"C’est un phénomène connu, régulier ici et bien géré": après le vol Paris-Nice détourné vers Marseille jeudi, comment l’aéroport Nice Côte d’Azur fait face aux vents cisaillants

Jeudi, un vol Paris-Nice n’a pas pu atterrir sur l’aéroport azuréen à cause des vents cisaillants. Il a été dérouté vers Marseille. Décryptage.

Article réservé aux abonnés
Julie Baudin Publié le 26/07/2025 à 04:52, mis à jour le 26/07/2025 à 08:37
Photo Frantz Bouton

C’est un petit, ou un grand, moment de stress qu’ont vécu jeudi les passagers du vol d’Air France au départ de Paris et à destination de Nice. Partis à 12h29 de la capitale, ils devaient atterrir à Nice environ 90 minutes plus tard… Sauf que tout ne s’est pas passé comme prévu. Après quatre tentatives infructueuses, ils se sont finalement retrouvés à Marseille avant d’être réacheminés par bus à Nice (nos éditions d’hier)! En cause? "Des vents cisaillants qui ont compliqué pour ce vol la procédure d’atterrissage sur Nice", livre le service communication de l’aéroport azuréen. Qui ajoute, "c’est un phénomène connu, régulier ici et bien géré".

"Ce type de vent est insidieux, on ne prend pas de risque"

Jeudi, sur les réseaux sociaux beaucoup d’internautes ont cependant été surpris d’apprendre que le vent était en cause dans cette mésaventure: "ça ne soufflait pas hier, y’a eu pire à Nice. Et puis d’autres avions ont atterri avant et après, ça ne peut pas être à cause de ça".

"Le cisaillement du vent, ce n’est pas une question d’intensité réagit l’aéroport Nice Côte d’Azur. La problématique c’est que ce sont des vents latéraux, pas forcément forts, mais qui changent rapidement de direction et de vitesse. En vol, ça crée des turbulences. Quand ils sont ressentis au niveau de la piste, c’est problématique pour la procédure d’atterrissage ou de décollage."

Thierry Mathieu est pilote de ligne depuis 20 ans et il connaît bien ce phénomène des vents cisaillants pour y avoir été confronté plusieurs fois. "On se pose toujours face au vent, en cas de vent cisaillant on peut se retrouver très vite avec un vent arrière supérieur à 18km/h. Je donne souvent l’image d’un tapis de course qui roule à 20km/h et qui d’un coup change de direction. Si on reste dessus, on tombe, avec un avion, il est alors impossible de poser l’appareil sans encombre. Une alarme nous prévient quelques minutes avant de la présence de ces vents à proximité de la piste et on doit alors respecter la procédure obligatoire: remettre les gaz et se préparer pour une autre approche. Pour les passagers ce n’est peut-être pas très agréable mais nous sommes régulièrement formés tout au long de notre carrière à y faire face. Et on ne prend jamais de risque car ce type de vent est insidieux. Jeudi, le pilote a tenté à quatre reprises avant de décider d’atterrir à Marseille car il a considéré que c’était plus ‘‘safe’’ pour les passagers."

L’aéroport de Nice particulièrement concerné

De par son positionnement près de la mer et à proximité directe de l’estuaire et de la plaine du Var et des montagnes, l’aéroport niçois est particulièrement sujet au phénomène météorologique du cisaillement du vent généré notamment par des variations de températures entre deux masses d’air.

C’est pour cette raison qu’il s’est équipé d’un radar laser, le Lidar. "C’est l’un des plus puissants d’Europe, il repère les vents cisaillants et permet de prévenir les pilotes une dizaine de minutes avant. Néanmoins, ajoute le service communication de l’aéroport, ça ne supprime pas le phénomène, et le pilote, qui est formé pour faire face à ces vents cisaillants, essaye en général jusqu’à trois fois d’atterrir. Jeudi, le pilote a remis à quatre reprises les gaz, c’était son choix et celui de la compagnie, nous n’avons pas à le commenter. Mais ça reste une procédure classique, tout à fait normale dans ce genre de situation. En cas d’échec, l’avion est donc dérouté vers un autre aéroport, avant de revenir s’il le peut en fonction du programme des vols, ou bien les passagers sont acheminés par d’autres moyens comme ça a été le cas jeudi avec des bus affrétés par la compagnie."

En Europe, les vols avec le plus de turbulences concernent… Nice

Le site web Turbli, spécialisé dans le suivi des turbulences, a passé au scanner 10.000 trajets au départ et à l’arrivée des 550 plus grands aéroports du monde et a établi son classement des vols avec le plus de turbulences en 2024.

Si les routes les plus turbulentes du monde se situent toutes en Amérique du Sud, où elles traversent la cordillère des Andes, en Europe, les itinéraires approchant les Alpes sont les plus exposés aux secousses. Mais ils restent inférieurs à un EDR (qui mesure les turbulences) de 20 qui est considéré comme "léger". Et Nice revient souvent dans le palmarès.

Un Nice-Genève très exposé

La palme du trajet le plus agité est attribuée au vol de 299 kilomètres entre Nice et Genève avec un EDR 16,07. L’itinéraire entre Nice et Zurich, long de 434 kilomètres, prend la deuxième place suivi du vol Milan - Zurich. Selon ce palmarès, décoller de Nice pour atterrir en Suisse n’est vraiment pas de tout repos: le vol Nice - Bâle est à la 5e position des trajets européens qui secouent le plus. Le vol intérieur entre Nice et Lyon est à la 7e place. Le trajet entre Lyon et Zurich est quant à lui neuvième. 

