Plongée historique dans l’école d’autrefois à Menton

À l’occasion de la rentrée scolaire, nous nous sommes plongés dans les délibérations du conseil municipal de Menton – entre 1850 et 1980 – pour raconter, via des anecdotes, ce qu’était l’enseignement dans le passé.

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Alice Rousselot Publié le 31/08/2025 à 16:00, mis à jour le 31/08/2025 à 17:12
Les établissements scolaires sont nombreux dans la ville à avoir subi de graves dommages de guerre. Photo archives municipales de Menton

Mais oui, mais oui, l’école est... repartie! En ce jour de rentrée scolaire, et si l’on embarquait dans la machine à remonter le temps pour découvrir ce qu’était, autrefois, l’enseignement à Menton? Direction: la base de données numérique des archives municipales.

En ciblant plus précisément les délibérations du conseil municipal. Car derrière de tels actes administratifs se cache bien souvent le témoignage d’une époque.

Un peu de patience – et de bons yeux pour décrypter certaines écritures nébuleuses – permettent ainsi de trouver des petites merveilles. Et de mettre le doigt, parfois, sur une modernité insoupçonnée.

Au gré des années et des maires qui se succèdent, il est principalement question de demandes de subventions, d’acquisitions de terrain pour créer de nouveaux établissements, de demandes de bourses pour entrer dans de grandes écoles, d’une mixité progressivement instaurée, puis de travaux d’agrandissement et d’entretien… Mais quelques anecdotes méritent plus spécifiquement le détour.

1850: création d’une école et d’une salle d’asile pour filles

Attention, faux ami. Jamais il n’a été question de placer les jeunes Mentonnaises en hôpital psychiatrique. Les salles d’asile étaient en effet l’ancêtre des écoles maternelles, fondées entre 1881 et 1887. En 1850, c’est bien de la scolarisation (gratuite) des filles dont il est question. Le conseil municipal s’y engage, au motif que "l’instruction est le premier parmi les besoins d’un peuple, qu’elle seule est capable de donner aux enfants la notion des lois et des vertus civiques dignes d’une patrie libre".

On juge alors que la salle d’asile est "une de ces institutions qui honorent le plus notre siècle, par elle, les enfants en bas âge apprennent les premiers éléments de la civilisation chrétienne".

Et si la formulation prête à sourire, le geste à l’attention de la gent féminine est réel: "La femme, la plus gentille des créatures, cette belle moitié du genre humain, a comme l’homme besoin d’instruction pour le bien-être de la famille et de la société", assume-t-on. Il faut dire qu’en 1850, la loi Falloux vient d’être votée, fixant l’objectif d’une école primaire pour filles dans chaque commune de plus de 800 habitants.

Mais Menton va plus loin, et, conscient que la ville est dépourvue d’une école gratuite pour les jeunes filles, entend ainsi faire en sorte que "la classe pauvre ne soit plus privée d’instruction".

1861: cession de deux terrains pour des écoles et un hôpital

Qui dit création d’écoles, dit terrain à trouver. En 1861, on assiste ainsi à une guéguerre d’altruisme entre une noble citoyenne et le maire de l’époque – vraisemblablement Charles Gratien de Monléon.

On appréciera le style ampoulé de la délibération: "Il est tout heureux de pouvoir annoncer au Conseil que Madame Honorine Ardoïno, née de Monléon, animée de sentiments de philanthropie et d’humanité bien connus, désirant contribuer à l’instruction, s’est chargée d’offrir à cette commune pour la construction de l’hôpital et d’une école de jeunes filles un grand terrain qu’elle possède en cette ville au quartier Saint-Julien (....) Lui-même, jaloux d’imiter cet exemple, est également prêt à céder à juste estimation un terrain qu’il possède sur la place de la Conception près de l’église pour y construire les écoles de garçons en y annexant un autre terrain attenant et appartenant au nommé Pierre Viale maçon et que celui-ci est disposé à vendre."

La double proposition est naturellement validée par le conseil.

1870: pétition pour la création d’une école à Monti

Cette année-là, une pétition d’habitants du hameau de Monti circule. Leurs doléances? Ils "réclament qu’une école mixte soit créée au hameau de Monti afin que leurs enfants puissent profiter des bienfaits de l’instruction".

