"La marche finit par polir les émotions": Patrice Ponza boucle les 2.200 km de la Via Alpina et raconte son périple jusqu'à Monaco
Patrice Ponza est parti de Muggia, en Italie, le 21 juin, pour faire la traversée des Alpes. Un défi sportif et un voyage introspectif qui a pris fin, samedi, à Monaco. Le quinquagénaire en fait le récit avant la sortie de son livre.
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Célia MALLECKPublié le 16/09/2025 à 12:51, mis à jour le 16/09/2025 à 12:51
Patrice Ponza a atteri samedi matin sur le boulevard du jardin Exotique à Monaco.Photo C. M.
Patrice Ponza a changé. Ses cheveux ont poussé, son corps a minci et les traces de fatigue se lisent dans le pli de ses yeux bruns. Pourtant, l’homme de 50 ans respire la sérénité.
Samedi matin, il est arrivé au bout de son périple à Monaco. Le marcheur et écrivain "atypique" originaire de Barcelonnette (Alpes-de-Haute-Provence) a traversé la Via Alpina, seul, en sac à dos. Parti le 21 juin de Muggia, une commune située près de Trieste en Italie, il a parcouru 2.200 km et 130.000 m de dénivelé cumulé à travers les Alpes pour rallier la Méditerranée. Un challenge sportif, une quête de liberté, un voyage métaphysique qui ont changé son rapport à la nature, à la société, à ses propres émotions.
"La marche finit par polir les émotions"
"L’objectif premier de cette grande et longue marche était de briser un peu le rythme d’une vie normale pour essayer de créer du lien avec la nature et mettre à l’épreuve l’effet de la marche sur moi, mes émotions, mon hypersensibilité, pour qu’elle devienne un outil thérapeutique, une sorte de soin", confie Patrice Ponza.
"Dès le départ, cela a généré une forme d’usure physique et donc une fatigue globale", poursuit-il. "Les sensations d’épuisement et de douleur étaient exacerbées. J’ai perdu l’ongle du gros orteil à force de marcher. Ça a été très douloureux. Mais petit à petit, je me suis habitué à cette usure. À force, c’est comme si elle avait fini par polir mes émotions."
Face à l’immensité de la montagne, et son "impermanence", l’homme est peu de chose. Patrice Ponza le sait. Sa vie aussi a été faite d’impermanence. Étudiant en journalisme, puis en sociologie, il a été tour à tour ambassadeur, entrepreneur puis berger avant de se lancer dans la traversée de la Via Alpina.
Ses activités professionnelles, prolifiques, l’ont amené à visiter plus d’une cinquantaine de pays dans le monde et lui ont appris à s’adapter, quelle que soit la situation.
"On n’a pas le choix d’accepter tout ce que la montagne nous donne", souligne-t-il. Les aléas météorologiques, la solitude, les dangers… "Il faut être capable d’accepter le renoncement. Ça m’est arrivé en Autriche. Je n’ai pas pu gravir un sommet parce qu’il y avait une tempête de neige. J’ai dû redescendre dormir dans la vallée. Le lendemain matin, alors que j’avais réussi à atteindre le sommet, j’ai dû renoncer encore parce qu’il y avait sur la face nord un névé trop grand et trop dangereux à traverser."
Une pause dans la vallée des Merveilles
Dans cet environnement "rugueux", brut mais somptueux, les émotions se déchaînent. La colère, le désespoir, l’euphorie, l’exaltation. En l’espace d’un peu plus de deux mois, Patrice Ponza a ressenti tout ça à la fois. "Pour autant, la répétition d’un mouvement doux comme la marche génère une forme d’apaisement et de calme."
En plantant sa tente, vendredi soir, à la Tête de Chien, sa dernière étape du challenge, le marcheur n’a pas exulté en voyant le coucher du soleil sur la mer Méditerranée. "Je suis ému, certes, mais c’est une émotion qui reste assez contenue."
Le résultat d’un polissage? Ou peut-être parce qu’il ne voulait pas arrêter l’aventure ? Patrice sourit et avoue avoir ralenti la cadence en arrivant dans le Piémont et le parc naturel des Alpes-Maritimes italiennes. "C’est le coin le plus sauvage que j’ai pu traverser, avec le plus d’animaux. En passant le col de Finestre qui redescend sur la vallée des Merveilles et le parc du Mercantour, j’en ai profité pour faire des détours parce que c’était très beau."
Les paysages qu’il a traversés sont encore gravés dans sa mémoire. Le "paradoxe suisse" avec ses montagnes striées de câbles, le Tirol avec ses chalets et ses étables de carte postale, les impressionnantes Dolomites et, bien sûr, la vue depuis le toit de l’Europe.
"Le moment le plus intense que j’ai vécu a été l’ascension du Mont Blanc. J’ai eu la chance d’avoir une journée magnifique. Arrivé au sommet, c’était dingue. On est à 4 800 m d’altitude, le manque d’oxygène enlève de la lucidité mais le paysage est incroyable."
Il s’est ensuite rendu au Rocher, devant la plaque qui marque la fin de la Via Alpina.Photo DR.
Un livre publié en janvier 2026
"Le plus compliqué, ça va être de retourner à la vie normale", glisse Patrice Ponza, qui ne tourne pas encore tout à fait la page de ce voyage. Outre le challenge sportif et introspectif, l’objectif de ce défi était aussi d’écrire un livre. "J’écrivais tous les jours pour ne pas oublier ce que j’ai vu ou ressenti", glisse le marcheur.
Aujourd’hui, le premier jet est prêt. Dès qu’il sera rentré à Barcelonnette, chez lui, il corrigera ses textes et affinera l’ouvrage avec la maison d’édition La Trace. Son récit devrait être publié en janvier 2026. Il sera accompagné d’une exposition photographique, "hommage à la beauté brute et multiple des Alpes."
Après?
Patrice Ponza enfilera à nouveau son sac à dos pour un autre challenge à l’autre bout du monde. "J’aimerais explorer la Nouvelle-Zélande. Il y a un sentier qui traverse les deux îles du Nord au Sud qui fait 1.500 km de plus que la Via Alpina", explique-t-il. Cette aventure sera contée dans un autre livre plus tourné vers la marche et la spiritualité.
"L’expérience de l’itinérance à pied, c’est quelque chose qui marque profondément. Une expérience qui nourrit en termes d’aventure et de spiritualité. Je ne me suis jamais senti aussi bien dans ma vie, pourtant j’ai 50 balais. Je ne compte pas m’arrêter. Mon futur sera fait de marche et d’écriture."
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