Train, avion, voiture: on a calculé le bilan carbone des touristes pour venir sur la Côte d'Azur et comment le réduire
En 2022, la Côte d’Azur a attiré plus de 10 millions de touristes pour une population locale d’environ 1,5 million. Sur l’ensemble de la saison estivale de l’an passé, le taux de clientèle étrangère était de 52%, se mélangeant à des vacanciers venus de l’Hexagone. Pour rallier nos rivages, l’avion et la voiture sont les modes de transport les plus utilisés. Quel impact ont ces déplacements sur le climat? Des alternatives existent-elles? Tour d’horizon en image, avec l’expertise du climatologue azuréen Joël Guiot.
Aurélie Selvi - aselvi@nicematin.frPublié le 30/07/2023 à 12:15, mis à jour le 18/09/2023 à 12:52
infographie
Train, avion, voiture : on a calculé le bilan carbone des touristes qui viennent sur la Côte et comment le réduirePhotos NM/NM/Canva
Quel tourisme pour la Côte d’Azur en 2050? C’est le thème que vous avez choisi pour l’enquête d’été de la rédaction #solutions du groupe Nice-Matin. Et il y a de l’enjeu à se pencher sur la question. Car les flux touristiques sur nos rivages-cartes postales sont colossaux. Pour rallier les plages, hôtels et autres campings de la French Riviera, les touristes utilisent majoritairement la voiture et l’avion. Des transports qui ne sont pas sans impact sur le climat. Mais de quels ordres de grandeur parle-t-on vraiment?
En France, le secteur des transports est le premier émetteur de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique. Selon le rapport annuel du Haut conseil pour le climat de 2021, les déplacements représentent 31% des émissions de notre pays. Quel rôle joue le tourisme dans cette équation?
Pour le savoir, nous avons sorti notre calculette et décortiqué les trajets des vacanciers dont les provenances figurent dans le top des plus représentées en Côte d’Azur: la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, l’Italie et la France. Puis nous avons évalué les gaz à effet de serre moyennes générés par ses trajets en se basant sur des données de référence (qu’on vous détaille plus bas). Les trajets conventionnels sont mis en miroir avec des alternatives moins émettrices.
A noter. Pour rendre les émissions de gaz à effet de serre plus parlantes, nous les avons converties en équivalent empreinte carbone moyenne journalière émise par un Français. Par ailleurs, les temps de trajet pour les trains et les avions ne prennent en compte que la durée des voyages depuis les aéroports et les gares concernés et n'intègrent pas les déplacements supplémentaires nécessaires pour rejoindre le lieu de villégiature (hôtel, location).
On vous en dit davantage. Malgré le Brexit, la clientèle britannique était en 2022 largement en tête du palmarès des vacanciers de la saison estivale azuréenne, selon le Comité régional du tourisme Côte d’Azur. Pour ce calcul, nous avons comparé un aller-retour Londres-Nice effectué par un couple de touristes en août 2023 avec une compagnie aérienne low-cost avec un trajet effectué, cette fois, par le rail, via l’Eurostar puis le TGV Paris-Nice.
On vous en dit davantage. Juste derrière les vacanciers britanniques, les Américains sont aussi friands de Côte d’Azur. Pour ce calcul, nous avons comparé un aller-retour Washington-Nice pour une famille de deux adultes et 2 enfants, de 10 et 15 ans. La première liaison s’effectue à 100% en avion via la compagnie nationale, avec une correspondance à Paris. Pour la seconde, seul le premier vol (Washington DC-Nice) est pris, la suite du voyage s’effectue en TGV Paris-Nice.
On vous en dit davantage. Sur la troisième marche du podium des marchés étrangers de la saison estivale en Côte d’Azur, on retrouve nos voisins transalpins, même si la part de cette clientèle tend à reculer, passant de 16% en 2019 à 12% en 2022 selon le CRT Côte d’Azur. Pour ce calcul, nous avons comparé un aller-retour Rome-Nice pour deux adultes effectué en avion via une compagnie low cost avec le même trajet par le rail. Ce dernier nécessite 2 correspondances. La fin du trajet depuis Vintimille se fait en Train express régional (TER).
On vous en dit davantage. Prisée par la clientèle française, la French Riviera attire toujours plus de néo-visiteurs. Entre 2019 et la saison 2022, cette part passe de 10% à 20%. Par ailleurs, selon les chiffres du CRT Côte d’Azur, les séjours hexagonaux par avion ont reculé de 23% l’an dernier. Pour ce calcul, nous avons comparé un aller-retour Bordeaux-Nice effectué par une famille de Bordelais composée de deux adultes et deux enfants (10 et 15 ans). Le premier trajet se fait en voiture essence type Peugeot 208. Le second en train avec 1 correspondance: Bordeaux-Paris puis Paris-Nice.
Comment réduire l’impact de ces trajets touristiques à l’heure de l’urgence climatique?
A regarder ces images, l’équation paraît presque insoluble. D’un côté, des trajets plus délétères pour le climat mais nettement moins chers et plus rapides. De l’autre, des alternatives plus vertueuses mais hors de prix et extrêmement chronophages. "Ces chiffres mettent sous nos yeux l’urgence de la situation", commente le climatologue Joël Guiot. Co-auteur de l’un des rapports du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) et co-président du GREC-Sud, le GIEC local, l’expert livre ses préconisations pour agir.
