Qu’est-ce qui vous a poussé à prendre cette décision maintenant?
Quatorze ans, c’est long. Je ne pensais pas rester aussi longtemps. J’ai donné beaucoup de mon temps à ce club, et j’en suis ravi. J’ai vécu une très belle aventure humaine, exceptionnelle. Mais il y a un moment où j’ai besoin d’un peu de temps pour moi aussi. Vous l’avez constaté, j’ai pris un peu de recul ces dernières années, en lâchant petit à petit certaines activités. Les instances m’ont pris beaucoup de temps ces six derniers mois, j’avais l’impression de revenir en arrière.
Et je m’étais toujours dit, le plus important quand je partirais, c’est de pouvoir me regarder dans une glace et me dire, on aurait pu mieux faire, c’est certain, mais il faut que le club soit stable, structuré, qu’il y ait de l’ambition et des moyens. Tout ça est réuni.
Votre successeur?
Le fait que Fabrice Bocquet prenne la suite, ça me sécurise. Pourquoi? Parce qu’il n’y a pas de changement d’orientation. Le plan bâti il y a trois ans est très clair. On va rester ambitieux malgré les restrictions budgétaires, revenir à des choses plus vertueuses en termes de coûts et d’équilibre des charges. Et le club est sur cette voie-là, avec un coach et un directeur sportif remarquables. Je suis persuadé intimement qu’on va faire une très belle saison.
Et si j’ai prévenu Jean-Claude Blanc (Directeur général d’Ineos Sport, ndlr) de mon départ il y a une quinzaine de jours, c’est parce que je ne voulais pas partir au terme de mon mandat le 20 août et que les gens pensent que je partais parce qu’il n’y avait pas la Ligue des champions, par exemple. C’est une décision mûrement réfléchie.
Et partir sur une Ligue des Champions, ce serait le plus beau des départs.
Vous étiez le seul Niçois du board...
Florian (Maurice) et Fabrice (Bocquet) ne sont pas Niçois mais l’ADN du club, ils savent que c’est fondamental de le conserver. Ce club, il appartient à tout le monde, c’est un patrimoine rare qu’il faut préserver et protéger avec tout son ADN. Tout le monde le sait, je n’ai pas de crainte sur la perte d’identité.
Vous avez été actionnaire majoritaire, puis président délégué. Quand avez-vous pris le plus de plaisir?
(Il sourit) Je me suis bien amusé à faire des Hatem (Ben Arfa), des Mario (Balotelli). C’est une période où j’ai pris beaucoup de plaisir, et ce n’était pas facile parce qu’il n’y avait pas de moyens. C’était des coups de poker.
Alors que vous n’y jouez jamais?
Pas du tout. Sauf sur cette période-là, c’était fantastique. Je ne dirais pas que je suis nostalgique de cette période mais elle m’a donné des préoccupations. J’aimais être en décalage avec un peu tout le monde, tous ces gens qui me disaient que c’était impossible ou qu’il ne fallait pas le faire.
Vous avez un grain de folie?
Sûrement un peu... Il y a une chose que je dis souvent: il y a le troupeau et les gens en dehors du troupeau. Et quelque part, j’aime bien être en dehors du troupeau. Je me suis amusé parce que c’était drôle de ne pas avoir de budget. Je remercie Julien (Fournier, l’ex-directeur général), il a considérablement contribué à ces négociations. Quand vous avez Mario Balotelli en face, qu’à deux jours de la négociation finale on vous demande 26 millions, puis au moins dix millions sinon ça ne sort pas, mais que vous répondez "Non, j’ai zéro", jusqu’au dernier moment, c’est un coup de poker. Puis à la toute fin, ça sort...
Balotelli, c’est le plus beau coup?
Un joueur qui m’a marqué, c’est Hatem Ben Arfa. Il est unique, incroyable, on va d’ailleurs se revoir bientôt. Mario, c’est le petit grain de folie. Les scouts et Internet m’ont fait remonter beaucoup de mauvaises choses sur lui. Je suis allé chercher au fond de son petit cœur des choses. Et quand vous avez le talent et du cœur, et qu’on vous donne de l’amour, ça matche. Kevin Anin, Hatem, Mario, ce sont des gens qui n’ont pas eu des vies simples au début. Et moi, ces profils-là m’intéressent.
Comment vous allez suivre les matchs du gym maintenant?
Un ancien président ne doit pas faire de l’ombre à son successeur. Ce qu’a fait Maurice Cohen avec moi, je veux le faire avec Fabrice. Donc, je viendrai au stade mais ne serai pas assis au même endroit. Je profiterai peut-être d’un week-end de temps en temps.
Blackmore, les Chinois, la période Galtier... Vous avez résisté à tout. Vous allez donc revenir une 3e fois?
Oui, c’est prévu. Je reviens avec les Saoudiens, à bientôt... (Il rit) Vous savez, je sais d’où je viens. J’ai eu la chance d’avoir une famille aimante mais pas de gros moyens. Dans la vie, il faut se battre, rien ne tombe naturellement. Le business, ça nécessite d’avoir envie, de se faire plaisir aussi, mais la vie est un combat. Et face aux difficultés, il faut se concentrer sur le point positif pour ne créer que du positif.
Vous êtes devenu une véritable personnalité à Nice. Vous n’avez pas envie de faire de la politique?
Non, je n’ai pas l’ambition d’en faire. Je n’ai peut-être pas la bonne vision des choses, mais je me souviens de tous ces gens que j’ai rencontrés dans les rues en 14 ans, toujours bienveillants, avec toujours un mot gentil pour moi... Mais si on a réussi ça, c’est grâce à toutes ces personnes qui ont travaillé auprès de moi. Qu’ils se soient succédé, qu’ils soient toujours là, peu importe, c’est grâce à eux. Je veux tous les remercier de m’avoir entouré, comme dire merci à tous ces anonymes croisés.
L’avenir?
Je suis un privilégié de la vie. J’essaie de ne plus avoir de contraintes, que tout soit plaisir. Passer un moment avec des copains, faire du sport, profiter de la vie... Puis une vieille idée est ressortie récemment. J’ai montré un vieux scénario de film à ma compagne, à des gens du cinéma, tout le monde est emballé. On s’est plongé dans la réécriture du scénario du coup. Ce ne sera pas un grand film, mais il va toucher 98% des gens.
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