Les élus mentonnais ne tardent pas à reconnaître que cette demande est fondée. Aussi autorisent-ils le maire "à faire les démarches nécessaires pour se procurer un local convenable pour l’installation de cette école et pour le logement de l’institutrice".

1878: une école catholique se mue en école laïque

La loi de séparation entre l’Église et l’État n’a pas encore été votée – elle le sera en 1905 – et pourtant, la laïcisation de la société est en marche.

Comme en témoigne cette décision: "Vu la délibération en date du 18 février 1878, par laquelle le Conseil Municipal a demandé la suppression de l’école primaire congréganiste des Garçons, dirigée par les Frères des Écoles Chrétiennes. Vu la lettre du 5 avril 1878, par laquelle M. le Préfet reconnaît au Conseil le droit de convertir en école laïque la seconde école primaire de Menton, actuellement confiée aux Frères de la Doctrine Chrétienne, le conseil décide la transformation dont il s’agit, à partir de l’époque à laquelle l’école congréganiste sera définitivement supprimée, soit à la rentrée des classes de 1879."

1880: l’ex-mairie devient école

Le conseil municipal s’engage, en 1880, à convertir en une école primaire laïque les bâtiments de l’ancienne mairie. Le devis fourni l’année suivante par l’architecte de la Ville avoisine les 10.200 francs. Une grosse somme pour l’époque.

Aussi fait-on remarquer que "les finances de la commune étant insuffisantes pour faire face à tous ses besoins, il conviendrait d’adresser au gouvernement une demande de subventions, afin que la Ville puisse bénéficier des dispositions de la loi du 1 juin 1878". Car l’article premier de ladite loi est clair: "Une somme de soixante millions de francs est mise à la disposition du Ministre de l’instruction publique pour être répartie, à titre de subvention, entre les communes, en vue de l’amélioration ou de la construction de leurs bâtiments scolaires et de l’acquisition des mobiliers scolaires."

1900: création d’une "école volante d’agriculture"

Il aurait pu être question d’un lycée agricole. Mais Menton opte pour une "école volante d’agriculture". Un projet lancé à titre d’essai – pour une période de trois ans – grâce à la mise à disposition de champs d’expérience par Constantin Cernuschi.

En 1903, pourtant, un élu demande de supprimer la subvention accordée au motif que "l’école ne fait pas œuvre utile au paysan en s’occupant presque exclusivement de la culture des arbres fruitiers, des vignes et des plantes maraîchères et légumineuses, négligeant les oliviers et les citronniers qui forment la base principale de la culture du pays et dont la disparition serait la ruine agricole de notre ville en même temps qu’elle porterait un très grand préjudice à notre station d’hiver".

Défendue par le maire, l’école volante continuera malgré tout à être financée.

1911: pour le rétablissement des prix décernés aux élèves

Cette année-là, un élu demande que l’on recommence à distribuer des prix dans les écoles primaires de Menton et de Monti.

"Cela a le double avantage de retenir les élèves dans les classes jusqu’à la fin de l’année et de stimuler leur ardeur au travail. Les crédits ont été supprimés quelques années auparavant au profit de l’achat de livres pour la création de bibliothèques scolaires. Mais de l’avis des instituteurs, ces dernières sont largement pourvues", argue-t-il. Obtenant sans difficulté gain de cause.

1920: indemnités de vie chère pour les concierges

"Par délibération en date du 2 avril 1919, le conseil municipal a accordé une indemnité de vie chère à tous les employés et agents municipaux. L’administration municipale précédente avait estimé que les concierges des écoles logés dans les établissements scolaires n’auraient pas droit à cette indemnité. Ils demandent maintenant à en bénéficier", avance-t-on en conseil, renouvelé après les élections municipales de 1919.

Les élus acceptent, à condition que l’indemnité "ne soit payée qu’au chef de famille lorsque les deux conjoints sont salariés municipaux".

1922: pour l’acquisition de matériel Montessori

En vogue aujourd’hui, la méthode pédagogique imaginée par Maria Montessori en 1907 avait également tapé dans l’œil du maire en 1922. En conseil municipal, on évoque en effet une lettre du ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts à ce sujet.

Où il est écrit que "la demande de concession d’un matériel Montessori présentée par le maire lors de son dernier voyage à Paris recevrait prochainement une solution".

L’élu rapporteur complète: "La Ville a été informée depuis que ce matériel serait cédé à moitié prix, soit 600 francs."