#1 Développer massivement le rail
Dans un rapport publié le 20 juillet, l’ONG Greenpeace pointe des voyages en train en moyenne 2,6 fois plus chers en France que l’avion. C’est aussi l’implacable constat qui ressort de nos infographies. "Les pouvoirs publics doivent se décider à agir!", s’alarme le climatologue Joël Guiot qui préconise des investissements massifs dans l’amélioration du rail. "En 2023, il est anormal qu’une ligne Barcelone-Marseille-Nice-Gênes n’existe pas, détaille-t-il. De même que les tarifs actuels sont absolument scandaleux et devraient être divisés par deux."
#2 Limiter le trafic aérien
Selon le réseau Action climat, "au niveau mondial, les émissions de CO2 du transport aérien ont plus que doublé en 20 ans. Le trafic international est à l'origine de 60% des émissions de CO2 du secteur aérien, les 40% restants sont attribués au trafic domestique." Dans ce contexte, "il faut absolument stopper toute amplification du trafic et tout faire pour arrêter des extensions aéroportuaires, comme celle prévue à Nice notamment. Le GIEC le dit, d’ailleurs", préconise Joël Guiot, co-auteur de l’un des rapports du Groupe international d’experts sur l’évolution du climat.
"La Région Sud ne peut pas utiliser le slogan ‘Une COP d’avance’ et financer dans le même temps l’extension de l’aéroport de Marignane", Joël Guiot, climatologue
Le co-président du GREC-Sud, le GIEC local, enjoint les pouvoirs publics à davantage de cohérence. "A l’heure actuelle, en ne taxant pas le kérosène et sans des taxes plus élevées sur les aéroports, les pouvoirs publics subventionnent l’avion, ce qui est totalement contraire à toute politique environnementale", souligne l'expert, pour des mesures et de l'exemplarité sont nécessaires.
"Dans notre région, il y a, par exemple, une exagération très nette du nombre de jets privés et de yachts. Ces gens-là ne sont pas à 8,9 tonnes d’empreinte carbone annuelle mais à minima à 3 ou 4 fois plus! Même si le total des émissions de ces transports de luxe est loin de l’équivalent des émissions du transport routier global en France, comment demander aux gens de faire des efforts sans s’attaquer à ce sujet?", interroge Joël Guiot.
#3 Réduire son volume de voyage
En moyenne, un Français a une empreinte carbone annuelle d’environ 8,9 tonnes quand les experts du climat s’accordent à dire qu’il faudrait qu’elle atteigne plutôt 2 tonnes. "On voit bien que tout le concept de vacances est à revoir. Voyager souvent, en émettant en un vol l’équivalent de nombreux jours, voire mois, d’émissions de CO2 ne sera un jour plus possible", pointe Joël Guiot. Comme d’autres spécialistes, le climatologue met en exergue la nécessité prochaine d’un quota annuel d'émissions individuelles. "Quand on consomme les ⅔ en voyage, la part consacrée à l’alimentation, au chauffage… va considérablement se réduire, explicite-t-il. Par nos comportements actuels, nous sommes en train de brûler toutes nos cartouches."
"Partir tout le temps n’est plus possible, la planète ne va pas le supporter", Joël Guiot, climatologue
Pour demain, l’expert plaide pour une approche sobre des vacances. "Oui, on peut voyager mais cela nécessite une réflexion sur la destination. Aucun intérêt, par exemple, à ce qu’un Américain se rende sur la Côte d’Azur dans le but de profiter des plages quand il en a déjà près de chez lui. C’est différent que de se rendre à Nice une fois de temps en temps pour visiter l’intérieur du pays, faire du tourisme culturel", argue Joël Guiot, pour qui le concept même de vacances doit être revu et corrigé.
"Partir tout le temps n’est plus possible, la planète ne va pas le supporter. Il nous faut comprendre collectivement qu’utiliser des voitures, des avions pour voyager souvent, ce n’est pas user de notre liberté. Car la liberté des uns s’arrête où commence celle des autres et qu’en intensifiant le réchauffement climatique, on impacte la société dans son ensemble. Sur la Côte d’Azur, cela va même dégrader les conditions de vie des vacanciers…", conclut le climatologue.
On vous explique notre méthode de calcul
Pour réaliser nos infographies, nous avons utilisé différentes données d’émissions par km et par mode de transport. Pour les lignes de train, ce sont celles calculées par l’Agence de la transition écologique (Ademe): TGV = 2,36 g de CO2/voyageur/km; Trains grandes lignes = 5,92g de CO2/voyageur/km ; TER = 29,6g de CO2/voyageur/km. Pour le trajet en voiture, les calculs ont été effectués via Mappy. Pour les liaisons en avion, nous avons opté pour le site myclimate.org. Les voyages comparés s'effectuent sur la période du 22 au 31 août 2023. Pour le choix des tarifs, nous avons sélectionné les moins chers proposés par les différentes plateformes utilisées.
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