"Oui à la concurrence, mais à armes égales": le regard du patron de Coopérative U sur les évolutions de la grande distribution

Dominique Schelcher, le discret patron de Coopérative U (1.800 magasins en France, 34,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2024), nous parle de la stratégie d’un groupe où l’U...nion fait la force, face à une concurrence pas toujours loyale, dans un contexte politique incertain.

Vous inaugurez un 58e magasin U dans les Alpes-Maritimes, portant à plus de 1.800 le nombre de vos enseignes sur le territoire national. Est-ce représentatif de la dynamique de U?

Le Super U de Nice Caucade est issu d’un partenariat public-privé inédit avec la Ville de Nice, que nous remercions, laquelle a permis sa sortie de terre 11 ans après les premières discussions. Ce nouveau magasin illustre en effet notre dynamique de développement. Là où certains de nos concurrents ferment des rayons voire des magasins entiers, nous, nous en ouvrons de nouveaux aux quatre coins de la France. Ce magasin vient en remplacement d’un U Express situé sur le même boulevard. De 700m² nous passons à 2300 avec 200 places de parking, un drive, etc. Nous étions un peu des "marchands d’oublis", nous pouvons désormais être le magasin principal pour les courses alimentaires.

Pour capter la clientèle de concurrents comme Leclerc et Carrefour, situés dans la plaine du Var?

Oui. Pour éviter aux clients de faire des kilomètres superflus. D’autant que nous nous sommes recentrés sur l’alimentaire, les métiers du frais, la préparation sur place. A Caucade, seuls deux rayons sont consacrés au non-alimentaire.

Vous avez récemment parlé de dé-commercialisation de la France, de concurrence pas toujours loyale. Est-ce la raison de ce recentrage sur l’alimentaire?

Dans les centres-villes on observe 10% de vacance commerciale, 15% dans les quartiers prioritaires. Les petits commerces ferment les uns après les autres. Essentiellement à cause d’une concurrence grandissante des sites e-commerces étrangers, sur le textile notamment, plus largement sur le non-alimentaire. Avec des produits, qui, en majorité, ne sont pas conformes aux normes imposées en France. Dans la grande distribution, nous subissons également cette concurrence étrangère. Des enseignes comme Lidl ou Action se fournissent au niveau international, alors que les acteurs "traditionnels" sont pointés du doigt lorsqu’ils s’organisent pour acheter eux aussi au niveau européen. Nous disons oui à la concurrence, mais à armes égales.

Tout ceci n’est-il pas poussé par une baisse du pouvoir d’achat des Français?

Certainement. Et nous avons à cœur de le défendre. Vous pourrez constater que le Super U Nice Caucade est par exemple le supermarché le moins cher de Nice.

Quel regard portez-vous sur la politique menée par le gouvernement dans le contexte économique que l’on sait?

La consommation tient depuis le début de l’année, mais les incertitudes du contexte ne sont ni bonnes pour la confiance des ménages, qui est très faible voire inexistante en cette rentrée, ni pour le monde économique qui fait preuve d’une grande prudence. Nous allons suivre de près les évolutions de la situation politique sur la consommation des Français.

Le slogan de U depuis 2018 est "Commerçants autrement". Qu’est-ce que cela signifie aujourd’hui?

Notre marque de fabrique, c’est la proximité. Avec nos clients, avec les producteurs mais aussi avec les acteurs de la vie locale, les associations sportives et culturelles notamment. L’idée ce n’est pas juste d’être un supermarché, c’est d’être un lieu de vie.

Chaque patron de magasin U est indépendant mais exerce en plus, une mission dans le groupe. Stratégique?

C’est ce qui fait notre force. Moi-même, je possède mon propre magasin en Alsace dans lequel je me rends chaque fin de semaine. A Nice Caucade, Clément Bourassin est le patron, et, au sein du groupe il a la mission de développer les magasins en Paca. C’est ce qui fait prendre au groupe des décisions qui collent au terrain. Fidéliser un client, c’est répondre à ses besoins. Pour cela, il faut les connaître. Les vivre au plus près.

La marque distributeur est-elle un atout indispensable?

Nos clients sont attachés à certaines marques que nous devons avoir en rayon. Pendant la période inflationniste, il est vrai que leur choix s’est souvent porté sur les produits de notre marque U, 20 à 30% moins chers et fabriqués à 80% par des PME françaises. Une large gamme de notre marque U est labellisée Bleu-Blanc-Cœur, un label qui répond au bien-être animal, à la juste rémunération du producteur, à la qualité produit, à la santé du consommateur. Ces engagements-là sont très fidélisants.

Quels axes de développement le groupe Coopérative U a-t-il dans le viseur?

Nous travaillons en permanence à nous améliorer. En investissant. Entre les rénovations de magasins, les systèmes logistique et informatique, nous ne sommes pas loin du milliard d’euros d’investissement chaque année. Nous souhaitons nous emparer des nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle pour améliorer les commandes, les stocks, être plus précis, faciliter le travail des équipes, etc. Et développer le Drive. Nous visons cette année 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires sur cet axe (contre 1,4 milliard d’euros en 2024). L’idée est toujours de démontrer qu’être "Commerçants autrement" est pour nous une vraie philosophie, pas juste un slogan.