui laisse « une grande liberté d’action », Philippe Tabarot s’est affranchi des étiquettes et des clivages. Au point de s’être découvert de réelles affinités avec son ministre de tutelle, le socialiste François Rebsamen. « C’est un plaisir de travailler avec lui. C’est un élu local qui connaît les territoires. On mène même des combats ensemble », assure Philippe Tabarot, presque surpris de voir se lever aussi vite les barrières partisanes.
Mercredi
Bernard Arnault & compagnie. On aurait tort de voir dans les propos de Bernard Arnault le simple courroux d’un milliardaire irrité de devoir lâcher quelques centaines de millions supplémentaires au fisc. En pointant le risque de voir l’économie française dégringoler un peu plus et ses fleurons déserter notre pays, l’homme le plus puissant de France ne prêche pas uniquement pour sa paroisse. Il se fait le porte-voix de ceux qui créent de l’emploi et de la valeur dans l’Hexagone. Des entreprises du CAC 40 jusqu’aux PME du Var, tous se disent découragés par le poids de plus en plus fort de la fiscalité et des normes. Un « cauchemar » dénoncé deux jours avant Bernard Arnault par Florent Menegaux, le patron de Michelin. « Quand un employeur paie 100 euros de salaire brut, cela lui coûte 142 euros, alors que le salarié touche 77,5 euros ». On comprend qu’à ce tarif, les entreprises hésitent à embaucher, condamnant la plupart des Français à rester à la porte de l’emploi ou voir leurs revenus stagner. Si en plus, les fleurons de notre économie commencent à se mettre en tête de quitter la France, on imagine à peu près ce qui nous attend…
Jeudi
Manu au PMU. Pas une caméra. Pas un conseiller. Pas même un coup de fil pour prévenir de son arrivée. Comme il aime désormais le faire en marge de ses déplacements, Emmanuel Macron s’est arrêté ce matin au « Café du marché », place Décamp à Hirson (Aisne), au lendemain d’un déplacement dans le Nord. Soucieux d’établir un contact direct avec les Français, le président de la République s’est accoudé au comptoir, a commandé un café et un jeu de grattage. « Raymond, mets-moi un kawa et un Astro ! » Si on a un peu de mal à imaginer le chef de l’État se comporter comme un client lambda, on peut percevoir à travers ces arrêts impromptus au PMU l’envie, chez un homme isolé par huit ans de pouvoir, de s’offrir quelques bouffées de vie normale. Peut-être aussi de tout plaquer en décrochant le gros lot au grattage, rêvant de s’entendre dire comme dans la pub du Loto : « Au revoir, président ! »
Vendredi
Impasse culture. Encore une conséquence de l’impasse budgétaire qui paralyse le pays. Annoncé sans crier gare au beau milieu de l’année scolaire, le coup de rabot sur la part collective du Pass culture va priver des centaines de milliers d’élèves de sorties culturelles (théâtre, musée, cinéma…) auxquelles beaucoup, notamment parmi les plus défavorisés, ne peuvent avoir accès sans ce dispositif. Finies aussi les interventions des journalistes dans le cadre des opérations d’éducation aux médias, qui permettent de lutter efficacement contre la désinformation et la propagation des fake news. Vent de panique du côté des établissements, pétitions du côté des enseignants : ces restrictions vont pénaliser les élèves et priver de nombreuses structures culturelles de revenus pourtant indispensables. Du grand art.
Samedi
Quand l’armée déserte la France. À Calais, l’usine Marck & Balsan qui confectionne des uniformes pour l’armée française depuis un quart de siècle s’apprête à mettre la clé sous la porte et à licencier ses 65 employés. La Grande Muette ayant mis fin au contrat, la production des tenues militaires, notamment celles utilisées pour le défilé du 14-Juillet, sera bientôt confiée à une autre entreprise française. Problème : celle-ci, qui emploie la majorité de ses salariés à l’étranger, a délocalisé une partie de sa production à Madagascar. « Ni l’État, ni le cabinet du ministre, ni le ministre lui-même, qui avait été sollicité, n’ont trouvé de solution », déplore la maire de Calais, Natacha Bouchart. Le made in France a décidément du plomb dans l’aile.
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