"J’ai accompagné Mika Biereth acheter une trottinette": avant le match face à l'OM, Breel Embolo se confie sur sa relation avec le Danois et la saison de l’AS Monaco
Breel Embolo fait partie des plus anciens joueurs de l’effectif monégasque. Pour Nice-Matin, le Suisse a pris le temps de livrer sa vision sur la saison actuelle et expliqué sa connexion avec son compère et voisin Mika Biereth.
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Vivien Seiller et Christopher RouxPublié le 11/04/2025 à 10:50, mis à jour le 11/04/2025 à 10:50
interview
Breel Embolo s’est livré au centre d’entraînement de l’AS Monaco, ce jeudi midi.Cyril Dodergny / Nice Matin
Jeudi, c’était journée médiatique dans les rangs de l’AS Monaco. Plus précisément du côté du centre d’entraînement de La Turbie. Alors qu’il venait de finir de répondre aux questions de Nice-Matin sur la saison en cours, ses performances ou encore ses origines, Breel Embolo n’a pas hésité à chambrer son copain Mika Biereth, ce jeudi midi, alors même que le Danois était en pleine interview pour le diffuseur du match face à l’OM (samedi, 17h). Complémentaires, le Suisse et le meilleur buteur de l’AS Monaco (12 buts) sont devenus proches au quotidien. Une dimension humaine chère au numéro 36, qui n’oublie pas d’où il vient ni ce qu’il doit à son entourage. Échanges avec un homme entier aux efforts pas toujours récompensés.
En Ligue 1, vous n’avez jamais gagné contre Lens, Rennes et l’OM. C’est pour samedi?
Pour ne parler que de l’OM, j’ai un souvenir du match à domicile (défaite 3-2 en octobre 2022) et de la grave blessure d’Amine Harit. C’est vrai que je n’avais pas commencé, comme au match aller cette saison. Cette fois, j’espère débuter: ça augmenterait la chance de pouvoir changer cette stat (sourire). Pour moi c’est une grande équipe. J’ai beaucoup d’amis là-bas: Amine Harit, (Ulisses) Garcia, (Adrien) Rabiot… Ce serait bien et important de gagner pour le championnat.
Vous échangez avec Ulisses Garcia, qui a la même nationalité que vous?
On se parle régulièrement, il a passé des moments difficiles cette saison. C’est un ami proche: on prend des nouvelles, on est content quand l’autre a un impact… Comme Amine Harit, que j’ai côtoyé pendant trois ans à Schalke. Quand ils viennent ici ils passent à la maison, on va manger. L’humain est important pour nous, mais samedi (demain) on ne se fera pas de cadeaux (sourire).
L’international suisse n’a "pas besoin des critiques pour être plus motivé."Cyril Dodergny / Nice Matin.
On a parfois du mal à expliquer l’irrégularité des résultats de l’équipe. Vous aussi?
Certaines défaites n’étaient pas méritées. Les trois matchs contre Benfica (défaite 3-2, 1-0 et match nul 3-3), je n’ai pas vu une séquence où ils étaient meilleurs que nous. Contre Paris à la maison, le résultat est un peu sévère (défaite 4-2) même si on voit où ils sont aujourd’hui. La réception d’Angers (défaite 1-0), là, c’était mérité. On était complètement à la rue en première mi-temps, on ne méritait pas plus qu’un point. Mais tous les autres points qu’on a laissés filer sont durs à accepter. À Brest, on savait ce qui nous attendait avec des longs ballons (défaite 2-1). Donc c’est dur de rentrer à la maison en se disant qu’on avait pourtant parlé de ça avant…
Pourquoi perdez-vous autant de points, alors ?
C’est le football (sourire). Il n’y a pas de règle. Ça montre aussi la difficulté de ce championnat. Je peux comprendre que ça puisse être frustrant, nous aussi on est frustré et on essaie de mieux faire. On se dit: "Pourquoi ne pas se rendre la vie simple?" Quand tu rates des occasions et que tu n’es pas où tu voulais être en fin de saison, tu commences à te souvenir de ces matchs-là et tu te dis que c’est dommage… mais c’est trop tard.
Les supporters et les suiveurs ne vous ménagent pas toujours. Est-ce que vous lisez ce qui se dit, quitte à vous en servir pour vous booster?
Je n’ai pas besoin des critiques pour être plus motivé et me pousser. Quand je rentre sur le terrain, c’est pour faire gagner mon équipe. Si on regarde ma première année ici, j’ai fait une très bonne saison (12 buts). Je ne crois pas que beaucoup de gens attendaient ça de ma part. Après le départ de Wissam (Ben Yedder), on me voyait un peu dans son rôle. Honnêtement, je ne trouve pas que ma saison est catastrophique. Ce que je peux me reprocher, c’est de ne pas me récompenser moi-même. Je comprends qu’on me juge: des fois, on voit mon apport mais on peut être déçu que ça ne soit pas abouti avec un but. Je vois les critiques comme positives, ça montre la qualité et les attentes. S’il n’y a aucune attente, il n’y a pas de critique.
