À quelques jours de la visite du président Macron en Principauté, le timing ne pouvait être plus mal choisi. Selon les informations de nos confrères de La Lettre, la Commission européenne prévoit d’inscrire Monaco sur la "liste des juridictions de pays tiers à haut risque" ne satisfaisant pas les exigences de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Une décision en réalité quasi automatique lorsqu’un pays hors Union européenne est épinglé par le Groupe d’action financière (GAFI), comme c’est le cas de la Principauté depuis juin 2024. Mais pour l’heure, le gouvernement princier assure ne pas avoir encore été officiellement notifié de cette décision par Bruxelles.
Des "affabulations"
"Il s’agit d’affabulations", a fustigé le conseiller de gouvernement-ministre des Finances et de l’Économie Pierre-André Chiappori ce mercredi soir, alors qu’il assistait à la restitution des résultats de la place financière organisée par l’Association monégasque des activités financières (AMAF) au Monte-Carlo Bay. Prenant la parole en préambule du rendez-vous, il assure: "Les derniers rapports que nous avons reçus, y compris de l’OCDE, nous considèrent plutôt comme de très bons élèves. La liste européenne est mise à jour de façon régulière et de façon quasi automatique pour faire suite aux évolutions de la liste dite grise, c’est-à-dire les pays en surveillance renforcée, du GAFI. La décision, à venir ou non parce qu’il y a quand même une petite incertitude là-dessus, qui pourrait venir de l’Union européenne serait la conséquence automatique de cette décision du GAFI. Nous espérons que la sortie de la liste européenne, si nous devions y rentrer, serait aussi automatique."
Une liste où figurent la Corée du Nord et l’Afghanistan
Si l’information venait à être officialisée ces prochains jours, cela placerait la Principauté aux côtés de pays comme l’Afghanistan, la Corée du Nord ou encore le Panama… Alors que les Émirats arabes unis, eux, devraient être retirés de cette même liste. Mais pour Bruxelles, la Principauté continuerait de présenter des "insuffisances stratégiques" dans son dispositif de lutte contre le blanchiment malgré les efforts législatifs et institutionnels réalisés, selon La Lettre.
Fin mai, le Conseil national tirait d’ailleurs "la sonnette d’alarme" face à des progrès qu’il n’estimait "pas suffisants". "On doit montrer de l’effectivité et de gros progrès ont été faits. Mais, on attend toujours les guides pratiques du gouvernement depuis 2020. On nous demande un certain nombre de condamnations et un montant de confiscation. Que se passe-t-il si on ne donne pas les moyens aux magistrats de traiter les dossiers en accéléré? On réclame l’intégration des réservistes mais le texte n’a toujours pas été déposé. [....] Il y a une rétention des textes administratifs et juridiques qui n’est plus admissible", s’inquiétait le président du Conseil national Thomas Brezzo, lors d’une conférence de presse. Alors que s’ouvrait quelques jours plus tard un procès d’ampleur au tribunal correctionnel de Monaco impliquant d’anciens responsables policiers pour des faits présumés de corruption, de blanchiment et de trafic d’influence dans le cadre de l’affaire des faux résidents belges en Principauté, largement relayée dans la presse.
Trop lente mise en conformité?
Monaco est soumis à une surveillance renforcée depuis son inscription sur la liste grise du GAFI en juin 2024. "Un an plus tard, les experts de la Commission européenne ont révélé, au-delà des intentions, le même manque d’efficience", soulignent nos confrères de La Lettre. "Cette idée qu’il y aurait eu de nouvelles évaluations de l’UE défavorables à Monaco, conduisant à cette décision brutale, c’est totalement faux", assure de son côté Pierre-André Chiappori, rappelant à nouveau cette politique de quasi-automaticité avec la liste grise du GAFI.
La Principauté s’est en effet toujours montrée confiante sur sa sortie de la liste grise d’ici à 2026. À l’image de l’optimisme affiché part le prince Albert II lors d’une interview accordée à la presse locale en mai dernier. "Les inquiétudes suscitées par l’inscription de Monaco sur la liste grise du GAFI étaient légitimes, mais force est de constater que l’impact, pour l’instant, reste assez limité. Les fondamentaux de notre économie restent stables et durables dans les secteurs clés de la finance, de l’immobilier ou du tourisme. [...] Nous restons totalement mobilisés pour accompagner cette dynamique et pour mener à bien toutes les actions nécessaires en vue de la sortie de la liste grise. Nous avons eu des rapports intermédiaires oraux qui sont plutôt positifs, disant que nous sommes sur la bonne voie", assurait le Souverain.
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