Tribune. Jérôme Chartier: "En revenant de l’Unoc 3"

TRIBUNE. Jérôme Chartier est secrétaire général de la Fondation Albédo pour la Cryosphère.

D.C. Publié le 13/07/2025 à 11:05, mis à jour le 13/07/2025 à 15:44
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Henry Dunant, bouleversé par le chaos humanitaire de Solférino, publia en 1862 Un souvenir de Solférino, inspirant la création de la Croix-Rouge. Un mois après la 3eᵉConférence des Nations unies sur l’océan (Unoc 3) à Nice, on ne peut qu’être frappé par l’urgence d’agir pour une planète en péril.

La conférence a mobilisé le grand public. Politiques, entrepreneurs, scientifiques, artistes y ont témoigné. L’immense espace La Baleine et ses pavillons de pédagogie et d’alerte a été un rassemblement unique surclassant tous les événements mondiaux. Sur le pavillon de la Cryosphère, organisé par la fondation Albédo pour la Cryosphère, nous avons accueilli plus de 50 000 visiteurs, organisé 107 conférences avec les meilleurs connaisseurs des pôles et des glaciers au monde.

Un effet sans précédent pour mobiliser les consciences. Et pourtant, l’essentiel n’est pas résolu : qui fera appliquer les décisions nécessaires pour sauvegarder la vie humaine sur la planète ? La pédagogie et la bonne volonté ne suffisent plus : il faut une gouvernance internationale qui aille au-delà des déclarations d’intention. Et rien n’existe. Aujourd’hui, la gouvernance environnementale est éclatée, soumise aux enjeux nationaux et aux cycles électoraux.

Litanie de promesses non contraignantes

Certes, depuis trente ans, les Cop climat réunissent tous les pays. Mais avec leur présidence tournante et des engagements volontaires rarement tenus, elles ne produisent qu’une litanie de promesses non contraignantes et aussitôt reniées. Faute de continuité et d’autorité, après chaque Cop, les émissions continuent d’augmenter et la planète de se réchauffer. La Cop29 s’est soldée par un échec de la mobilisation et par des engagements dérisoires, faisant maintenant douter de la capacité de ce processus à infléchir le réchauffement.

Il y a vingt-trois ans, Jacques Chirac lançait : "Notre maison brûle et nous regardons ailleurs." Il avait lancé des idées majeures, dont le fameux "principe de précaution environnemental". Deux décennies plus tard, la maison brûle toujours, et le "principe de précaution" a été détourné de son objet afin de freiner toute audace et toute invention pour réparer le climat, alors que l’urgence exigerait l’inverse. L’humanité n’a jamais progressé par l’immobilisme et la régression : protéger la planète passera par la créativité et l’originalité, qui sont la source du progrès humain. Mais sans instance permanente pour imposer les décisions, stimuler l’invention, chaque avancée restera toujours précaire, et parfois illusoire.

L’Antarctique, lueur d’espoir

Alors on doit avancer l’idée d’une gouvernance internationale environnementale pour sauver la planète. C’est maintenant et c’est majeur. Utopie ? L’exemple de l’Antarctique offre une lueur d’espoir.

Depuis 1959, un traité a remplacé les souverainetés nationales au profit d’une gestion commune. Aucune nation n’y plante son drapeau : l’Antarctique appartient à la science et à la paix. Grâce à une coopération internationale et à des décisions de concorde, la protection de l’écosystème y est une priorité partagée.

Un comité scientifique mondial indépendant, le Scar (Scientific committee on Antarctic research) coordonne la recherche et la présence en parfaite intelligence avec les pays. Peu savent quel scientifique le préside, et là n’est jamais la question. Résultat : plus de six décennies sans conflit, sans pollution industrielle ni appropriation territoriale, et un continent préservé – malgré les pressions fortes sur l’exploitation industrielle et touristique. L’Antarctique, avec le Scar, est la preuve que l’on peut « gouverner en commun » lorsque les pays placent le bien commun planétaire au-dessus de leurs intérêts nationaux.

Créer une autorité écologique mondiale

Je veux croire que l’on peut transposer un modèle équivalent en créant une autorité écologique mondiale pour protéger la vie humaine sur Terre. Il faut un « Scar de la Terre » pour assurer le suivi des décisions de protection du climat. Qui initiera ce sursaut ? Henry Dunant n’était pas chef d’État : simple citoyen indigné, il a imaginé une solution inédite et convaincu les puissants de la concrétiser. De même, c’est à nous, citoyens du monde, de proposer et bâtir cette gouvernance planétaire. Plutôt que d’observer sans agir des lanceurs d’alerte contester en vain, inventons la structure capable de transformer les énergies positives nées de sommets et d’initiatives locales en politiques mondiales cohérentes et contraignantes.

En revenant de l’Unoc 3, j’ai vu naître l’espoir dans les yeux du public, émerveillé et alarmé par la beauté fragile des océans et des glaces. Et si la création d’une autorité écologique mondiale devenait le grand chantier du XXIe siècle, ici et maintenant, et que cette prise de conscience populaire née à Nice en était le socle ?

Ne laissons pas l’élan de l’émotion retomber. La maison brûle toujours ; ne regardons plus ailleurs. Il est temps d’agir avec ce « Scar de la Terre ». Pour que l’alerte lancée à l’Unoc ne soit pas un feu de paille, mais l’étincelle d’une révolution mondiale. Pour qu’on se dise un jour que c’est à Nice et Monaco qu’est née la gouvernance qui a sauvé l’humanité.

Les propos, remarques et commentaires exprimés, publiés dans les « Tribunes libres » n’engagent que leurs auteurs.

Jérôme Chartier Secrétaire général de la fondation albédo pour la cryosphère

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