"Tu me casses les c..."
Éclats de voix et claquage de porte. Depuis quelques semaines, la tension est montée d’un cran au sein des instances consulaires. Il y a du rififi dans l’air à la Chambre de commerce et d’industrie Nice Côte d’Azur. Sur fond d’échéances électorales. Mais pas forcément celles de la chambre. Le scrutin a été reporté d’un an. Pas uniquement sur la Côte d’Azur d’ailleurs. La direction générale des entreprises a renvoyé en 2027 le rendez-vous qui était prévu en octobre 2026. Le temps de "nettoyer les fichiers" des entreprises appelées à élire leurs représentants au sein des 122 chambres de commerce et d’industrie... et "d’éliminer les doublons" avec les chambres des métiers et de l’artisanat.
Certains, comme Philippe Renaudi, président de la CCI régionale, y voient les prémices d’une réforme en gestation au niveau national. "Ce gouvernement en quête d’économies pourrait bien décider de regrouper les deux institutions." L’instance nationale, CCI France, vient d’ailleurs de "voter pour à 96% en faveur de la fusion", souligne Philippe Renaudi qui siège aussi au sein de la CCI Nice Côte d’Azur. Sa dernière assemblée générale s’est d’ailleurs tenue dans un climat pour le moins tendu le 7 juillet dernier.
La passe d’armes des présidents
La réunion des élus azuréens a été marquée par une passe d’armes entre Philippe Renaudi et le président de la chambre niçoise, Jean-Pierre Savarino. Rien ne va plus entre les deux hommes forts du patronat azuréen qui semblaient jusque-là former un parfait tandem. La conséquence de l’attribution toute récente de la gestion du port de Saint-Laurent-du-Var à la CCI Nice Côte d’Azur? Une délégation de service publique (DSP) à laquelle le groupe Renaudi avait également candidaté. Les deux "amis" s’étaient ainsi retrouvés en concurrence. De quoi nourrir certaines rancœurs? Philippe Renaudi s’en défend.
Pour lui c’est "un problème de philosophie" qui l’oppose au président Savarino. "Il y a ceux qui comme moi estiment nécessaire de faire des économies au sein des chambres consulaires pour éviter que l’État ne le fasse à notre place en réformant, voire en fusionnant nos institutions. Et ceux qui, comme lui, pensent que la solution passe par la recherche de nouvelles ressources au travers, notamment, de la multiplication des délégations de service public, quitte à concurrencer au passage les entreprises privées du territoire", souligne le président de la chambre régionale qui, au-delà du port de Saint-Laurent, pointe l’exemple des aéroports de Normandie qui viennent de tomber aux mains d’un groupement réunissant... les CCI d’Aix-Marseille et de Brest!
Philippe Renaudi dénonce une entorse au "Small Business Act" que prône pourtant la CCI de Nice, au nom de la protection des entreprises locales. Tout ça pour continuer à "financer le mammouth", ironise un élu consulaire qui pointe l’effectif pléthorique de la chambre. Plus de 350 permanents et une flopée de directeurs dont les élus seraient devenus les "otages".
Réunion de bureau houleuse
C’est d’ailleurs, à grand trait, l’objet d’une autre prise de bec qui avait déjà eu lieu quelques jours plus tôt. Au sein même de la garde rapprochée du président Savarino, cette fois. La réunion de bureau qui s’est tenue le lundi 16 juin a été, elle aussi, pour le moins houleuse. Il y était question de la visite d’un membre du gouvernement monégasque au campus des métiers trois jours plus tôt. "Visite ratée" pour Cédric Messina qui ne mâche pas ses mots. Le vice-président de la CCI désespère de n’avoir pas de droit de regard sur les frais de la chambre, ni même le recrutement de ses directeurs. Une "gestion d’un autre temps", à ses yeux.
Jean-Pierre Savarino le prend pour lui. Fait valoir ses galons de président. Mais n’arrive pas, pour autant, à faire taire l’impétueux. Il se lève. Laurent Lashkar aurait été obligé de s’interposer. "Ce n’est pas à mon âge que je vais faire la bagarre", assure l’intéressé qui aurait tout de même claqué la porte du bureau. Tout comme le fera à son tour l’emblématique patronne cannoise Anny Courtade, lors de l’assemblée générale du 7 juillet. Elle, ce sont les 44 millions d’euros d’indemnités réclamées par la CCI à la cité des Festivals qu’elle a du mal à digérer.
Pour autant, la fronde de Philippe Renaudi ne fait guère d’autres émules. Cédric Messina ne s’est d’ailleurs pas rallié à sa cause ce jour-là. Renverser la table, et le président Savarino avec, n’est pas son but, assure-t-il. Ces deux-là ont d’ailleurs depuis renoué depuis. "Cela fait partie des petites explications qui font avancer les choses", relativise Messina qui en vient même à espérer que "les tensions actuelles deviennent l’occasion de reconstruire une véritable unité entrepreneuriale au sein de ce territoire". "Indépendante et affranchie de toutes contingences politiques", ajoute-t-il.
"Il n’y a pas le feu à la maison" pour le président Savarino
S’il nie toute altercation physique avec son vice-président, Jean-Pierre Savarino reconnaît avoir eu un échange "assez vif" avec Cédric Messina. "L’expression de la démocratie", selon lui, où "chacun a le droit d’exprimer son point de vue". Même s’il entend bien défendre le sien, et son bilan, face à un Philippe Renaudi, président de la chambre régionale et élu de la CCI Nice Côte d’Azur, qui lui reproche une course aux délégations de services public, au détriment parfois des entreprises locales.
"Gérer les infrastructures portuaires et aéroportuaires fait partie des missions des chambres, inscrites au code du commerce, rappelle le président Savarino. Chiffres à l’appui: « Les CCI gèrent 120 ports en France, 53 aéroports, 62 zones d’activités... Et la nôtre gère des ports depuis une centaine d’années."
Une activité directe à laquelle il ne compte pas renoncer et qui, selon lui, serait source de croissance pour le tissu économique local. "Nous passons chaque année commande à plus de 700 entreprises, locales pour plus de 75% d’entre elles, ce qui génère entre 20 et 40 millions d’euros. Sans avoir à verser de dividendes, puisque nous n’avons pas d’actionnaires à rémunérer. Ce que nous gagnons, nous le réinvestissons dans nos activités", s’enorgueillit le président Savarino qui met plutôt la réaction d’humeur de son "ami" Philippe Renaudi lors de la dernière assemblée générale sur le compte de la "frustration". Celle "légitime" de ne pas avoir remporté la DSP du port de Saint-Laurent-du-Var.
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