Le Sud, des plages, des jeunes gens, des histoires de cœurs contrariées et un naturalisme de tous les instants. Sur le papier, la démarche de Prïncia Car rappelle le cinéma d’Abdellatif Kechiche. Pourtant, la jeune cinéaste, bercée dans l’univers artistique depuis son plus jeune âge (ses parents ont fondé la Compagnie de théâtre L’Agence de Voyage imaginaire, implantée à Marseille), possède son propre univers et insère notamment beaucoup de douceur au sein d’une histoire brute.
Au cœur du film: Omar. Il est moniteur de centre aéré, respecté, mais a une vision des femmes manichéenne. Il est sur le point de se marier, mais l’arrivée d’une de ses amies d’enfance, Carmen, une ancienne prostituée, bouleverse ses certitudes. Sous la chaleur de la cité phocéenne, une jolie troupe de comédiens amateurs s’empare de cette réflexion qui aborde, avec tact, la masculinité et la sororité, notamment dans la dernière partie, aussi inattendue que solaire.
Une œuvre fragile, à l’écart des poncifs
"Marseille, c’est ma ville, et le film est né d’une collaboration avec un groupe de jeunes Marseillais rencontrés il y a 8 ans lors d’un atelier d’écriture. On a créé ensemble, de manière participative, d’abord des courts-métrages, puis ce film ancré dans les quartiers Nord, car il reflète leurs vies et nos questionnements sur la place des femmes, le désir ou la force d’une communauté. Contrairement à l’image grise des banlieues, j’ai voulu retranscrire la joie et les couleurs que j’ai vécues avec eux", déclare Prïncia Car, qui avait dévoilé ce premier long-métrage sensible à la Quinzaine des cinéastes cannoise.
En bande désorganisée
Ce processus d’écriture participatif se ressent constamment dans Les Filles désir. "Avec ma coscénariste Léna Mardi, on a structuré l’histoire à deux. Les jeunes intervenaient sur le plateau: on expliquait les scènes, ils improvisaient et, à partir de là, on écrivait les dialogues. C’est un aller-retour: leur manière de parler reste, mais ils jouent des personnages qui ne sont pas tout à fait eux. Le plateau les libère, surtout sur des thèmes tabous comme le désir ou la sexualité. Au fil du temps, en tant que femme dans un collectif majoritairement masculin, j’ai observé des dynamiques complexes. Une communauté, c’est une force, mais aussi un carcan, avec des codes qui enferment. J’ai voulu déconstruire ces mécanismes, comme la peur de paraître faible en acceptant certaines vérités. Avec les jeunes, on a exploré ces questions, pour comprendre ces comportements et ces rejets."
En découle une œuvre fragile qui réussit à émouvoir grâce à la pertinence des situations, à l’écart des poncifs, et ce regard lucide sur cette bande désorganisée dont la dynamique reflète certains diktats de notre société. C. COP.
DE Prïncia Car (France), avec Housam Mohamed, Leïa Haïchour, Lou Anna Hamon...Drame. 1h33. Notre avis: 3/5.
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