À Carros, on ne chante pas Le temps des cerises. On honore un autre fruit rouge. La fraise. Dans les années soixante, elle s’est bâti une solide renommée, dépassant les frontières du département. Depuis, à chaque printemps, la Ville organise sur la place des Plans, une grande fête qui lui est dédiée (1). Tous les ans, c’est une réussite. On vous raconte cette histoire à succès.
"La fête de Pâques s’est transformée"
Installé dans sa cuisine, Henri Giacomo se souvient. Depuis longtemps retraité, il a été producteur de fraises entre 1985 et 2005. "On faisait pousser en pleine terre avec ma femme." Enfant des Plans, on lui a raconté comment est née la Fête des fraises. "C’était dans les années 60-65. On faisait cuire l’agneau pour Pâques, sur la place des Plans [aujourd’hui place Louis-Frescolini]. Et un jour, certains producteurs de fraises se sont dit: “Tiens, pourquoi on n’irait pas faire goûter nos fraises gratuitement, aux gens qui vont à cette fête?" Car la fraise de Carros n’était pas encore connue à l’époque. » Très vite, ça rencontre un succès fou. "Ils les offraient, ce n’était pas encore du commerce. Au début, c’était vraiment pour faire connaître le produit. Mais ça a pris une telle ampleur, que la fête de Pâques s’est transformée en Fête des fraises." Les années qui ont suivi, les producteurs ont fait de la publicité et la renommée a grandi encore. Henri, lui a eu la bonne idée dans les années 80, de développer le marketing.
Il ressort une vieille cagette bleu azur en carton, estampillée "Fraises de Carros". Lui, en a fait une marque. "C’est dans ses cagettes qu’on vendait nos fraises. Ça nous a permis d’énormément nous développer, on a été très réputé."
"Une terre bénie des dieux"
Étalé sur un week-end, l’évènement a commencé à proposer d’autres produits du terroir. Les forains ont rejoint la partie, avec des manèges. Paul Midzner, organisateur en 1997 au sein du comité des fêtes décrit: "La formule a évolué au fil du temps. On proposait un bal avec spectacle, concert et soupe au pistou. Le chapiteau était toujours plein à craquer, on refusait du monde." Et il se vendait entre 7 et 8 tonnes de fraises en deux jours.
"On attendait ça toute l’année, vous n’imaginez pas", partage Henri Giacomo. "Certaines personnes venaient le samedi car elles craignaient de ne plus rien avoir le dimanche. On s’est déjà retrouvé en rupture de stock."
"Pour les gens des Plans, c’était leur fête de quartier", raconte Antoine Damiani, qui a tenu la présidence du comité des fêtes jusqu’en 1971, avant de devenir maire de 1995 à 2014. "C’était un moment de fierté, on vantait les mérites de l’agriculture. Les producteurs asseyaient leur notoriété face au Vaucluse. La terre des Plans est une terre bénie des dieux, où tout pousse. Les fraises sont de haute qualité et c’est ça qui a permis le succès. Elle a un goût particulier."
De moins en moins de producteurs
Mais avec le temps, il y a eu de moins en moins de producteurs. Certains ont cessé leur activité. D’autres sont partis à la retraite, et personne n’a pris la suite. Puis, l’urbanisme. Des terrains ont été vendus.
La Ville, alors aux mains de Charles Scibetta (entre 2014 et 2020), a décidé de changer le nom de l’évènement. "C’est devenu la Fête des fraises et du terroir, explique ce dernier, car il y avait d’autres artisans à mettre à l’honneur et on avait de moins en moins de fraises." Mais il maintient: "La fraise, c’est notre symbole, notre image de marque. Il faut la maintenir, c’est essentiel. C’est l’une des meilleures du monde, elle est incomparable. C’est pour ça qu’on a fait s’installer des agriculteurs sur des terrains communaux."
Aujourd’hui, il ne reste que deux producteurs de fraises à Carros, alors qu’ils étaient une quinzaine autrefois. Ce sont les fraises de Gattières qui alimentent en grande partie le week-end des festivités. Mais tous sont d’accord pour le dire: Gattières, c’est le canton de Carros.
"Tant qu’il y aura des fraises"
"La tradition perdure malgré tout, se réjouit Antoine Damiani. Les gens sont très attachés à cette manifestation, elle est ancrée dans la mémoire collective. C’est un moment de l’année où tout le monde aime se retrouver, c’est attendu avec plaisir par les Carrossois." Paul Midzner confirme: "Ça a toujours été et ça restera une fête familiale et populaire. C’est l’ensemble qui attire, ce n’est pas que la fraise."
Henri Giacomo, mémoire des Plans, conclut: "La Ville arrive à la maintenir et c’est important. Ça n’a plus rien avoir avec ce qu’on faisait, mais c’est une très belle fête avec plein d’animations. Tant qu’il y aura des fraises, il faut continuer."
"Il est hors de question de renoncer aux coutumes"
La Fête des fraises a encore un bel avenir devant elle. L’an dernier, elle a attiré 18.000 visiteurs en deux jours. "C’est le plus gros évènement de la ville et il attire de plus en plus de fidèles", soutient Yannick Bernard, maire de Carros depuis 2020, qui applique une politique de "moins d’évènements dans l’année, mais plus grands et de bonne qualité."
Depuis les années soixante, le rendez-vous carrossois s’était un peu essoufflé: "Car il y avait moins de producteurs. Mais on a changé plusieurs choses. Déjà, ce n’est plus la mairie qui impose la date, ce sont les producteurs, par rapport à la maturité du fruit."
Le Covid a aussi fait bouger les lignes: "On a développé le côté des producteurs locaux, car les marchés alimentaires étaient les seuls autorisés durant cette période. Cette année, on aura 45 stands de denrées alimentaires."
L’édition 2023 a vu se vendre 6 tonnes de fraises. "Ça donne envie aux producteurs de continuer à en faire." L’élu rassure: "Les traditions sont bien ancrées. C’est une fête familiale, il est hors de question de renoncer aux coutumes." La soirée des jeunes et le bal du samedi soir, avec la soupe au pistou, continueront d’avoir leur place à la Fête des fraises. Petite nouveauté toutefois cette année: "On a une zone d’artisans créateurs, qui seront installés là où il y a le jardin d’enfants."
Le fruit star célébré ce week-end
Ce week-end se tiendra la 49e édition de la Fête des fraises, aux Plans de Carros, sur la place Louis-Frescolini.
Les festivités commenceront dès vendredi soir, sous le chapiteau, avec une soirée DJ, dédiée aux jeunes entre 11 et 17 ans, de 20h à minuit (entrée 3 euros).
Samedi et dimanche, rendez-vous à partir de 10h, pour retrouver évidemment les fraises du canton de Carros et le marché de producteurs locaux. En plus des plaisirs sucrés, il y aura de quoi occuper les enfants avec: la fête foraine, le tournoi des héros médiévaux (proposé par Les compagnons de Blacas), le maquillage, l’atelier "Découverte autour de la fraise" (animé par le chocolatier Paul & Stark), etc.
L’habituel bal du samedi soir se tiendra dès 19h, sous le chapiteau avec la soupe au pistou (30 euros, sur réservation au 04.93.08.78.03.)
D’autres animations sont prévues, comme le spectacle de danses traditionnelles portugaises, la roue des commerçants, le quiz du Lions Club, le concert des Chœurs du Sud dimanche à 11h...
Programme complet sur le site ville-carros.fr.
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