Il y a 50 ans, le prix Nobel français de littérature Saint-John Perse disparaissait à Hyères

Histoire Le 20 septembre 1975, disparaissait le prix Nobel français de littérature dans sa villa de la presqu’île de Giens.

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André Peyrègne Publié le 20/09/2025 à 15:00, mis à jour le 20/09/2025 à 15:00
Saint-John Perse. Photo DR

Saint-John Perse est mort. La nouvelle du décès, à Hyères, du Prix Nobel de littérature, le 20 septembre 1975 - il y a cinquante ans - ne fut annoncée que plusieurs jours après.

L’écrivain avait demandé que l’information de sa disparition ne fût pas connue avant son inhumation. Il fut enterré le lundi 22 septembre dans la plus stricte intimité dans le cimetière marin de Giens. Il avait 88 ans.

Il y repose sous une simple dalle de granit. Sa nécrologie dans le journal Le Monde fut écrite par le professeur de littérature de l’Université de Nice Jean Onimus.

Confidences du vent

Lorsqu’on va rendre visite à Saint-John Perse en sa dernière demeure, il faut écouter les confidences du vent. Ce fut le compagnon de toute sa vie, lui qui était né à Pointe-à-Pitre en 1887.

Le vent, il l’avait connu enfant, aux lisières brûlantes de la Guadeloupe, mais là c’était le vent violent des "tempêtes d’équinoxe" qu’il disait porteur de secrets. Il a continué à hanter ses écrits.

Lorsqu’on parcourt les lieux que Saint-John Perse a aimés dans la presqu’île de Giens et où il a fini sa vie, on l’imagine, longue silhouette, moustache fine, chapeau rond de propriétaire terrien.

On le revoit en pensée arrivant au petit au port du Niel. Il longe la route du Sel, entre salins et plage, dont les paysages de salicornes, la lumière changeante et les reflets marins ont trouvé écho dans sa poésie.

On l’imagine se dirigeant vers sa villa des Vigneaux par l’actuelle allée qui porte son nom, dans le quartier dit de la Polynésie, prolongée par celle de la Pinède.

Sa villa s’aperçoit, au loin, parmi les frondaisons. Dans cette villa, pour signaler sa présence, il hisse deux drapeaux: un portant en calligramme chinois son véritable nom de Leger (sans accent) et un autre avec la lettre P qui signifie à la fois Perse et "de passage" ou encore "en partance".

Ce sont les deux états des êtres humains sur cette terre. Dans sa demeure au style colonial, il s’enferme. écrit. Ne reçoit personne…

Femme américaine

C’est en 1957 que Saint-John Perse vint s’installer dans la presqu’île de Giens aux Vigneaux, à l’âge de 70 ans, rejoint par sa femme Diane, vingt ans de moins que lui, épousée en Amérique.

Il partagea ensuite son temps entre Giens et l’Amérique. Cette villa lui avait été trouvée par une de ses amies, l’écrivaine et musicologue Mina Curtiss. Il s’y laissa prendre par "l’admirable scandale du beau temps méditerranéen".

Carrière de diplomate

Saint-John Perse n’a jamais levé le mystère sur la signification de son étrange pseudonyme. Diplomate, il fut secrétaire général du Quai d’Orsay de 1933 à 1939.

Il participa à toutes les grandes négociations internationales de l’époque comme celle de Stresa en avril 1935. Une photo le montre accompagnant Daladier lors des accords de Munich le 29 septembre 1938, derrière Hitler, entre Chamberlain et Mussolini.

Mais, plus tard, ayant manifesté son hostilité à la capitulation de la France, il fut déchu de la nationalité française, radié de la Légion d’honneur et privé de ses biens par le gouvernement de Vichy.

Il s’exila alors aux États-Unis. Rétabli dans ses droits par le Général de Gaulle, il décida de revenir en France.

"Bonjour, Monsieur le Président"

Le seul jour où il y eut vraiment de l’animation dans sa villa des Vigneaux à Giens c’est lorsque, le 26 octobre 1960, il apprit qu’il avait reçu le prix Nobel de littérature.

Ce prix récompensait une œuvre à l’écriture souvent hermétique, plutôt difficile, mais chargée d’une force poétique – une œuvre qui serait par la suite honorée d’une publication intégrale dans la Pléiade.

Lorsque tomba la nouvelle de son Nobel, la villa fut assaillie par les journalistes et amis. Tandis que le vent agitait les pins parasols devant la maison, l’écrivain, costume clair et cravate sombre, s’avança vers les visiteurs…

"Bonjour Monsieur le Président", dit-il en tendant la main à un homme en costume sombre et chapeau mou. C’était l’ancien président de la République Vincent Auriol. Il faisait partie de ses amis.

"Mon prix est un honneur pour la poésie plus que pour moi", déclara-t-il à un journaliste! La poésie était ce qui donnait un sens à son existence. "Pourquoi écrivez-vous?", lui demandait-on. Il répondait: "Pour vivre!"

Emporté par la poésie

Tombe de Saint John Perse à Giens. Photo DR.

La poésie de Saint-John Perse, qui lui a valu le Nobel, n’est pas d’un accès immédiat. Il faut se laisser emporter par elle. Dans cet extrait, il est question de mer et de Midi, lors de son arrivée à Hyères.

"J’ai vu sourire aux feux du large la grande chose fériée: la Mer, en fête de nos songes, comme une Pâque d’herbe verte et comme fête que l’on fête. Toute la Mer en fête des confins, sous sa fauconnerie de nuées, blanches, comme domaine de franchise et comme terre de main morte, comme province d’herbe folle et qui fut jouée aux dés…"

"Inonde, ô brise, ma naissance! Et ma faveur s’en aille au cirque de plus vastes pupilles!… Les sagaies de Midi vibrent aux portes de la joie. Les tambours du néant cèdent aux fifres de lumière. Et l’Océan, de toutes parts, foulant son poids de roses mortes. Sur nos terrasses de calcium lève sa tête de Tétrarque."

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