C’était hier, ou presque. Le 17 septembre 2019, Vincent Philippe concluait en beauté sa fructueuse trajectoire en endurance: neuvième victoire au Bol d’Or. Un record qui tient toujours. Mais pas un point final. Coucou, le revoilà! À 47 ans, le Franc-Comtois va refaire un bout de chemin en mettant la poignée dans le coin cette semaine. Au Castellet et nulle part ailleurs, où il partagera le guidon d’une Honda CBR avec trois rookies: deux journalistes spécialisés (Moto Revue, Moto Journal) et... un certain Tom Pagès, le champion multimédaillé motocross freestyle (FMX) qui se lance un nouveau défi.
Vincent, il y a six ans, au soir de votre révérence victorieuse en terre varoise, si on vous avait dit que vous seriez de retour sur la grille de départ du Bol d’Or en 2025...
Je pense ça ne m’aurait pas surpris. Tout comme mon entourage qui n’est pas trop étonné de me voir redémarrer aujourd’hui. En 2019, j’ai tourné la page du haut niveau. Mais la flamme brûle toujours. J’adore l’endurance. C’est une partie de ma vie. Donc je savais qu’un jour je céderai et je reviendrai.
Cette proposition de come-back en bonne compagnie, vous l’avez vu venir ou ce fut une surprise?
Ah je n’ai rien vu venir! Un beau matin, le téléphone sonne. "Allo Vincent, j’ai encore une bêtise à te proposer", me lance un journaliste que je connais bien, Bertrand Gold de Moto Revue. Je pense alors que celui-ci va me convier à tester une machine, comme d’hab’. Impossible d’imaginer un projet d’une telle ampleur... Il me détaille son plan et je dis oui au bout de cinq minutes, voilà! Aucune hésitation.
Pourquoi?
Parce que je sens tout de suite que c’est solide, sérieux. Pour moi, il s’agit d’une belle occasion de courir juste pour le plaisir, avec un objectif autre que celui de gagner. Au sein d’une équipe expérimentée, sympa. Et sur une moto dont les vis sont serrées. Sans problème d’argent... Quand vous tirez sur la corde, l’endurance, ça peut devenir dangereux, hein!
L’adrénaline de la compétition vous manquait un peu? Beaucoup? Pas du tout?
Je me suis quand même administré une piqûre de rappel en disputant les 24 Heures de Barcelone (en 2021, ndlr). S’en sont suivies deux ou trois autres récréations, notamment une course en Royal Enfield. À chaque départ, maintenant, je me régale, car il n’y a plus l’obligation de résultat. Le feeling revient vite. La moto, ça ne s’oublie pas, comme le vélo.
Vincent Philippe qui dispute le Bol d’Or sur une Honda, ça ressemble à un retour aux sources, non?
Bravo, vous avez bien peaufiné vos fiches! (Il se marre) Figurez-vous qu’on vient de me faire la remarque récemment. Le Bol d’Or, je le découvre en effet au guidon d’une Honda, celle du team Daffix. C’était en 1999, au Castellet! Super souvenir. Je débarque avec le statut de remplaçant, juste pour prendre quelques marques. Et puis je signe le meilleur temps de la moto durant les qualifications. Donc ils me titularisent. Et je prends même le départ. Après avoir accompli l’essentiel de ma carrière chez Suzuki (17 saisons enchaînées dans l’habit de lumière du SERT), c’est un chouette clin d’œil de refaire un bout de chemin sur une Honda, me semble-t-il. Même si certains ont du mal à comprendre...
Cette fois, vous allez cravacher une CBR proche du modèle de série, inscrite dans la nouvelle catégorie Production. En course, vous risquez de vous ennuyer...
Non, pas du tout. Les super sportives actuelles sont très performantes d’origine, surtout côté moteur. Il faut s’en occuper comme d’une "grosse", croyez-moi. Cela dit, quand je vois mes anciens collègues me dépasser, la différence saute aux yeux! J’aimerais bien pouvoir les suivre... (rire)
Vous voilà donc dans la peau d’un guide, du capitaine de route. Comment concevez-vous ce rôle?
Deux de mes trois coéquipiers vont vivre leur baptême du feu sur une course de 24 heures. Chacun possède sa propre expérience. Moi, je suis là pour leur prodiguer des conseils. Pour les épauler dans les meilleures conditions possible. Ma contribution concerne aussi la moto, les réglages. Elle doit être stable sécurisante afin qu’ils se sentent en confiance, qu’ils puissent attaquer l’esprit libre. Nous partageons le même but: écrire une histoire ensemble.
Tom Pagès, vous le connaissiez?
On ne s’était jamais croisé avant le premier roulage organisé cet été au Castellet. Sans surprise, j’ai découvert un grand pro. Un gars calme, posé, qui prépare chaque événement à fond, avec méthodologie, minutie. C’est vraiment bonnard de bosser avec lui. On peut dire qu’il est en fin de carrière, mais il ne prend pas cette expérience à la cool. Tom a envie de bien faire sur une piste très différente de son terrain de prédilection.
Quel genre d’apprenti est-il?
Il est super à l’écoute. Très pertinent dans les questions qu’il pose. Il n’en pose pas beaucoup, d’ailleurs. Mais il assimile, il applique et ça marche! Tom devait s’habituer à la puissance des gros cubes, d’autant plus sur un circuit aussi rapide que le Paul-Ricard. Alors il a engrangé pas mal de kilomètres en mode 1000 cc cette année. Au guidon, il est très propre, appliqué, il met beaucoup d’énergie sans se mettre en danger. C’est beau à voir.
Votre dernier mot à son attention ce samedi avant le départ?
Focalise-toi sur toi-même! Il s’agit d’une course d’équipe, OK. Tu es le maillon d’une chaîne, comme le mécano, le cuistot ou le kiné. Bien sûr, tu joues dans le même camp que ces personnes-là. Mais il faut que tu arrives à te concentrer sur ta performance personnelle, tes sensations, ton niveau de fatigue, sans trop regarder ce qui se passe à côté. À la fin, c’est la somme de quatre performances individuelles qui fera le résultat.
Et après l’arrivée, si Tom propose d’échanger les casquettes pour vous initier au motocross freestyle un jour prochain, vous foncez?
Ah, j’y ai pensé... Pff, mon vécu en cross s’avère assez succinct. Dans les airs, je ne suis pas très à l’aise. Mais je serais quand même curieux d’essayer. Seulement dans un bac à mousse, bien entendu.
commentaires