La peur de l’avion: une phobie très répandue

Si tout s’est finalement, et heureusement, bien terminé pour les passagers du vol Paris-Nice, jeudi en début d’après-midi, sur les réseaux sociaux, les commentaires sur cet événement, ont fleuri en quelques heures. Et comme à chaque événement aéronautique, beaucoup d’internautes ont fait part de leur "peur panique de l’avion".

20% de la population

Une aérophobie qui touche plus de 20% de la population selon un rapport de l’Association internationale du transport aérien (IATA) publié en 2023. C’est bien davantage que toutes les autres phobies. Avec des grades différents qui peuvent aller jusqu’à l’impossibilité de monter dans un avion. "Et typiquement ce genre d’événement, bien souvent surmédiatisé ne fait qu’alimenter cette angoisse chez les personnes qui y sont sujettes", commente Thierry Mathieu.

Pilote de ligne depuis trente ans, il a mis en place depuis trois ans des stages "pour maîtriser sa peur de l’avion grâce à une meilleure maîtrise intellectuelle de la sécurité aérienne et de la formation des équipages. Les gens ont besoin de savoir comment ça marche pour vaincre toutes leurs peurs." Et depuis il a vu des dizaines de stagiaires défiler dans ses ateliers. Et certains sont repartis "libérés de ce poids".

C’est le cas de Mélanie. Aviophobe sévère depuis un Nice-Paris qui s’est très mal passé avec beaucoup de turbulences et une météo catastrophique. "On a atterri tant bien que mal. Mais ça a été une heure trente d’enfer. Depuis j’ai développé des phobies à chaque fois que je m’approche d’un avion. Au cours des stages que j’ai suivi, j’ai compris que cette peur était essentiellement liée à une méconnaissance dans ce domaine. J’ai obtenu des réponses à mes questions et je vis beaucoup mieux les vols en avion."

D’autres misent sur le simulateur de vol pour maîtriser leur peur. Dans les Alpes-Maritimes, Aviasim a lancé ses stages de 6 heures en 2012 (399 euros). Depuis, l’entreprise prospère. "On a des stagiaires chaque semaine avec des pics avant les vacances d’été, explique Céline Baudrand la directrice. On a une partie théorique où un instructeur répond à toutes les questions et une partie avec simulateur: c’est l’aspect pratique où on apprend aux stagiaires à se détendre."

Face à cette peur panique difficilement contrôlable, il y a pourtant des données essentielles: l’avion reste statistiquement le moyen de transport le plus sûr. Selon les dernières données de l’Association internationale du transport aérien (Iata), il y a eu un accident tous les 880.000 vols en 2024, alors que la moyenne entre 2020 et 2024 était d’un accident tous les 810.000 vols,

"À chaque événement, je me dis que j’ai raison!"

"Peine perdue, réagit Thomas qui fait partie des angoissés sévères. Me rappeler que j’ai plus de risques d’avoir un accident de voiture que de mourir dans un crash d’avion, cela ne suffit pas à m’apaiser. Et je vous laisse imaginer mon stress dès qu’on parle de crash aérien à la télé. Et ce qui s’est passé jeudi à Nice ne me rassure pas non plus!"

Des événements qui n’échappent d’ailleurs jamais à ces angoissés de l’altitude. Bien au contraire, ils sont comme des aimants. "Je pense que ça me conforte dans ma phobie, confirme Thomas. En gros j’ai peur et j’ai raison, regardez ce qui s’est passé. ça fait encore monter d’un cran ma phobie. Jusqu’à me dissuader de prendre un billet…"

L’aéroport Nice Côte d’Azur mise sur la médiation animale: une première en France?

L’aéroport Nice Côte d’Azur prend aussi cette problématique de l’aérophobie à bras-le-corps. Fin mai, un test avec un chien antistress a été réalisé dans la zone d’embarquement auprès des passagers angoissés.

"Nous avions repéré une expérience similaire à l’aéroport de Skopje en Macédoine, explique la communication de l’aéroport. Et nous la trouvions très pertinente. Au même moment, Nathalie qui est spécialiste de la médiation animale nous a proposé ses services et nous avons donc mis en place cette expérience qui s’est avérée très concluante. Eko est venu en juillet et sera de retour en août pour aller à la rencontre des passagers angoissés de monter dans un avion." Selon le site azuréen, ce serait d’ailleurs une première en France dans un aéroport.

“Rhôooooooooo!”

Vous utilisez un AdBlock?! :)

Vous pouvez le désactiver pour soutenir la rédaction du groupe Nice-Matin qui travaille tous les jours pour vous délivrer une information de qualité et vous raconter l'actualité de la Côte d'Azur

Et nous, on s'engage à réduire les formats publicitaires ressentis comme intrusifs.

Si vous souhaitez conserver votre Adblock vous pouvez regarder une seule publicité vidéo afin de débloquer l'accès au site lors de votre session

Monaco-Matin

Un cookie pour nous soutenir

Nous avons besoin de vos cookies pour vous offrir une expérience de lecture optimale et vous proposer des publicités personnalisées.

Accepter les cookies, c’est permettre grâce aux revenus complémentaires de soutenir le travail de nos 180 journalistes qui veillent au quotidien à vous offrir une information de qualité et diversifiée. Ainsi, vous pourrez accéder librement au site.

Vous pouvez choisir de refuser les cookies en vous connectant ou en vous abonnant.