Le numéro 36 de l’ASM revient souvent au Cameroun, sur les traces de son enfance.Jean François Ottonello / Nice-matin.
Il faut mieux voir les choses de l’ombre pour juger votre apport?
Il faut te récompenser toi-même pour que les autres te récompensent aussi. Il y a beaucoup de matchs où je n’ai pas eu cette récompense, contrairement à ma première saison. Quand tu débloques les choses, que tu es léger et que tu ne réfléchis pas trop, tout rentre comme tu veux. Cette saison, j’ai raté l’occasion de débloquer ce truc qui fait que si un ballon me tape sur la tête, il ira dans le but. Mais c’est toujours possible. J’essaie de ne jamais mettre mes intérêts personnels avant l’équipe, même si c’est sûr que c’est important de marquer. Mais je ne serai jamais content si je reste 90 minutes sans rien faire, sans gagner de duels, même si je marque un but à la 70e.
On a le souvenir d’un Embolo un peu plus véloce avant la blessure au genou (août 2023), moins musculeux qu’aujourd’hui. C’est le cas?
Oui et non. Je n’ai jamais été un joueur qui prenait la profondeur comme Balogun, ça c’est sûr. J’ai toujours aimé m’impliquer dans le jeu et dans les duels. Mais ça dépend de ce qu’on me demande, j’essaie de m’adapter et de voir ce qu’on attend tactiquement de moi. Il y a des matchs où j’ai vraiment attaqué la profondeur parce que c’était le plan de jeu, à Paris par exemple. Même contre Marseille, comme on sait que l’adversaire est super haut… Il y a vraiment une idée derrière ce que je fais, notamment par rapport à ma capacité à pouvoir faire jouer les autres autour de moi.
Comment expliquer votre connexion avec Mika Biereth?
On s’est vite trouvé. On ne réfléchit pas deux fois pour se donner les ballons. Dès le début, il a vu que je ne suis pas un attaquant qui cherche uniquement la lumière et le but. C’est aussi son cas. Ses douze buts peuvent être trompeurs, mais Mika ne cherche pas que la frappe. J’entends beaucoup de gens me dire: "Vous avez trouvé un bon finisseur." Je leur réponds: "Non, il apporte plus, il apporte des courses." Je me souviens de son premier match au Louis-II, il peut finir avec trois passes sur les quinze premières minutes. J’aime ça. Vous voyez comment je célèbre ses buts. Il en a mis des fantastiques. Avec Mika, on parle énormément de foot. L’homme, lui, est simple. Il a pris le numéro 14 de Jakobs, un ami que j’appréciais beaucoup au club. Tout le monde dit que si on est copain, c’est parce qu’il a pris ce numéro (sourire). Il est hyper ouvert et on rigole beaucoup.
Vous faites beaucoup de choses ensemble?
Oui, on est voisin. L’autre soir, il m’a appelé à 17h parce qu’il voulait acheter une trottinette. Il n’a pas encore sa voiture. Il m’a dit: "Tu peux m’accompagner à Carrefour?". Je lui ai dit "oui" et ma femme m’a regardé en me disant: "Mais vous êtes bizarres tous les deux. Vous êtes deux mecs qui allez acheter une trottinette à 17h (rire)". J’ai pris mon fils et on y est allé. À partir du moment où il y a cette connexion sur le terrain, ça simplifie aussi la vie en dehors.
À 5 ans et demi, vous débarquez en Suisse, à Bâle, dans un quartier Matthäus où 70 nationalités cohabitent. Qu’en retenez-vous?
De la gratitude. Cela fait partie de ma personnalité. Je ne me rappelle pas de mes cinq premières années au Cameroun mais quand on me parle de mon enfance, pour moi, je ne vois que ce temps à Bâle avec mes copains. C’est ce qui m’a amené au foot aujourd’hui. Enfant, j’ai fait des bêtises mais c’est là que j’ai été ramené dans le droit chemin au bon moment. Le jour où j’ai été capitaine de la Suisse (lors de la dernière trêve internationale), j’ai vraiment pensé à ce que cela veut dire de sortir de ce quartier. Ce n’est pas un quartier dur comme on peut en connaître en France, mais c’était modeste et ce n’était pas simple. Beaucoup de gens et de coachs m’ont aidé. Je suis super croyant et ma famille aussi. Ce n’est pas seulement Dieu qui m’a poussé. De bonnes personnes l’ont fait aussi dans ma vie de tous les jours, à l’école comme au foot.
Elles vous ont dit quoi?
"Breel, tu as beaucoup de potentiel mais si tu ne le vois pas, on va essayer de t’ouvrir les yeux (sourire)." D’où ma reconnaissance aujourd’hui quand je revois toutes ces personnes. Je les invite et elles sont un peu choquées en me disant: "Après toutes tes réussites tu es ici, tu viens manger un grec, passer du temps et jouer au foot comme un mec normal". Je leur réponds que je suis un mec normal (rire). Ce n’est pas parce que je suis footballeur et médiatisé que je m’écarte de ce passé.
