Accès en train, éclairage, rues sans noms... Les préoccupations de Monaco au XIXe siècle pour attirer les touristes
Favoriser l’accès à la Principauté, proposer un éclairage au gaz, donner un nom aux rues : voilà quelques sujets qui préoccupèrent les Monégasques pour améliorer la vie des touristes au XIXe dans les étés de jadis.
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André PeyregnePublié le 27/07/2025 à 09:00, mis à jour le 27/07/2025 à 09:00
La Principauté de Monaco au XIXe siècle.DR
Mais comment vivait-on quand Monaco n’était encore qu’un petit État baigné par la Méditerranée à l’écart du monde – quand Monte-Carlo n’existait pas, quand le train n’arrivait pas, quand les dessertes routières étaient miséreuses et les chemins d’accès se perdaient dans la garrigue ou les cailloux, quand les touristes étaient rares voire inexistants, quand les services publics étaient rudimentaires?
Peu de rues avaient des noms. Il était difficile de s’y retrouver! La nuit était noire. Il n’y avait pas encore d’éclairage au gaz. Était-on moins heureux qu’aujourd’hui? Ce n’est pas sûr! Éternelle question sur les bienfaits du progrès…
C’est dans les étés de cette Principauté-là que nous allons une nouvelle fois nous promener, le nez au vent, au long des rivages étincelants de la Méditerranée, dans les effluves d’une végétation à la fois provençale et quelque peu tropicale.
1865: "Monaco est pour Nice ce que Versailles est pour Paris"
Avant que le train n’arrive, il était plus simple de venir à Monaco en bateau. C’était le cas en 1865. Mais encore fallait-il convaincre les touristes venus à Nice de se rendre jusqu’en Principauté.
C’est ainsi que dans son édition du 2 juillet, le Journal de Monaco essaie de convaincre les voyageurs de poursuivre jusqu’à Monaco par voie maritime:
« Nice est une tête de ligne ferrée, une des bonnes escales de la Méditerranée française. Son importance grandit; son mouvement commercial se développe. Ajoutez à cela une position charmante, entourée de riantes montagnes aux plans capricieusement inclinés qui laissent s’ouvrir à leurs pieds de jolies vallées, bien cultivées, où rient des villas confortables sous les opulents ombrages que les hommes du nord peuvent à peine imaginer et dont ils parlent avec un si grand enthousiasme.
Mais autour de Nice, sauf les paysages, qui valent bien quelques souvenirs de pierres légués par le passé, il n’y a d’autre attrait historique pour les excursionnistes que le chemin de la Principauté. Monaco est pour les étrangers à Nice, ce que sont Herculanum, Pompéi, les îles et le Vésuve pour Naples, ce que Versailles est pour Paris, un complément nécessaire de voyage, une visite obligée. Une heure de bateau à vapeur, et le paysage a changé: la côte, basse à Nice, est abrupte, élevée, dans la Principauté. L’aspect du pays prend un ton à la fois doux et grandiose: on sent qu’on foule une terre qui ne tourne pas dans l’orbite régulière des autres nations de l’Europe, et l’exiguïté même de son territoire donne plus de cachet à son indépendance. »
L’usine à gaz de Monaco qui permit la fourniture de l’éclairage au gaz.DR.
1865: une innovation, l’éclairage au gaz
Attirer les touristes à Monaco est une bonne chose. Encore faut-il leur assurer un séjour confortable. Or, voici qu’une innovation va leur rendre la vie plus simple: l’éclairage au gaz. Dans son édition du 16 juillet 1865, le Journal de Monaco fait le point sur ce qui est fait à Paris en la matière:
« Au moment où tout se dispose dans la Principauté, pour recevoir l’éclairage au gaz, nos lecteurs trouveront intéressant le récit succinct de l’établissement de ce système de lumière à Paris. Le premier essai de l’éclairage au gaz se fit dans la nuit du 31 décembre 1829, au 1er janvier 1830, rue de la Paix; puis, six mois après, rue Vivienne. À partir de 1830, il fut adopté dans les principaux quartiers de Paris. En 1859, huit compagnies existaient, dont le capital était de plus de trente millions; elles se sont fusionnées et portent maintenant le titre de Compagnie Parisienne pour l’éclairage et le chauffage par le gaz.
En l’année 1855, la production du gaz a été de 40.774mètres cubes, en 1860, elle était de 75.418 en 1861, de 84.230; en 1862 de 92.402; en 1863 de 100.833. Le développement des tuyaux de conduite atteignait en 1860, 817 kilomètres, en 1862, 924; en 1863, 1037. L’usage du gaz s’est propagé principalement dans les rez-de-chaussée.
On est loin d’en avoir généralisé l’emploi, comme en Angleterre, où on le retrouve presque dans toutes les pièces et à tous les étages. Il y a à Paris dix usines à gaz. Elles occupent environ 2.700 ouvriers. L’administration de la Compagnie parisienne emploie, en outre, des manœuvres, une armée d’allumeurs, ayant pour tâche l’allumage, l’extinction et l’entretien des lanternes, dont le salaire varie de 0,55 à 0,70 francs… »
Et c’est ainsi qu’en 1865, une usine à gaz fut construite à Monaco en lisière du port, avec le premier gazomètre cylindrique destiné à fournir l’éclairage public de la Principauté. Le premier Grand Prix automobile de Monaco, organisé en 1929 empruntait un tracé avec une épingle appelée "virage du Gazomètre", dont le nom est resté dans l’histoire de la course automobile.
1875: il faut donner des noms aux rues
Nous voici en 1875. Cette fois-ci, le train est arrivé à Monaco, la Principauté est éclairée au gaz, les touristes aristocrates viennent en masse de tous les coins d’Europe. Un problème: ils se perdent dans les rues.
Le 20 juillet 1875, le Journal de Monaco tire la sonnette d’alarme: il faut donner un nom aux rues. « Par suite de l’augmentation incessante de la population de la Principauté, le nombre des habitations est devenu beaucoup plus considérable; certains quartiers se sont complètement transformés. Des rues nouvelles ont été créées mais ces rues ne portent pas de nom et leurs maisons ne portent pas de numéros; il en résulte des confusions et des erreurs d’adresses regrettables.
Afin de remédier à cet état de choses préjudiciable aux habitants et aux étrangers, l’administration de la Principauté doit prochainement faire procéder au recensement des rues et des maisons; quand cette opération préliminaire sera terminée, on donnera des noms aux rues, des numéros aux maisons, destinés à les faire reconnaître facilement. »
1875: nomination d’un ambassadeur de Monaco auprès du Saint-Siège
1875 n’a pas été qu’une année considérable au plan touristique. Elle l’a été aussi au plan religieux. Et cela est important en Principauté, où le catholicisme est religion d’État. Monaco ayant obtenu du pape Pie IX son indépendance religieuse par rapport à Nice, la décision a été prise de construire une nouvelle cathédrale .
Mais le Journal de Monaco, dans son édition du 27 juillet 1875 – il y a cent cinquante ans – annonce également la nomination auprès du Saint-Siège de Rome d’un ministre plénipotentiaire auprès du pape. Il s’agit d’Ottaviano Naldini. La nouvelle est d’importance, même au plein cœur de l’été. Le diocèse de Monaco sera définitivement établi en 1887 par le pape Léon XIII.
Ainsi, de considérations touristiques en sujets spirituels allait, jadis, la vie des étés à Monaco…
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