"Une seule commotion cérébrale peut avoir des conséquences sur un enfant": les vidéos de maltraitance du club de sport à Nice ont choqué ces spécialistes
Nous avons demandé à Nicolas Capet et Renaud David, neurologue et chirurgien à Monaco et à Nice, leur avis sur les vidéos révélées par Nice-Matin le 7 mars, dans lesquelles on voit un animateur d'un club de sport tirer en riant des ballons sur la tête d’enfants âgés de 3 ou 4 ans.
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Félicien CassanPublié le 14/03/2025 à 08:30, mis à jour le 14/03/2025 à 16:01
Respectivement neurologue au centre hospitalier Princesse-Grace (CHPG) à Monaco, et psychiatre au CHU de Nice, les docteurs Nicolas Capet et Renaud David font partie des spécialistes français les plus éminents dans le domaine des commotions cérébrales et de leurs conséquences.
En binôme, ils ont créé le premier "Colloque Francophone Commotions Cérébrales et Sport". Destiné aux professionnels de santé, il a pour objectif de partager les résultats de travaux scientifiques et d'effectuer des recommandations.
Les deux hommes sont d'ailleurs référents auprès de plusieurs fédérations sportives françaises et internationales (World Rugby, Fédérations Françaises de Football et de Rugby...), qui sont désormais dans l'obligation de faire appel à des experts dans ce domaine sensible.
Des actes qui ont donné lieu à au moins quatre plaintes de parents et une "enquête d'initiative" pour "violences sur mineurs de 15 ans par personne ayant autorité".
"À 3 et 4 ans et jusqu’à la fin de l’adolescence, le cerveau est très fragile aux traumatismes et n'est pas définitivement constitué. Sur les vidéos que l'on a vu tourner, on aperçoit des chocs significatifs. Il y a des raisons de croire qu'il y a eu des commotions cérébrales, ce que l’on nomme aussi traumatismes crâniens légers ou modérés", développe Nicolas Capet.
Des "encéphalopathies chroniques traumatiques" chez les sportifs de haut niveau
Cela revient-il à dire qu'un seul coup à la tête peut entraîner des séquelles?"Je ne sais pas quel est l'état des enfants aujourd'hui, il faudrait pouvoir les examiner. Néanmoins, il est bien établi qu’à partir d’une seule commotion cérébrale on peut rencontrer des conséquences significatives à moyen ou à long terme."
Le premier bon réflexe à avoir est d’évaluer les symptômes avec un professionnel, immédiatement en présence de signe de gravité (perte de connaissance prolongée ou troubles de la vigilance, convulsions, troubles de la vision, vomissement ou troubles de l'équilibre), car le pronostic vital peut-être engagé.
"Cela aurait très bien pu être le cas sur ces petits. Plus l'enfant est petit, plus il est sujet à développer des gravités", assure Renaud David.
Plus l'enfant est jeune, plus les risques sont donc élevés. "Les enfants sont plus exposés au risque des commotions pour des raisons physiologiques, avec par exemple une musculature du cou moins développée…", assure Renaud David.
Du côté psychiatrique, volet moins connu des "coups à la tête", le docteur évoque de l'anxiété [qui n'existait pas avant la commotion ndlr], de l'irritabilité, des troubles du sommeil ou de la concentration, une 'labilité émotionnelle'... et, dans certaines situations, des idées suicidaires".
Le psychiatre Renaud David.DR.
Bref, un cortège de symptômes que l'on n’associe pas forcément, de prime abord, à une commotion cérébrale.
"Il est possible que les symptômes soient résolus dans les deux semaines, après du repos et un retour progressif aux activités sportives et intellectuelles... Mais il arrive aussi que ce ne soit pas le cas".
De fait, les sportifs de haut niveau (en tête, les footballeurs américains et les hockeyeurs sur glace, sujets à des "encéphalopathies chroniques traumatiques", à la suite de commotions cérébrales à répétition) ou les militaires ne sont pas les seuls concernés.
Les deux médecins voient régulièrement des enfants et des adolescents parmi leurs patients. La paire intervient d'ailleurs en milieu scolaire pour prodiguer des formations sur la thématique à Monaco, sur un projet inédit porté par le Centre Hospitalier Princesse Grace et le Ministère de l’Éducation de la Jeunesse et des Sports.
Formations qu'ils comptent bien étendre très bientôt dans les Alpes-Maritimes, avec une collaboration avec l'établissement collège Sport Élite Don Bosco à Nice.
"On a formé des enseignants et du personnel à repérer et prendre en charge des victimes potentielles, dès la maternelle et pendant toute la scolarité, après une chute accidentelle ou sportive par exemple", explique Nicolas Capet.
Possiblement des "conséquences irréversibles" sur le cerveau
Le plus délicat, dans les commotions cérébrales, est le côté "polymorphe" desdits symptômes. "C'est très variable d'un individu à l'autre, on peut avoir des symptômes neurologiques, psychiatriques, voire neurovégétatifs", synthétise Renaud David. Ils peuvent être, ou non, mutuellement exclusifs.
"C'est donc le rôle du médecin d'aller rechercher ce qui se passe. Dans le cas des athlètes, ils se perçoivent souvent comme des surhommes, mais lorsqu’on pose les bonnes questions, on s'aperçoit qu'ils ont parfois eu des symptômes qu'ils ne pensaient pas liés [à l'événement traumatique, ndlr].
Face à des enfants de 3 ou 4 ans, qui auront davantage de peine à exprimer avec précision leur(s) douleur(s), difficile de mettre le doigt sur les véritables symptômes. Et pourtant...
"Une personne de moins de 20 ans a un cerveau en pleine évolution, un traumatisme peut avoir des conséquences irréversibles dans le futur: troubles cognitifs, perte de mémoire et troubles mentaux", conclut Renaud David.
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