Quelle ne fut pas notre surprise, ce vendredi en fin de matinée, d’apprendre qu’après Pierre Mignoni et Matthias Halagahu, c’est Melvyn Jaminet qui allait se présenter à la presse, pour évoquer la réception de Bordeaux.
Il faut dire que, depuis son retour de 26 semaines de suspension, à la suite des propos racistes qu’il avait tenu en marge de la tournée du XV de France en juillet dernier en Argentine, l’arrière aux 20 sélections s’était fait extrêmement rare dans les médias, ne se présentant pas à une seule conférence de presse.
"Je ne voulais pas prouver quoi que ce soit..."
Parce que le club préférait le protéger. Et que le joueur souhaitait d’abord se refaire une santé sur le terrain. Et vous voulez qu’on vous dise? Alors même que les regards de tout le rugby français étaient braqués sur lui, le Hyérois de 25 ans a été aussi discret face à la presse que brillant sur le pré depuis son retour à la compétition, fin février. Parvenant à s’affranchir avec une certaine aisance de la tonne de pression qui pesait sur ses épaules.
"Pendant mon absence, j’ai travaillé, notamment sur le mental. Alors, quand je suis revenu, je n’avais pas de pression particulière, détaillait ce vendredi l’arrière, souriant et apaisé. En fait, je ne voulais pas prouver quoi que ce soit... Après avoir été éloigné des terrains pendant longtemps, on est juste heureux de rejouer au rugby, et c’est là qu’on joue à son meilleur niveau… À mon retour, je n’avais qu’une envie: retrouver du plaisir et rejouer."
Et toujours aussi précis face aux perches (85,37% de réussite), mais plus juste avec son pied dans le jeu courant et particulièrement incisif ballon en mains (cinq essais en neuf matchs), "Mélou" n’est pas seulement parvenu à retrouver son meilleur niveau: il semble l’avoir allègrement dépassé. Pour le plus grand bonheur de ses coéquipiers.
"Il a probablement pris en maturité"
"Melvyn nous apporte énormément par son expérience et la qualité de son jeu au pied, qui nous permet de respirer pendant les matchs, louait Matthias Halagahu au sujet de son partenaire. Il met sous pression les équipes car, si les adversaires font une faute dans leurs 40 ou leurs 50 mètres, ils peuvent prendre trois points quasi-automatiquement. Donc, on est content qu’il revienne à son meilleur niveau."
Pierre Mignoni de poursuivre: "Melvyn est un joueur frais. Déjà, parce qu’il n’a pas fait dix mois de saison, mais aussi parce que, même s’il a pris - à juste titre - des coups à la tête, il a probablement pris en maturité."
"Le fait d’avoir pu discuter avec les jeunes…"
Car, finalement, en dehors du joueur, c’est bien davantage l’homme qui a énormément appris de ses déboires argentins. Et là où certains ne se seraient sans doute jamais remis d’un tel dérapage, Melvyn Jaminet a, lui, tenté de profiter de l’occasion pour réaliser une longue introspection. De quoi transformer cet épisode en une force pour le restant… de sa vie?
"Pendant mon absence, j’ai pu travailler des choses que je n’avais jamais pu faire auparavant. Je pense notamment au fait de prendre la parole. Je suis un garçon plutôt renfermé et, pendant ma sanction, j’ai eu des actions à faire auprès de jeunes. Le fait d’avoir pu discuter avec eux du rugby, de comment on devient professionnel, de comment on gère notre carrière… C’est quelque chose que je n’avais jamais fait et, au final, ça m’a fait du bien. Et peut-être qu’inconsciemment, cela m’a libéré… Maintenant, cette histoire est derrière moi."
Si sa soirée argentine restera comme une tache indélébile dans son histoire personnelle, Melvyn Jaminet semble en tout cas, onze mois plus tard, être parvenu à avancer. Sans oublier, mais en assumant. Faisant ainsi un pas immense vers la rédemption?
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