"Je suis désolé mais il faut sortir..." Planté sur les galets au bord de l’eau en face de l’Église du Cros-de-Cagnes, un jeune maître-nageur, un brin gêné, fait revenir Michel et Yveline, en plein crawl, sur le rivage.
Ce samedi, il est 11h35 sur cette plage de Cagnes-sur-Mer et le drapeau hissé plus loin indique que la baignade est interdite. En cause: une suspicion de pollution, en cours depuis vendredi 15h05, sur un secteur comprenant les plages de l’Église, du port et de l’entrée du port.
"On ne savait pas. D’habitude, ils mettent des rubalises...", commente Michel en attrapant sa serviette. Mais coup de théâtre: pendant la discussion, le drapeau vert est hissé dans le dos du jeune secouriste. "Ah, c’est bon! L’interdiction vient d’être levée", apprend-il en direct.
Dans la foulée, le maire, Louis Nègre, informe sur les réseaux sociaux de la Ville: "Les résultats des analyses effectuées [...] sont au vert. Les plages fermées par mesure de précaution ont donc rouvert il y a quelques minutes".
Yveline, Cagnoise constate, avant de retourner nager: "Ces dernières années, ça arrive souvent. Il y a 50 ans, on n’avait pas ça...". Avis partagé, quelques mètres plus loin, par Myriam, 67 ans, mots fléchés en main, partageant la natte avec son mari, Olivier.
Eux sont touristes mais madame a grandi là. "Petite, je me baignais ici. Les petits fonds étaient pleins d’algue, on appelait ça la salade, la mer était belle. Aujourd’hui, il y a de la mousse à la surface dès 11h...", déplore-t-elle. Pas de quoi rassurer ces grands-parents, bientôt rejoints par leur petit-fils de 6 ans.
"La pollution en mer, le plastique... L’impact de l’homme sur les écosystèmes est partout. On leur laisse un monde dégueulasse!", rebondit Olivier.
Et Myriam de questionner: "Que comptent faire le député et le maire qui veulent se faire réélire pour l’état de la mer? Pensez aux touristes, qui payent des loyers et des notes élevées au restaurant... sans pouvoir se baigner. Un jour, ils ne viendront plus...", prédit-elle.
"Derrière la mer, il y a des gens qui vivent!"
Concerné par l’interdiction de baignade vendredi, l’établissement privé Le Carré bleu a dû expliquer aux clients ayant loué un transat qu’ils ne pouvaient plus se baigner.
"Forcément, ils n’étaient pas très contents car ils avaient payé jusqu’à 19h. Alors, on a fait de petits gestes: un café, une boisson offerte", raconte Christophe, le patron, qui dénombre de nombreuses annulations.
Pragmatique, le restaurateur, à la tête de cette concession depuis 9 ans, nuance: "C’est arrivé quelques fois l’an dernier. Travailler en bord de mer, c’est accepté les aléas, la météo, les tempêtes, c’est comme ça...".
Tout près du club de voile, Jean-Christophe, du petit restaurant Le poisson bulle repris avec sa compagne Estelle il y a un an, garde aussi la tête froide.
"Cela peut arriver, on fait avec... C’est surtout inquiétant pour la biodiversité. Car avant d’être commerçants, on est citoyens. Fermer les plages en cas de suspicion de pollution, ça me paraît normal, en termes de santé publique comme de respect de la mer", pose celui qui travaille le poisson frais pêché au Cros et bannit canettes de soda et bouteilles en plastique de son échoppe. En ce samedi, daurades roses et espadons sont à la carte.
Au port voisin, Corinne et son pêcheur de mari, Jean-Louis, déplorent une journée moribonde sur leur stand de - délicieuses - fritures de la mer. "Il y a bien 70% d’affluence en moins... Depuis des mois, avec les rejets de la station d’épuration de Saint-Laurent, ça fait mauvaise pub. Catastrophique!", peste le pêcheur.
"Dommage, renchérit Corinne. Car à Cagnes, les plages sont belles, le bord de mer est beau, il y a des toilettes... Il faut prendre conscience que, derrière la mer, il y a des gens qui vivent, qui payent des charges... et à qui on ne fait pas de rabais!"
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