"Pendant qu’on préparait ce film, Yvan Colonna est mort en prison": avec "A son image" , Thierry de Peretti nous entraine sur l’île de Beauté dans les pas d’une photographe de Corse Matin

Le réalisateur né à Ajaccio a porté à l’écran le roman de Jérôme Ferrari qui brosse le portrait d’une photographe de Corse-Matin liée, par amour, au mouvement nationaliste. Une chronique des années 1980 saisissante.

Aurore Harrouis Publié le 17/05/2024 à 12:30, mis à jour le 17/05/2024 à 12:30
Les comédiens Marco Antonu Mozziconacci, Louis Starace, Clara-Maria Laredo et Thierry de Peretti, réalisateur. (Photo A. H.)

Des pages d’un journal, il en feuillette aujourd’hui d’autres. De "Libération", où Thierry de Peretti avait tourné son dernier film "Enquête sur un scandale d’État", il a posé la toile de fond d’"à son image" dans le quotidien de "Corse-Matin".

Avec ce long-métrage dont la sortie en salles est prévue en septembre prochain, le réalisateur né à Ajaccio il y a 53 ans, revient à sa Corse natale, dans le droit fil des "Apaches" (2013) et "Une vie violente" (2017).

"A son image" brosse le portrait, dans les années 1980 et sur plusieurs années, d’Antonia, une jeune photographe qui passe de l’adolescence à la vie d’adulte. Elle s’amourache de Pascal, un nationaliste corse ténébreux et glisse ainsi, son appareil toujours à portée de main, aux premières loges d’une lutte armée de plus en plus violente.

Parole féminine sur le nationalisme corse

Autant Pascal et ses semblables sont massifs et se font entendre, tonnent des propos définitifs et dégainent leurs armes, cagoulés de noir, autant Antonia se coule avec précaution dans les événements. Un rôle d’observatrice, paradoxal, à la fois discret et obstiné: elle scrute ce qui se passe, mais il faut deviner ce qu’elle en pense.

"C’est un personnage que j’aime énormément, assure Thierry de Peretti. Elle est toujours surprenante parce qu’elle a à la fois une grande énergie et n’est jamais dans le pathos, elle prend des décisions à la fois fortes et définitives."

Si ses précédentes œuvres se concentraient sur des personnages masculins, le cinéaste a voulu donner un écho à une parole féminine sur la lutte indépendantiste corse. "J’attendais ce personnage. Parce que ce sont souvent les personnages qui me décident à entreprendre un film. Là, je l’ai trouvé dans le roman ‘‘ A son image’’ de Jérôme Ferrari. Antonia est un contrepoint au personnage d’‘‘Une vie violente’’."

Pour incarner cette femme insaisissable, Clara-Maria Laredo, 20 ans, tient haut un premier rôle surprenant. "À contre-emploi total! Moi, je suis nationaliste corse, militante depuis toujours. Je pense que l’autonomie est un point de passage. Je suis bien loin des positions d’Antonia. Bien que je puisse comprendre la frustration des années de plomb qui ont succédé aux années romantiques de cette lutte", explique cette étudiante en sciences politiques, qui a baigné dans un monde engagé et écrit aujourd’hui dans l’hebdo autonomiste "Arritti".

Une question politique toujours actuelle

Comme les autres membres de cette bande d’amis corses constituée pour l’occasion, elle a été repérée lors d’un casting sauvage.

"On a tous aussi en commun d’avoir un lien, des questions autour des luttes nationalistes, de l’autonomie", confirme Louis Starace, qui joue Pascal. D’une époque à l’autre, il n’y a qu’un pas. Et une mémoire...

"Même s’il se passe dans les années 1980, le film parle d’aujourd’hui. Il dialogue avec une époque passée comme notre monde dialogue avec le passé. Pendant qu’on préparait ce film, Yvan Colonna est mort en prison. La question politique est devenue d’une intensité folle et radicale à ce moment-là. On s’est même demandé s’il ne fallait pas centrer le récit sur notre époque", dit Thierry de Peretti qui campe à l’écran le rôle du parrain d’Antonia, un prêtre qui veut aimer les hommes "malgré la noirceur de leurs âmes et leurs faiblesses".

"Ce n’est pas un double de fiction. Mais je comprends son point de vue. Son monde est très atteint, il est très blessé et touché par l’humeur, par la violence politique, par l’absurdité de tout ça, par le mensonge." Porté par une bande originale qui prend aux tripes – des morceaux italiens, des chants corses, Bérurier noir dans un plan séquence d’une intensité folle – "à son image" questionne aussi le sens des photos, de ce cadre que l’on pose sur les événements et qui occulte forcément un bout de la situation. Pour une chronique loin d’être parcellaire, absolument saisissante.

 

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