Que seriez-vous devenu si votre oncle, célèbre musicien africain, n’avait pas ouvert les portes de l’Europe à votre maman venue l’aider sur ses tournées?
J’aurais trouvé une solution pour faire quelque chose qui m’aurait fait plaisir.
Il paraît que vous aviez imaginé devenir cuisinier…
C’était à 12-13 ans parce qu’un grand du quartier était cuisinier et roulait en Range Rover. Il disait prendre 6 ou 7000 balles par mois et on se disait tous qu’on voulait être cuisiniers (rire). Il expliquait aussi qu’il faisait à manger aux filles et que ça marchait bien (rire). Finalement, j’ai fait un bac pro administration parce que ma maman voulait absolument qu’on fasse des études. Elle était derrière nous.
C’est là que vous aviez rencontré Jeannette Paolucci, votre maîtresse de stage et "votre seconde maman"…
Elle a fait partie de ces gens qui m’ont encouragé et pas seulement pour le foot. J’ai vécu cette période avec elle comme une chance. C’était au sein de l’association de football du Nord-Ouest (l’équivalent de la Ligue Méditerranée). Elle m’a poussé et considéré comme son fils. Quand il fallait faire les devoirs et que j’étais devenu pro, c’était le plus dur. Je faisais des nuits blanches parce que j’avais des matchs le mardi ou le mercredi en Ligue des champions et je devais être au travail le lendemain. C’était horrible. Je prenais le train et j’ai beaucoup appris.
Votre humilité, elle vient de là?
C’est ce qui m’a laissé les pieds sur terre, ce qui fait ma personnalité aujourd’hui. Les après-midi, je terminais les entraînements et je partais travailler. Les gars me disaient: "Tu es malade toi". Marco Streller et Matias Delgado (ses coéquipiers) me demandaient combien de temps j’allais mettre pour intégrer l’équipe nationale suisse avec tout ça (sourire). Ils me chambraient mais ils ne m’ont jamais dit d’arrêter. Ils me poussaient à continuer.
Du coup, la cuisine, c’est vraiment derrière vous?
Oui, je suis très nul. J’imagine cuisiner un truc et ça devient autre chose. Je n’y arrive plus (rire). Je sais faire des pâtes à la tomate et au thon. Après, c’est fini.
Comment se passent vos retours au Cameroun, l’autre pays de votre vie?
Pour moi, le Cameroun et la Suisse sont égaux. Ma famille vit toujours là-bas, mon papa notamment. J’ai mes cousins et mes demi-frères. Jeune, je ne pouvais pas rentrer tous les étés à cause du prix des billets d’avion. C’est pour ça que dès que j’ai pu partir de moi-même, ces dernières années, j’y suis retourné. Pour ne pas oublier cette part de moi, ma jeunesse et mes amis. Je vais à Yaoundé. Cette année, j’irai avec mes deux enfants, pour eux. On va essayer de se poser pendant deux semaines. Généralement, quand j’y retourne, on a des événements caritatifs avec ma fondation. Il y a cinq jours où je dois être partout, avec des gens que je n’ai pas vus pendant des années. J’essaie de tout faire en quelques jours.
Quels projets sont menés par votre fondation?
On a fait des hôpitaux, on ramène du matériel. On a ouvert des écoles et, en ce moment, on achète des machines pour faire des forages et ramener de l’eau dans des villages. On fait en fonction des besoins. C’est de l’argent et du temps aussi.
On a l’impression que votre aventure monégasque pourrait s’arrêter l’été prochain, à un an de la fin de votre contrat… Où en est votre réflexion?
J’ai un contrat et je me sens toujours aussi bien ici. J’adore le club, mes coéquipiers et les gens qui travaillent ici. Les objectifs de l’ASM répondent toujours aux miens: gagner des titres, jouer la Ligue des champions. Je peux comprendre aussi que le club réfléchisse.
C’est le club qui temporise?
Non, la réflexion vient des deux côtés. Il y a quatre-cinq mois, j’allais vous dire que je voulais absolument rester ici. Puis quand c’est devenu difficile, je me suis dit que trois jeunes attaquants étaient arrivés en deux ans et que c’était peut-être à moi d’être le prochain partant. Mais on joue aujourd’hui avec deux attaquants alors il y a plein de questions. Avec le club, c’est comme si on en était à 0-0. Je n’exclus pas de prolonger ou de partir si on me le demande. Si le club trouve attractif de me vendre, je le comprendrai. Et il y a aussi beaucoup de points positifs pour une prolongation. Il faut qu’on trouve un arrangement financier, ça compte aujourd’hui dans le foot. Ce sera aussi une décision familiale, mes deux enfants sont scolarisés à Monaco. Je ne me mets pas de pression. Le club sait ce qu’il a avec moi et vice-versa. C’est une bonne base. La discussion avec le club est ouverte. Elle est positive et honnête. L’honnêteté, c’est ce que je demande au club et je me l’impose aussi.
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