Procès du 14 juillet: "La prom bleutée par les gyrophares, signe de l’agitation et le silence de mort", un policier raconte ce contraste saisissant

Attentat du 14 juillet. Damien Delaby, chef de la division criminelle de Marseille, a été appelé pour réaliser les premières constatations sur une scène de crime hors norme de 1 845 mètres.

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Stéphanie Gasiglia Publié le 26/04/2024 à 08:00, mis à jour le 26/04/2024 à 08:00
Damien Delaby est venu, comme en première instance, expliquer les difficiles constatations effectuées avec son équipe venue de Marseille. (Photo S. G.)

"Secteur A1: deux corps, (...) A 5: trois victimes, (...) A 7: des traces de pneus relevées pour un virage à droite et viser, délibérément, le stand de bonbons, deux corps"...

Dans la salle Grand procès, le temps est suspendu. Terrible énumération, jusqu’à A15: le dernier secteur, celui des deux premières victimes de la folie meurtrière du terroriste du 14 juillet 2016, Fatima Charrihi et Rachel Erbs.

La scène de crime hors norme, jonchée de corps sous des draps, des matelas, des bâches, qui s’étire sur 1.845mètres, est disséquée. C’est le trajet mortifère de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel au volant de son 19-tonnes lancé à vive allure pour massacrer et massacrer encore. Des photos, des croquis apparaissent à l’écran, alors que des parties civiles s’échappent de la salle. Elles ne veulent pas, ne veulent plus, revoir cette promenade devenue cimetière à ciel ouvert.

Appel de l’état-major à 22h45

À la barre de la cour d’assises spéciale de Paris qui juge en appel, depuis lundi, l’attentat du 14 juillet 2016, Damien Delaby est à la fois technique, précis et foncièrement humain. En juillet 2016, il était à la tête de la division criminelle de Marseille.

Ton sobre, voix assurée, il raconte, comme si c’était hier, cette scène de crime sur laquelle il a déboulé avec ses hommes, vers 1h45, sans savoir ce qui l’attendait vraiment. À jamais, il se souviendra de l’appel de son état-major vers 22h45, de la voix "blanche" du permanent au téléphone, puis des difficiles constatations sur les différents secteurs, jusqu’au retour à Marseille, "où il a fallu prendre du recul". Et cette sensation étrange à son arrivée: "Le contraste saisissant entre le bleuté de la Prom’, à cause des gyrophares, et le silence de mort qui régnait. Et ces rafales de vent qui balayaient les lieux."

"Les enquêteurs, pourtant aguerris aux constatations, n’avaient jamais été confrontés à une scène pareille", souffle le commissaire, belle allure dans son costume gris-bleu. Une scène qui "dépassait l’entendement", en raison du nombre de morts, bien sûr, mais surtout par la "volonté évidente du terroriste de faire délibérément le plus de victimes possible".

"Avait-il des complices?"

Lorsqu’il arrive à Nice, l’attentat est terminé, mais lui et ses hommes doivent gérer une inconnue: le terroriste avait-il des complices, des soutiens? "Notre objectif était de les débusquer, de trouver les éventuels protagonistes de l’attaque", révèle le commissaire.

Ensuite, il a fallu trouver les indices qui pourraient servir à l’enquête, dénicher les éléments qui pourraient servir à identifier les 70 victimes encore sur place. Et puis, glisse, ému, l’homme derrière le policier, "on a relevé des objets qui n’intéressaient pas l’enquête mais qui avaient une forte charge symbolique et émotionnelle". Des miettes de vie d’enfants brisés en un souffle, des objets figés dans le sang et les larmes. Geste d’humanité mêlé aux gestes techniques.

De ce 14 juillet, Damien Delaby n’est pas ressorti indemne. Marqué, oui, bien sûr, "mais c’est incomparable avec ce qu’ont vécu les victimes", tempère-t-il. Son rôle, il le définit à la barre, comme "une œuvre de justice".

"Un devoir de mémoire"

"Ceux qui se sont engagés sur la promenade des Anglais, sur cette scène de crime, les enquêteurs, mais aussi ceux qui sont allés au contact des familles, la médecine légale, étaient mus par le devoir. Un devoir pour les victimes que nous avons vu étendues sur le sol, pour leurs familles. Oui, nous avons participé à une œuvre de justice, mais avec le recul, c’est aussi un devoir de mémoire", conclut le commissaire.

 

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