1940: l’école de Monti très endommagée par la guerre

Les guerres n’épargnent pas l’éducation. Le conseil municipal, en 1940, expose ainsi que "l’école a été très endommagée par l’explosion d’un dispositif de destruction de la route de Sospel voisin. Le devis s’élève à 50.000 francs".

En raison de l’urgence – les locaux provisoires n’ayant aucun confort – le maire demande "de commencer les travaux sans délai et d’en confier l’exécution aux ouvriers de la Ville titulaires. Les fournisseurs adjudicataires de la ville se trouvant en zone occupée, les matériaux nécessaires pourront être achetés à Nice autant que possible."

1941: une rentrée sous occupation italienne

Le propos de l’affiche est, au fond, d’une relative normalité. "Les inscriptions sont ouvertes pour l’année 1941-1942. L’inauguration de l’année scolaire aura lieu la matinée du dimanche 5 octobre. Les élèves et leurs familles sont invités à la cérémonie."

Mais c’est la langue utilisée qui détonne: l’italien. Et l’en-tête de l’affiche: commissariat civil des territoires français occupés de Menton.

1947: distribution de lait chocolaté

Des écoles "en plein air" ont été instituées dans le passé à Menton. Cette image a probablement été prise en 1945. Photo archives municipales de Menton.

Sans doute motivée par des années de restrictions, la préfecture vient de faire savoir que des subventions seraient versées "aux municipalités qui prendront l’initiative de faire distribuer une tasse de lait chocolaté aux élèves des écoles". À Menton, la réflexion est de courte durée: "Il semble que l’époque à laquelle une distribution serait désirable soit l’hiver."

Dans la même délibération, on souligne que "la commune a pu remettre sur pied la cantine scolaire réservée aux enfants déficients ou à ceux qui demeurent loin de l’école. Elle distribue des repas substantiels aux conditions les plus avantageuses, les élèves indigents bénéficiant de la gratuité complète."

1947: inspection dentaire

Nul ne saurait dire s’il faut tenir le lait chocolaté pour responsable. Mais la même année, on décide de mettre en place un service d’inspection dentaire pour tous les élèves fréquentant les établissements scolaires de Menton. En accord avec les chirurgiens-dentistes de la Ville et le médecin inspecteur des écoles.

1947: une ligne directe pour l’école de l’Hôtel de ville

Le directeur de l’école n’y va pas par quatre chemins: il souhaiterait que le téléphone soit installé dans l’établissement qu’il dirige. Au motif qu’il "reçoit de l’autorité académique des notes administratives qu’il est chargé de diffuser dans le canton".

Et que ses fonctions "l’appellent à entrer en contact avec les autorités dont il dépend et il ne peut leur téléphoner qu’après les heures de classe et en quittant l’école". Les élus y répondent favorablement.

1961: Réouverture de l’école française de Vintimille

Le chantier de construction de l’école Camaret, en 1961. Photo archives municipales de Menton.

Alors que la convention tripartite entre les Villes de Menton et Vintimille ainsi que l’Éducation nationale vient d’être amendée, la délibération votée en 1961 ne laissera personne indifférent.

"L’école française de Vintimille a ouvert ses portes ‘officiellement’ en 1921. Fermée en 1939 lors du déclenchement de la 2ème guerre mondiale, sa réouverture a été maintes fois sollicitée. Des démarches entreprises le 16 juillet 1956, à la demande des Agents de la SNCF seuls fonctionnaires se trouvant dans l’obligation de résider en cette Ville, viennent d’aboutir. Les deux classes ont été installées dans un local loué à la Ville de Menton. Il se situe aux 152 et 154, Via Tenda. Le montant annuel de la location est de 7.680 NF."

1978: Le nom de Robert Debré donné à la nouvelle maternelle

Une nouvelle école maternelle a ouvert dans le quartier La Valière. Mais il lui manque encore une chose. Un nom. "Je vous propose de retenir le nom du Professeur Robert Debré, Membre de l’Institut, dont les travaux de recherche ont porté essentiellement sur les maladies des enfants et la pédiatrie sociale, avance le maire. Il est bon que nos enfants, dès leur plus jeune âge, apprennent à connaître, à travers le nom de leur école, ceux de nos concitoyens qui ont contribué à la grandeur de notre Pays."

Les documents numérisés des archives municipales de Menton sont consultables par tous au lien suivant: http://archives-menton.fr

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